11. Spiritualité et créativité, avec Aurélie Brunet
Ceci est la transcription textuelle de l’épisode n° 11 du podcast « Réserve Créative » (anciennement Le Barboteur) disponible sur votre plateforme d’écoute préférée.
Épisode enregistré le 29/03/2023 et diffusé le 01/05/2023.
Introduction
— Laurent : Hello ! Bienvenue sur le Barboteur, le podcast qui explore et révèle la diversité créative.
Si je te parle de spiritualité, tu vas probablement penser à la religion, aux sectes et aux coachs en tous genres qui te promettent le bonheur éternel.
Mais, la spiritualité, ce n’est pas seulement ça. C’est aussi un moyen d’apprendre à mieux te connaître et à t’écouter, ça peut être un formidable levier pour nourrir ta créativité. Tu l’auras deviné, aujourd’hui, nous allons parler de spiritualité et de créativité, bien sûr.
Pour cela, j’ai invité Aurélie Brunet. Aurélie est une personne à la créativité débordante, qu’elle peine parfois à canaliser. La spiritualité tient un rôle important dans sa vie. Depuis quelques années, elle allie ces deux concepts au sein d’un magazine qu’elle a créé.
Dans cet épisode, Aurélie partage ses définitions très personnelles de la créativité et de la spiritualité. Elle explique aussi comment, chez elle, ces deux notions se nourrissent l’une l’autre.
On parle également de la différence entre créer pour soi et créer pour les autres, de l’impact négatif du perfectionnisme et aussi, tu verras, un tout petit peu de physique quantique, rien de bien méchant, je te rassure 🙂
Sur ce, je te souhaite une excellente écoute.
Les partenaires
Qui est Aurélie ?
— Laurent : Salut Aurélie, bienvenue dans le podcast !
Pour commencer, je voulais te demander : comment tu vas aujourd’hui ?
— Aurélie : Bonjour Laurent. Je vais bien 🙂
Je ne suis pas vraiment du matin, mais j’ai pris un petit café. Je suis très contente d’être avec toi aujourd’hui et je te remercie de m’avoir invitée dans le Barboteur.
— Laurent : Pour contextualiser, au moment où l’on enregistre, il est quand même neuf heures et demie, donc c’est le matin, mais pas trop tôt non plus ! 🙂
— Aurélie : Pour moi, c’est quasiment le milieu de la nuit 🙂
— Laurent : On en parlera après, parce que j’imagine que ça affecte ta pratique créative, de travailler plutôt la nuit ?
— Aurélie : Oui, chez moi, la créativité s’exprime un peu n’importe quand. Même si c’est vrai que le matin est un peu plus calme, en termes de créativité. Mon cerveau est encore au repos et se chauffe petit à petit.
— Laurent : Je te propose de commencer par te présenter en répondant à une question qui n’est pas forcément simple : qu’est-ce que tu réponds quand on te demande ce que tu fais dans la vie ?
— Aurélie : Effectivement, ce n’est pas forcément simple. Je ne le fais pas tout le temps, mais j’aimerais répondre : j’essaie d’être heureuse.
— Laurent : D’accord, c’est bien 🙂
— Aurélie : Et, dans la vie, je laisse s’exprimer ma créativité.
J’ai une agence de communication qui s’appelle Endive, envie de. Je travaille pour des clients sur des univers visuels, des logos, des supports de communication, c’est assez créatif.
J’ai également créé un magazine papier de 124 pages, Angels Inside, qui partage des parcours de vie de personnes qui osent faire ce qui les fait vibrer.
— Laurent : Juste par curiosité, pourquoi ce nom pour ton agence de com’, à part pour le jeu de mots ?
— Aurélie : Je ne sais absolument pas pourquoi !
Je trouvais cette petite anagramme sympa. Quand j’ai envisagé la création de l’agence, et même bien avant, ce nom-là s’était invité. J’avais commencé à préparer tout un petit dossier, avec une endive…
Je pourrais mettre du sens derrière, dire que c’est la petite fusée qui décolle, que c’est quelque chose qui sort de terre et qui émerge. En réalité, je ne sais pas du tout !
— Laurent : Un rapport particulier avec les endives, peut-être ?
— Aurélie : J’aime bien les endives, mais je ne dirais pas que j’ai un rapport particulier avec 🙂
Au démarrage, ce nom était assez challengeant et complexe à assumer, ça ne faisait pas vraiment professionnel. Et en même temps, c’était assez loufoque, ça me ressemblait, j’ai donc choisi de le garder.
Ça interpelle les clients 🙂
— Laurent : J’aime bien ta réponse à la question « qu’est-ce que tu fais dans la vie ? »
Spontanément, quand on pose cette question, les personnes répondent plutôt ce qu’elles font dans leur vie professionnelle. C’est normal, c’est une habitude que l’on a.
Ta réponse, « J’essaie d’être heureuse », ça change 🙂
Est-ce que tu y arrives ?
— Aurélie : J’essaie de me recentrer sur ce qui est là plutôt que sur ce qui manque. Parfois j’y arrive, parfois pas.
— Laurent : Vaste sujet, ce que veut dire « être heureux » 🙂
Son parcours
— Laurent : Peux-tu expliquer ton parcours en quelques mots ? As-tu toujours eu un parcours en lien avec un domaine créatif, quel qu’il soit, ou c’est venu plus récemment ?
— Aurélie : C’est venu assez tardivement dans mon parcours. J’étais assez créative quand j’étais petite, j’écrivais beaucoup, notamment des poèmes, c’était ma façon d’exprimer ma créativité.
Ça s’est un peu perdu ensuite. Je suis partie en école de commerce. C’étaient des études contrariées, ça ne correspondait pas la voie de cœur que j’aurais voulu choisir.
Je voulais faire des études de lettres. Mais j’ai écouté la voix de la raison éducative de mon papa, qui trouvait que ce serait plus approprié, plutôt que ma petite voix. Ces études ne m’ont pas forcément plu.
S’est ensuivi un parcours professionnel assez détaché de la créativité. Après mes études, j’ai intégré une société d’assistance, qui envoie des dépanneurs et des remorqueurs quand on est en panne au bord de la route.
J’y œuvrais comme responsable de comptes : je calculais des tarifs, j’échangeais avec les clients. De fil en aiguille, je trouvais que ce n’était pas suffisamment créatif, ça ne me ressemblait pas assez.
J’ai fait un bilan de compétences qui a montré que mes affinités étaient à 99 % dans l’art, la littérature et la musique. Mais, troubadour, ça n’existe pas trop, dans ce monde !
J’ai migré au sein de l’entreprise : au bout de sept ans, je suis passée cheffe de projet en communication. C’était déjà plus en lien avec la créativité, avec le monde des idées que j’adore.
Au bout de sept ans, je suis partie de l’entreprise. J’ai décidé de créer ma boîte.
Créer son agence pour être libre ?
— Laurent : Qu’est-ce qui a fait que tu as voulu te lancer à ton compte ?
— Aurélie : Pour être libre. J’avais envie de prendre ma vie en main et d’être créatrice de ma vie.
J’étais très bien dans l’entreprise dans laquelle j’étais, j’étais reconnue pour mes compétences, j’ai beaucoup appris. Pourtant, j’avais la sensation d’avoir donné les clés de ma vie à l’entreprise, qui décidait de quand je prenais mes vacances, sur quel projet je devais travailler, de l’heure à laquelle je devais me lever le matin… Justement, comme c’est compliqué pour moi, ça me demandait de l’énergie 🙂
J’ai eu envie de décider pour moi. La solution que j’ai trouvée, c’était de créer ma propre entreprise. Dans les premiers temps, j’ai été un tyran pour moi-même : je me levais encore plus tôt qu’en entreprise, je ne me payais pas à ma juste valeur, je n’avais pas la liberté escomptée.
— Laurent : C’est souvent le cas, on devient facilement nos propres esclaves.
— Aurélie : Exactement, nos propres tyrans et nos propres esclaves 🙂
Sa définition de la créativité
— Laurent : Maintenant que l’on te connaît un peu mieux, je te propose de rentrer dans le sujet qui nous intéresse, la créativité.
En discutant pour préparer cet entretien, tu m’avais dit être une personne à la créativité « débordante », qui s’exprimait de multiples façons, et que tu peines parfois à la canaliser.
On aura l’occasion de rentrer dans le détail juste après, mais d’abord, peux-tu nous donner ta définition de la créativité ?
— Aurélie : Quand j’ai réfléchi à cette question, une image m’est venue : le visage d’une personne aux cheveux hirsutes, comme si elle s’était pris la foudre, avec une multitude d’étincelles autour de la tête, du corps, de petites étincelles créatives.
Pour moi, la créativité, c’est ça : laisser s’exprimer toutes ces petites bulles d’énergie, toutes ses idées, toutes ses envies, toutes ses intuitions, et les mettre en œuvre dans le concret de la vie, de la matière…
Je le vois vraiment comme des petites bulles, des petits éclairs, parce que je suis une personne d’assez mentale.
Dans la créativité, il y a aussi quelque chose de l’ordre de l’enfance. Enfant, on crée des mondes, on ouvre le champ des possibles. On peut être astronaute, archéologue, médecin, tailleuse de pierres, princesse, sage-femme, institutrice et aventurière.
— Laurent : Et tout en même temps, aussi.
— Aurélie : Exactement. Il n’y avait pas de limite à notre créativité.
La créativité va vraiment toucher ce qu’il y a d’enfantin en nous, de naturel, d’innocent, et donc ce qui nous constitue. Elle s’appuie sur nos talents, sur nos dons, sur qui l’on est. Elle nous permet à la fois de nous créer nous-mêmes, d’exprimer nos dons et de les donner aux autres.
— Laurent : Ta définition est l’une des plus poétiques que j’ai entendues 🙂
Des bulles de créativité
— Laurent : J’aime beaucoup l’idée des petites bulles de créativité.
J’ai en tête l’image des bulles de savon. Parfois, ça peut éclater, comme une idée que l’on perd, que l’on oublie, qu’on laisse tomber. Ou au contraire, fusionner et faire une plus grosse bulle.
— Aurélie : Complètement.
— Laurent : C’est aussi un peu ça la créativité. Parfois, tu as des idées qui ne sont peut-être pas les bonnes, ou que tu laisses filer, d’autres que tu fusionnes pour créer quelque chose de plus important.
— Aurélie : Cette notion de bulle et de créativité me vient d’une personne qui me parle beaucoup, Elizabeth Gilbert, qui a écrit Mange, prie, aime. Elle a aussi écrit un autre livre, Comme par magie, dans lequel elle explique sa vision des idées qui viennent nous visiter, ces petites bulles.
Pour elle, il y a un monde des idées, bien au-delà de nous, et les idées choisissent la personne la plus à même de créer, de la mettre dans le concret. L’idée te visite si tu es prêt à la mettre en place, elle reste avec toi. Si tu n’es pas prêt, elle va voir quelqu’un d’autre.
Selon elle, c’est ce qui expliquerait pourquoi, parfois, des personnes créent la même chose en même temps, à deux endroits différents du globe.
J’aime penser que les idées constituent tout un monde autour de nous, qu’elles pétillent, viennent nous visiter, nous traversent. C’est une effusion de bulles et de petites étincelles.
— Laurent : On a déjà un pied dans la spiritualité, dont on discutera tout à l’heure 🙂
La part d’introspection
— Laurent : La notion de bulle me fait aussi penser à la bulle protectrice, à la notion d’introspection. Explores-tu le côté introspectif, dans ta créativité ?
— Aurélie : Oui, beaucoup. J’aime la poésie, les mots, et dans mon parcours, il y a une quête de sens très forte.
L’introspection est super importante, ça donne du sens à ma vie. Je suis quelqu’un d’assez cérébral, d’assez mental, dans ce foisonnement d’idées. Pour me connaître, j’ai besoin d’entrer à l’intérieur de moi, d’aller chercher ce que je sens, ce que je pense. Ça nourrit ma créativité.
Une créativité « débordante »
— Laurent : Comment se matérialise ta créativité débordante ?
— Aurélie : Si tu m’avais demandé il y a quelques mois quel métier je fais, je t’aurais répondu : j’écris des livres, j’ai une agence de com’, je donnais des cours de chant, j’ai une boutique de t-shirts dont je fais le graphisme, j’ai créé mon magazine… tout ça en même temps !
J’ai 25 000 idées à la seconde, parfois, pour moi comme pour les autres. Je me dis que je pourrais les vendre : des concepts, des idées d’entreprises, des idées pour développer sa créativité…
Chez moi, ça s’exprime de manière assez anarchique. Pour sortir de la frustration que j’ai pu ressentir, aujourd’hui, j’essaie d’être dans la sobriété : une idée à la fois, que je porte jusqu’au bout. Ou trois idées à la fois, mais pas plus.
— Laurent : J’imagine que ça dépend de l’ampleur de l’idée et du projet derrière ?
— Aurélie : Complètement !
Là, j’ai pour projet de monter une école du pouvoir créatif et créateur. C’est un gros projet de vie qui va prendre le temps d’émerger en fond.
Il y a des petites idées qui peuvent être mises en œuvre assez simplement, et d’autres qui demandent de l’investissement.
Le pouvoir créateur
— Laurent : Qu’est-ce que tu entends par « pouvoir créateur » ?
— Aurélie : C’est très lié à ma vision du spirituel. Pour moi, on est créateur de sa vie. Ça va nous emmener assez loin, je vais essayer d’être claire.
On entend beaucoup, dans les approches new age, que l’on est « créateur de sa vie », que nos pensées influencent notre vie, que le monde dans lequel on vit n’est pas la réalité, mais que tout part de nous.
Le point physique quantique
— Aurélie : Pour expliquer ce pouvoir créateur, je me réfère à la physique quantique et à la physique concrète.
En tant que personne, nous sommes des électrons, constitués à 99 % de vide. Si on passait notre corps sous un microscope suffisamment puissant, on verrait que nous sommes, en fait, de la vibration.
La table en face de moi, est aussi composée d’électrons. Tout est matière, tout est vibration.
Nikola Tesla disait :
Si vous pensez le monde en termes de fréquence, de vibration et d’énergie, vous avez compris les lois de l’univers.
Je n’ai pas les termes scientifiques, mais à l’état « latent », un électron est à l’état de « champ de possibilités ». Il n’a pas de direction, il est partout, nulle part, il est à l’état de multipotentiel. C’est à partir du moment où l’on va poser notre regard, notre attention dessus, qu’il va se mettre en mouvement, prendre une direction et diffuser une onde vibratoire qui va créer quelque chose dans la matière.
Comme nous sommes des électrons, dès que l’on pose notre attention sur une chose qui nous entoure ou qui est en nous, on lui donne vie. Notre pouvoir créatif est là.
Au-delà de l’attention, on peut poser une intention. Je centre toutes mes énergies, mon émotionnel, mon corps, avec une intention bien précise dans l’idée créative, et je pose des actions. Quand on aligne tout ça, notre idéal ne peut qu’émerger, voir le jour et réussir.
— Laurent : C’est costaud et un peu difficile à assimiler, la physique quantique dès le matin 🙂
Je laisse un peu infuser, et je reviendrai dessus après. C’est assez dense et ce sont des concepts que je ne maîtrise pas forcément.
C’est intéressant que tu aies une approche scientifique du pouvoir créatif et de la créativité, alors que justement, tu n’es pas forcément quelqu’un de scientifique ?
— Aurélie : Vraiment pas ! Ça m’étonne moi-même de m’intéresser à ça, de trouver un sens à cette physique quantique dans notre pouvoir de créer les choses.
C’est assez curieux, et en même temps, je suis fascinée.
Je ne sais pas si tu as déjà eu l’occasion de voir des gens qui « attirent » à eux des objets, à faire bouger des choses, en laboratoire. Quand ils attirent à eux une fourchette, par exemple, ils ne demandent pas la fourchette de venir à eux, mais font comme si la fourchette était déjà en eux. Ils sentent déjà la fourchette dans leurs mains, ils sentent les choses. Ils ont fait bouger la matière, quelque part.
Je ne dis pas que j’ai tout compris, c’est ma vision personnelle. Peut-être que ça ferait bondir des scientifiques : « c’est n’importe quoi, ce qu’elle raconte ! » 🙂 En tout cas, pour moi, ça a du sens.
Créer pour les autres, créer pour soi
— Laurent : Tu crées uniquement dans un cadre professionnel ou aussi pour toi, juste pour le plaisir ?
— Aurélie : Je crée aussi pour moi, beaucoup avec les mots : des poèmes, des chansons, j’avais commencé à imaginer une comédie musicale pour enfants…
— Laurent : L’expression de ta créativité est un besoin fort, que tu ne mobilises pas uniquement à des fins « alimentaires » ?
— Aurélie : C’est ma créativité qui s’exprime par moi, et parfois, elle ne me laisse pas trop le choix.
J’ai vraiment l’impression d’être un « canal à idées », c’est assez fou. Ça ne s’exprime pas uniquement dans le cadre professionnel. Je dirais même que je peine à la reconnaître dans ce cadre-là.
Je n’avais pas conscientisé ça, mais c’est une créativité contrainte. Quand je dois dessiner un logo, concevoir une identité visuelle, on pourrait se dire que c’est hyper créatif. Et en même temps, j’ai l’impression de contraindre le champ des possibles à une seule possibilité. Pour faire un logo, je peux passer par 25 ou 30 idées, pour autant, ce n’est pas là que je sens ma créativité libre.
Libertés et contraintes
— Laurent : J’ai souvent cette discussion avec des invités autant créatifs à titre personnel que professionnel. Ce n’est pas du tout la même créativité qui s’exprime. Ce n’est ni bien, ni mal, juste deux créativités différentes. L’une est contrainte par une demande client, un budget, des délais. Tandis que l’autre, moins contrainte, est plus compliquée à canaliser.
Tu ressens ça aussi ? Quand tu as moins de contraintes, tu as davantage l’opportunité de partir dans tous les sens ?
— Aurélie : Complètement. C’était problématique pour moi, dans le monde de l’entreprise. En tant que cheffe de projet communication, je devais m’intégrer dans une charte assez cadrée. En même temps, ça permettait de faire aboutir les sujets.
Si je pars sans cadre, effectivement, la créativité est extrêmement libre, mais parfois, toutes mes idées peinent à aboutir. C’est un mix à trouver,
Quand j’ai une idée, je me dirige vers une sobriété, une persévérance, pas pour la brider, mais parce qu’elle vaut le coup que j’y consacre mon énergie.
C’est plus facile pour moi de créer pour les autres parce que j’irai au bout. Pour moi, j’avais un peu plus de mal, mais aujourd’hui, j’essaie de donner ce que j’ai à donner à mon idée, de lui faire honneur.
Parler de ses idées pour s’engager
— Laurent : Quand tu crées pour toi, comment fais-tu pour te canaliser ?
Tu parles de ton idée à quelqu’un d’autre ? Parfois, ça met un peu de « pression » pour la matérialiser. Ou tu gardes les choses pour toi en essayant de t’autodiscipliner ?
— Aurélie : Je parle beaucoup de mes idées. Ça m’aide et ça m’oblige à les rendre concrètes, même si ce n’est pas une science exacte 🙂
Parfois, certains de mes amis disaient « Toi, tu as plein d’idées, mais tu ne les mets pas en place. Tu dis toujours que tu vas faire et tu ne fais pas. » C’est un peu moins vrai aujourd’hui.
Je me place moi-même en situation de « contrainte ». En parler me donne une motivation supplémentaire pour aller au bout.
Dans le chemin créatif, on peut s’entourer d’autres personnes qui auront, elles aussi, des idées, entraînant des associations de créativité qui peuvent être intéressantes.
Créative « de naissance »
— Laurent : Selon toi, d’où te vient cette profusion d’idées créatives ?
— Aurélie : Dans ma quête de sens et d’introspection, j’apprends des choses sur moi.
J’ai fait une formation à l’ennéagramme. C’est une approche qui étudie les types de personnalités. On pourrait dire que ça met les gens dans des cases, en réalité, ce sont plutôt des grandes tendances de personnalité, il y en a 9.
Il y en a une qui s’exprime de manière plus forte en fonction de nos blessures d’enfant, de comment nous nous sommes construits dans l’enfance. Elle part du postulat qu’à un moment, quelque chose s’est passé et que l’on s’est dit « plus jamais ça », et que l’on a construit notre personnalité autour de ça.
Ma structure de personnalité, c’est l’épicurienne, la boulimique. Je suis une boulimique d’idées, j’en ai 25 millions à la minute, je n’arrive pas à les canaliser, je n’aime pas la routine, j’ai besoin de nouveautés tout le temps.
De nombreuses approches m’ont éclairée là-dessus. Mon besoin de liberté, ma peur d’être enfermée, font que j’ai une personnalité qui a besoin de s’évader, de poser des concepts.
Je ne saurais pas exactement dire d’où ça vient, je pense que c’est de naissance.
L’influence de l’environnement familial (ou pas)
— Laurent : Valentine, qui est chorégraphe, me disait que depuis toute petite, on l’avait encouragée à avoir une pratique artistique. Elle allait voir beaucoup d’expos, de spectacles…
C’était ton cas ? Tout à l’heure, tu évoquais un environnement familial qui a plutôt essayé de brider ta créativité…
— Aurélie : Sans la brider, il ne l’a pas forcément encouragée.
Mon papa, par exemple, peignait très bien, ma maman était couturière. On écoutait beaucoup de musique… En ce sens, j’ai pu baigner dans un univers créatif. J’ai des oncles qui ont fait les Beaux-arts, qui sont Meilleurs Ouvriers de France dans leur domaine, un Meilleur Artisan. La créativité est présente dans la famille, il y a peut-être un héritage de ça.
En revanche, je n’ai pas la sensation que l’on m’ait incitée, enfant, à pratiquer quelque chose de créatif. Je suis malgré tout restée assez libre de faire ce que je voulais, en termes de sports… Pour les études et le mode de pensée, j’étais un peu moins libre 🙂
— Laurent : Ça veut dire que pour toi, il y a une part de génétique, dans la créativité ?
— Aurélie : Je pense qu’il y a des prédispositions, en tout cas, c’est comme ça que je le vis.
Je ne pense pas que les enfants arrivent neufs dans cette vie, mais avec des bagages, des blessures familiales, des héritages. Parfois, on porte le nom d’une grand-mère, d’un grand-père…
Beaucoup de choses se font aujourd’hui pour travailler ces sujets-là.
Dans les « constellations familiales », on va travailler sur les liens familiaux, la façon dont se comportaient nos parents, ce dont on hérite dans les gènes, dans l’ADN, sur le plan culturel, éducationnel… Pourquoi la créativité sortirait-elle de ce cadre-là ?
Je suis aussi convaincue qu’on est tous créatifs. Aujourd’hui, on limite la créativité aux domaines artistiques : écrire des chansons, faire de la musique… Pourtant, elle va bien au-delà.
On peut être créatif dans la préparation d’un repas ! Quand je vois des œufs dans mon frigo, je me dis que je vais faire une omelette. Une autre personne fera « un espuma avec un petit flambé de… » 🙂
— Laurent : C’est une des thèses que je défends dans le podcast : on est tous créatifs à des niveaux différents, à des temporalités différentes. La créativité, on ne la trouve pas que dans les arts.
Je prends souvent l’exemple d’un mécanicien face à une panne qu’il ne comprend pas. Pour en retracer l’origine, pour la résoudre, peut-être sans forcément disposer du bon matériel, il fera preuve d’inventivité et de créativité. C’est la même chose qu’avec les œufs, effectivement 🙂
— Aurélie : Pour moi, c’est aussi, j’y reviens, être créateur de sa vie. On crée tous, on a une créativité débordante même si on ne le sait pas 🙂
S’aimer pour nourrir sa créativité
— Laurent : Et toi, comment tu fais pour entretenir et développer ta créativité ? Est-ce que tu mets en place des actions pour ça ou ça vient tellement naturellement que tu ne fais rien de spécial ?
— Aurélie : Je ne fais rien de spécial, dans le sens où c’est tellement débordant que je suis plutôt dans une dynamique de sobriété, comme je le disais tout à l’heure, de me centrer sur une idée à la fois et d’aller au bout.
Ce que je fais beaucoup, c’est m’aimer, vraiment. J’essaie d’œuvrer à accepter qui je suis pleinement, dans mes ombres, dans mes lumières, dans les choses que j’aime, que j’aime moins. C’est une manière pour moi de nourrir mes élans créatifs.
Plus je vais être en amour de moi, plus je vais m’accepter comme je suis, plus la créativité va être fluide. Je vais me permettre de sortir les idées de cœur, des grandes idées qui ont du sens, qui font du bien. C’est très lié à l’amour de soi, à mes yeux.
— Laurent : Tu as toujours eu cette philosophie ?
— Aurélie : Je ne sais pas si je l’ai toujours eue, j’ai assez peu de souvenirs de comment je vivais les choses, enfant. C’était peut-être latent sans que je ne m’en rende compte.
Cette nécessité de s’aimer pour être pleinement dans son pouvoir créatif et créateur se développe vraiment depuis une vingtaine d’années.
— Laurent : À part la profusion d’idées, que tu essaies de canaliser, est-ce qu’il y a des choses dans ton quotidien qui freinent ta créativité, qui t’empêchent, te bloquent ?
— Aurélie : Quand je ne m’aime pas suffisamment, le jugement que je porte sur moi va me bloquer. Ce n’est pas tant que je n’aurai pas l’idée, c’est que je ne vais pas pouvoir la mettre en œuvre.
Si je me dis que je suis trop nulle, que ça ne sert à rien, que d’autres ont déjà eu la même idée, que je n’ai rien à apporter… Le sabotage intérieur plombe la créativité par tous ces mots, créateurs, eux aussi, mais d’un truc qui ne va pas m’aider.
— Laurent : Tu es ton propre moteur et ton propre frein…
— Aurélie : Complètement 🙂
Même si quelqu’un qui me dit en face « ton idée est nulle », je pense que c’est un petit haut-parleur de ce que je peux me dire à l’intérieur. Je ne penserais pas que cette personne est méchante, je vais écouter ce qu’elle me dit et chercher si ça résonne chez moi.
Ce qu’elle dit, c’est ce que je me dis aussi. Alors, soit je le travaille, soit j’ouvre un peu les chakras et je me dis : « Est-ce que vraiment, tu n’es pas capable ? Est-ce que c’est toi qui te racontes ça ? »
Mon idée d’école, par exemple, c’est un lieu de vie, c’est un gros projet… Quand on me dit « c’est énorme », je réponds « oui, je sais, mais ça va le faire », même si je ne sais pas comment ou quand. C’est mon idée, et si je commence à me demander comment faire avec l’argent, le lieu… je ne fais rien !
Faire taire son saboteur et maîtriser son perfectionnisme
— Laurent : Comment tu fais taire ce petit saboteur ?
— Aurélie : Je cultive l’amour de moi, les pensées positives. Je « travaille » sur moi, même si je n’aime pas trop ce mot. J’œuvre à me découvrir et à accepter ce que je vois.
Ça passe par du développement personnel, des formations en ennéagramme, en programmation neurolinguistique.
La PNL a mauvaise presse, dans la mesure où parle d’outils de manipulation. Pourtant, on manipule tous, et la PNL m’a aidée à voir là où je manipulais et là où je me manipulais moi-même.
C’est un outil qui permet une écologie relationnelle, dans des liens plus aimants, de soi à soi et de soi aux autres, avec des valeurs partagées. Il s’agit de comprendre l’autre et de se comprendre soi.
Tous ces outils m’aident à m’accepter dans mes défauts.
Mon perfectionnisme et ma forte exigence en termes d’être brident ma créativité. D’après Elizabeth Gilbert, que je citais tout à l’heure, il n’y a rien de pire pour tuer la créativité. Parce que dans le souci de perfection, on voit ce qui manque, on se flagelle.
Accepter toutes les facettes de sa personnalité permet à la créativité de s’expanser. Ça me donne aussi les outils pour aller au bout.
Sa définition de la spiritualité
— Laurent : Depuis le début là de la conversation, la notion de spiritualité est revenue à plusieurs reprises, c’est quelque chose de très fort pour toi, et tu fais beaucoup de liens entre spiritualité et créativité.
Autour du terme « spiritualité », il y a de nombreux préjugés, et c’est un domaine aussi vaste que la créativité. Pour que l’on comprenne bien, qu’est-ce que tu mets derrière ce mot ?
— Aurélie : Effectivement, c’est un terme assez galvaudé, souvent associé à la religion.
Je vais commencer par ce qu’elle n’est pas pour moi. Être spirituel, ce n’est pas pratiquer une religion, être catholique, musulman… Ce n’est pas non plus avoir des dons médiumniques, être voyant, avoir des dons de guérisseur, aller danser nus autour d’un feu… Ça peut, si on a envie de le faire.
Pour moi, la spiritualité, c’est plutôt écouter sa petite voix intérieure, qui sait ce qui est bon pour nous, ce qui nous motive, nous fait vibrer. « Petite voix », intuition, enfant intérieur, Dieu, l’univers, la source… chacun a son nom pour la définir.
C’est explorer, à l’intérieur de soi, aller à sa propre rencontre, et faire ce qui nous fait vraiment vibrer, mener une vie qui a du sens, dans la joie, le bonheur et vers son plein potentiel.
Créativité et spiritualité
— Laurent : Quel lien fais-tu entre créativité et spiritualité ?
— Aurélie : La spiritualité sous-tend la créativité.
Quand on se connecte à sa voix intérieure, à ce qui fait du sens, on se connecte aussi à ses talents, à ses dons, à l’amour de soi, et à ce qui coule naturellement de soi. Nous sommes tous riches de sagesses, de dons et de talents différents, à l’intérieur de nous. Quand on entre en lien avec ça via la spiritualité, on peut laisser s’exprimer son potentiel créatif.
La spiritualité permet de nourrir et de laisser s’exprimer sa créativité de manière naturelle, fluide et centrée avec qui on est, laisser émerger ses talents, ses petites graines créatives.
Ça va sonner très « guerrier », mais ces petites graines créatives sont les munitions, et la spiritualité est l’arbalète ou le lance-pierre. Ça donne l’élan, l’impulsion pour projeter ses idées bien plus loin.
— Laurent : Est-ce que ça veut dire qu’avant de créer, tu prends un temps pour faire de la méditation, ce genre de choses, pour te connecter ta spiritualité ? Ou c’est plutôt quelque chose que tu fais au quotidien, qui n’est pas forcément lié à un instant créatif en particulier ?
— Aurélie : Ce serait beau, si j’arrivais à méditer avant chaque création, parce qu’elle serait beaucoup plus impactante.
Quand on se connecte au sens qu’on met dans les choses, qu’on est pleinement présent dans ce qu’on fait, il y a une plus grande puissance créative. Ça m’arrive, mais ce n’est pas systématique.
Chez moi, la spiritualité s’exprime au quotidien. Comme je n’aime pas trop la routine, quand je médite, ce n’est pas forcément assise en lotus, mais debout, couchée, en priant, en remerciant…
Aujourd’hui, la spiritualité est un état d’être que je recherche. J’essaie de me connecter vraiment à qui je suis à l’intérieur, à ce qui fait du sens, à ce qui fait vibrer. Les idées qui émergent, elles, sont un peu différentes.
Son magazine, Angels Inside
— Laurent : Tu as créé un magazine, Angels Inside, qui lie spiritualité et créativité. Peux-tu nous le présenter en quelques mots et nous expliquer la genèse de ce projet ?

— Aurélie : C’est un magazine sans publicité qui paraît « au temps juste », c’est-à-dire, quand il est prêt, parce que ce n’est pas mon activité première, pour l’instant en tout cas. Je le souhaite, demain.
C’est un magazine de 124 pages qui partage des parcours de vie, j’appelle ça « la sagesse du coin de la rue ». Les personnes que j’interroge ne sont pas médiatisées, ce sont des gens comme toi et moi, notre banquier, notre agent immobilier… Elles ont osé, à un moment, faire un pas vers ce qui les fait vibrer.
Ces parcours ne sont pas forcément simples. Parmi ces personnes, certaines ont fait un burn out, ont été malades, d’autres se sont questionnées… Leur point commun, c’est d’oser faire ce qui leur plaît dans la vie.
Il n’y a pas de publicité. À la place, je propose des visions d’artistes et d’âmes créatives en chemin, soit des artistes dont c’est le métier, comme des photographes, des peintres, des illustrateurs… soit des personnes qui utilisent la créativité comme une façon d’exprimer leur potentiel, une façon de se soigner, une façon de se connaître.
— Laurent : J’ai eu l’occasion de lire le premier numéro, que tu as eu la gentillesse de me transmettre. C’est très intéressant, il y a pas mal de choses, c’est un magazine qui vaut le coup d’être lu 🙂
— Aurélie : Merci 🙂
La spiritualité, un sujet féminin ?
— Laurent : Selon notre sensibilité à la spiritualité, certains sujets vont nous parler plus que d’autres.
Quelque chose m’a interpellé dans le premier numéro : parmi les personnes interrogées, il y a davantage de femmes que d’hommes. Est-ce que c’est volontaire ou est-ce un hasard ?
— Aurélie : Ce n’est pas volontaire, même si je ciblais les femmes au départ. D’ailleurs, le nom du magazine devait être « Angelles ». Mais, il se trouve que c’est le nom de l’équipe féminine de rugby de Lyon 🙂
Donc ça s’est transformé en Angels Inside, et j’en suis très contente.
Dans mon réseau, j’ai davantage de femmes que d’hommes, ce qui explique qu’elles sont plus nombreuses dans les deux premiers numéros.
À présent, j’aimerais ouvrir la porte à la vision masculine, également importante et intéressante, ce sont des approches complémentaires.
— Laurent : Si je te pose la question, c’est parce que j’ai l’impression qu’il y a comme un biais psychologique qui associe souvent la spiritualité à la féminité.
Quand on parle de spiritualité, notamment dans mon entourage, j’ai l’impression que les femmes y sont plus sensibles. C’est quelque chose que tu expérimentes aussi ?
— Aurélie : Oui, je l’ai souvent constaté dans mon parcours en quête de sens et vers une meilleure connaissance de moi-même.
Certaines approches, certains sujets ou outils, comme l’ennéagramme, la PNL, semblent plus féminins que d’autres.
On a tendance à dire, bien que ce soit réducteur, que les femmes ont plus de facilité à aller en introspection, à aller en elles-mêmes, regarder comment elles fonctionnent, à vouloir creuser. Les hommes, par éducation, par culture, ont plutôt tendance à vouloir tout faire tout seuls, à se blinder : « Moi, ça va, je vais aller bien, je suis un homme… »
C’est un peu moins vrai aujourd’hui, avec une grande ouverture au « masculin sacré », qui propose aux hommes d’incarner qui ils sont, dans leur force comme dans leur vulnérabilité.
Dans les cercles, il y a souvent beaucoup plus de femmes, mais les hommes commencent à arriver. On voit des hommes thérapeutes, psychologues, alors qu’il me semble qu’il y avait davantage de femmes avant, mais je n’ai pas de chiffres…
Les gourous, en revanche, étaient majoritairement des hommes, mais pour moi, ça, ce n’est pas de la spiritualité !
La fabrication du magazine
Le choix du papier
— Laurent : Concernant le magazine, tu as fait le choix du papier plutôt que du format numérique. Ce n’est pas une évidence, en 2023, qu’est-ce qui a guidé ton choix ?
— Aurélie : Je suis très papier, j’aime beaucoup les livres, leur toucher, leur odeur. Je suis peut-être old school : j’aime la poésie, les trucs un peu rétro… C’était dénué desens, à mes yeux, de réaliser un magazine numérique. Je crois qu’il y aura toujours des livres et un public pour avoir en main un bel objet, qui a du sens, qu’on conserve.
Pour moi, les livres, les cahiers, sont comme des petits trésors. J’avais envie d’embrasser cette sensibilité.
— Laurent : Concernant l’impression, tu l’imprimes toi-même ou tu travailles avec un éditeur de magazine ?
— Aurélie : Pour l’instant, c’est moi. On est vraiment au tout début, je l’ai lancé l’année dernière. Je fais appel à des imprimeurs indépendants issus de mon réseau professionnel.
Ça permet aussi de faire travailler l’industrie du papier, même si je m’inscris dans une démarche que j’aimerais écologique et économique.
C’est du papier recyclé, même si parfois le recyclé n’est pas le plus écologique. Pour rationaliser les stocks, j’ouvre des précommandes. Ça m’évite de commander 3 000 exemplaires. Si 1 000 se perdent, ça n’a pas de sens aujourd’hui.
— Laurent : Dirais-tu que cette dimension « artisanale » apporte plutôt des contraintes, ou qu’au contraire, elle t’offre pour une plus grande liberté ?
— Aurélie : Je suis libre, avec tout de même quelques contraintes.
J’ai toute latitude sur le choix des sujets, des personnes que j’interviewe. Je peux ouvrir la porte à des plumes créatives, qui écrivent sur des sujets sur lesquels je n’ai pas forcément de droit de regard.
C’est très créatif, dans le sens où je suis là, aujourd’hui, à parler de créativité et de spiritualité. C’est aussi une façon d’expérimenter des choses.
Le côté « contrainte » vient de mon souhait que les personnes qui partagent leur parcours dans le magazine puissent valider les mots qu’elles posent. Elles ont un droit de regard, de relecture. Certaines laissent tel que, d’autres réécrivent. Dans ce cas, j’avoue que c’est assez frustrant. Et en même temps, c’est important.
Mais moi, si je fais trois fois la même chose, je me sens déjà en contrainte, mon seuil de tolérance à la contrainte est assez bas.
Qui fait quoi ?
— Laurent : Sans être un grand lecteur de magazines, il me semble que parmi ceux que je peux lire, les mises en page sont assez classiques. J’ai noté que celle d’Angels Inside est vraiment travaillée, poussée. Est-ce que c’est toi qui l’as conçue ?
— Aurélie : Oui, en grande partie.
Sur l’aspect graphique, Patricia m’a accompagnée sur les deux premiers numéros. Je l’ai rencontrée lors d’une retraite méditative en silence. Quand le silence a été rompu, nous avons beaucoup parlé, et elle m’a proposé son aide.
Pour l’aspect rédactionnel, j’ai l’aide de Julie. Elle écoute des bandes sons et rédige les articles, mais également des brèves, des « pastilles ». Demain, j’aimerais qu’elle puisse prendre son envol, aller interviewer, elle aussi.
J’ai aussi le projet de proposer du contenu alternatif, complémentaire, sur la chaîne YouTube en parallèle du magazine. Pendant les interviews, il arrive que la personne chante, joue du tambour chamanique… C’est dommage, je suis la seule à en profiter ! Je voudrais aussi proposer des méditations, des choses en lien avec le magazine.
Le contenu d’abord !
— Laurent : Tu adaptes la mise en page en fonction du contenu, ou c’est l’inverse ?
— Aurélie : J’adapte la mise en page au contenu.
On m’a souvent demandé pourquoi je ne faisais pas plus court, mais c’est impossible. Le magazine se construit, il y a un sens que je ne maîtrise pas. C’est là que le pouvoir créatif est à l’œuvre, au-delà de moi. Certains sujets s’imbriquent. Si je voulais le créer avec ma tête, je ne saurais pas. Cependant, je vois que ça se pose, et je trouve ça magique, fou, je vois les liens, c’est assez impressionnant.
Je n’ai pas envie de contraindre la mise en page, il y aura des traits communs entre deux numéros, mais également des choses qui vont bouger.
— Laurent : Ça m’impressionne : 124 pages, il faut les remplir !
Comme tu le disais, tu laisses la place aux contenus longs. C’est aussi un peu ce que je défends avec le podcast.
Faire évoluer la mise en page à chaque numéro, ça doit prendre du temps ?
— Aurélie : Ça me prend beaucoup de temps.
Concernant la longueur des contenus, Patricia a soumis le premier numéro au comité de direction du magazine pour lequel elle travaillait. Ils ont trouvé les articles « trop longs et très empathiques ». Mais je ne veux pas bouger ça.
Sept ou huit pages par personne, ça se lit comme des histoires. J’ai envie qu’on passe un temps, comme si on était assis avec la personne et qu’on discutait avec elle, c’est très important pour moi.
C’est du temps, c’est du travail, c’est aussi la raison pour laquelle un premier numéro est sorti l’année dernière et un deuxième cette année.
Ça a été assez douloureux pour moi, car au départ. J’avais envisagé un trimestriel. J’ai rapidement compris que, vu la somme de travail, c’était impossible. L’idée fait son chemin.
Aujourd’hui, j’aimerais que le magazine se développe, en vendre suffisamment pour faire appel à des compétences, parce que c’est du boulot 🙂
Pas de publicité : un parti pris
— Laurent : Tu fais le choix de ne pas faire appel à de la publicité, qui pourrait pourtant te fournir un apport financier pour aller chercher d’autres compétences.
Est-ce par crainte d’être bridée dans ta créativité ou par conviction ?
— Aurélie : Par conviction. C’est marrant, car j’ai une agence de communication, donc autant dire que je fais de la pub 🙂
Pour autant, je n’ai pas envie de vibrations marchandes, je ne veux pas que les contenus des personnes soient perturbés par des énergies de pub.
Quand je lis un magazine, ça m’embête de voir des pubs pour des trucs qui n’ont rien à voir, ça me coupe dans ma lecture, ça m’emmène dans un autre univers…
Tant pis, le magazine coûte un peu plus cher, 18 € sans les frais de port. C’est un beau bébé ! J’assume ce tarif, et le fait qu’il n’y ait pas de pub. Je préfère vraiment pousser des artistes.
— Laurent : Ça en fait un peu un ovni. Dans la plupart des magazines que je connais, tu as une alternance entre un article, une pub, un article, une pub… Ça ne donne pas envie de lire, c’est énervant.
— Aurélie : C’est vrai que plusieurs personnes m’ont dit « Ah ! Enfin, on l’attendait ce magazine ! »
Genèse
— Aurélie : La genèse de la création du magazine remonte à des discussions avec Julie, qui m’avait proposé gentiment de réaliser un audit de mon site internet, Endives.
Je lui ai fait part de mon envie de créer un blog. J’adore écrire, mais je n’ai pas le temps… tout comme un magazine, je lui ai dit que j’adorerais faire ça.
Deux fils se sont touchés : et si je faisais un magazine ? Je n’avais jamais fait ça, mais j’avais les compétences graphiques, je sais écrire, j’ai le réseau… c’est bon, je le fais !
Dès la semaine suivante, j’ai appelé tout le monde :
Je vais faire un magazine, est-ce que tu veux bien être dedans ?
Tout le monde était enthousiaste.
Un magazine pour booster sa créativité
— Laurent : Ce magazine est-il aussi un élément dans ta recherche de spiritualité, qui nourrit ta créativité ?
— Aurélie : Complètement. Le premier sous-titre du magazine était : « Les anges urbains partagent leurs couleurs et vous aident à oser. »
Tout ce que j’écris, c’est pour aider à devenir le créateur de sa vie, à oser. Çaparle avant tout de moi, c’est un chemin qui m’est cher.
Je connais mon potentiel, je me suis beaucoup sabotée et je continue encore à le faire, parfois, en me disant que je n’ai pas les compétences, pas le talent, qu’il y a des gens bien plus brillants que moi… C’est une souffrance de penser comme ça, ce perfectionnisme ne m’aide pas.
Les livres que j’écris, comme le magazine, sont une façon de m’ancrer dans cette démarche, d’oser, moi aussi, faire ce que j’aime.
Ceux qui le font m’inspirent. Quand je lis les articles, quand j’écoute les interviews, par moments, j’ai des frissons, je me dis : « ça, c’est important de le dire, c’est important de le poser ». Ça compte beaucoup pour moi.
— Laurent : Quand on se lance dans un média, toi avec le magazine, moi avec le podcast, on le fait pour mettre en avant d’autres personnes. Mais, c’est avant tout pour nous, aussi, il ne faut pas se leurrer.
— Aurélie :
C’est bien, justement : si on ne le faisait pas pour nous, on ne le ferait pas 🙂
Les questions de la fin
— Laurent : On arrive à la fin de notre échange, et je te propose quelques petites questions pour conclure.
Ses projets
— Laurent : À part le magazine et tes projets pour tes clients, quel est le projet créatif que tu voudrais pousser en 2023 ?
— Aurélie : En 2023, je voudrais faire rayonner le magazine, ça, c’est sûr.
J’ai prévu un communiqué de presse avec une agence qui avait repéré le magazine sur les réseaux. Ils travaillent avec des grandes entreprises françaises et ont estimé que le magazine avait un potentiel de diffusion dans les médias. L’idée, c’est donc d’aller chercher des émissions de télé, de radio, des publications dans la presse pour faire connaître Angels Inside.
En parallèle, mon projet d’école alliant enseignements et travail sur soi continue de me trotter en tête. Je voudrais commencer à poser les concepts, poser les choses.
— Laurent : C’est déjà pas mal, ce sont quand même de deux beaux bébés 🙂
— Aurélie : C’est sûr 🙂
Ses conseils pour développer sa créativité
— Laurent : Quels conseils pourrais-tu donner à une personne qui cherche à explorer et à développer sa créativité, mais qui ignore par où commencer ?
— Aurélie : Mon conseil, même s’il paraît aux antipodes, c’est « aime-toi. »
Cultive l’amour de toi, l’acceptation de toi, la pensée positive et la bienveillance à ton égard. Même si parfois, tu fais de la merde, parce qu’on en fait tous 🙂
Plus tu vas t’aimer, plus ta créativité jaillira !
— Laurent : Je me fais un peu l’avocat du diable, mais c’est un conseil peut-être un peu vague, un peu « bullshit », excuse-moi du terme 🙂
Peux-tu préciser ce que tu entends par là ? Comment peut-on concrètement le mettre en œuvre ?
— Aurélie : Concrètement, chacun a sa manière de le travailler.
Va en thérapie si tu en as besoin, fais taire les voix du mental qui te disent que tu n’es bon à rien…
Travaille ton mental, et libère ton émotionnel. Tu as le droit d’être en colère, d’être triste… Accepte toute la palette de tes émotions, et si certaines te plombent trop, fais ce qu’il faut pour qu’elles sortent. Ça peut passer par le sport, l’approche somato-émotionnelle, la sophrologie… il existe de multiples techniques de libération.
Cultive « un mindset de gagnant », ça ne veut rien dire, mais c’est un peu ça 🙂
Chez moi, les affirmations positives fonctionnent bien. L’idée, c’est de te répéter chaque jour que tu vaux le coup. Prends le temps avec toi, remercie pour les choses que tu fais bien et pour celles que tu fais mal, parce qu’elles t’enseignent. Remercie pour les gens qui te blessent, qui te disent que tu es pourri.
Kate Winslet raconte que, durant ses études, ses profs lui répétaient qu’elle était grosse, qu’elle n’avait aucun talent, qu’elle ne serait jamais actrice. Elle n’a pas du tout écouté ces voix-là, elle est restée déterminée et elle a joué dans un des films les plus vendus de tous les temps !
Croire en toi, c’est fondamental. Même si tu ignores ce que tu as envie de mettre en place dans ta vie, ça va se mettre en place. Des choses vont se passer, tu vas rencontrer des gens…
Pour cultiver sa créativité, il y a aussi plein d’outils très pratico-pratiques.
Par exemple, tu peux laisser courir sur un papier toutes les idées que tu aurais envie de concrétiser, celles qui te font peur, pourquoi, de quoi tu as besoin, de quelles compétences… Tu peux réaliser des tableaux de visualisation en collant des images de ce que tu aimerais créer…
mPour le tourner de façon positive, je dirais : « aime-toi » ; pour le dire autrement, « arrête de te dézinguer ».
— Laurent : Ces deux formulations parleront à des personnes différentes.
Ce que je retiens aussi, dans ce que tu dis, c’est qu’il est nécessaire d’expérimenter différentes choses pour apprendre à avoir foi en soi, à s’aimer… il n’y a pas une recette magique.
— Aurélie : Il n’y a pas de recette miracle : la créativité est en nous.
Nous sommes notre propre baguette magique, chacun a sa façon unique de ressentir le monde, de le créer, de le penser.
Pour certains, la créativité s’exprime dans leur habileté à nouer des contacts, dans le relationnel…
C’est facile de dire : « Ose mettre ta créativité en pratique ! » Mais, quand tu n’as pas d’idée de ce que tu as envie de faire, c’est un peu dur.
Aime-toi pour commencer, et change ton discours. « C’est de plus en plus facile pour moi de savoir ce que j’aime dans la vie. » : répète-toi ça chaque jour.
Ainsi, tu commences à activer l’un des plus grands potentiels créatifs que tu as : ton verbe, tes mots, tes pensées. « Au commencement était le verbe », c’est une citation biblique, même si je ne la rattache pas à la religion ou à Dieu.
« Je suis », « je veux », « je fais » : nous disposons d’une puissance créatrice énorme ! Commençons par changer notre façon de dire les choses : plutôt que « je ne vais pas y arriver », disons « j’y arrive de mieux en mieux. Jusqu’à présent, c’était peut-être complexe. Aujourd’hui, je mets en place des choses… »
Ça nous met dans une autre dynamique, énergétiquement parlant, et ça permet à la créativité de s’exprimer.
— Laurent : C’est un conseil intéressant 🙂
À chacun de trouver sa façon de faire !
« Lance-toi », effectivement, ça ne veut rien dire. Quand on ignore par où commencer, la première étape pourrait être de se poser, avec une feuille et un papier, et d’écrire ce qu’on aime, ce qu’on n’aime pas.
Ça rejoint un peu ce qu’on disait tout à l’heure : apprendre à se connaître peut nous aider à identifier comment on peut être autant nos propres moteurs que nos propres freins…
— Aurélie : Complètement, et ce qui nous fait peur…
L’exercice de la feuille est intéressant : jeter toutes les idées. C’est parfois difficile de se projeter, parce qu’on est conditionnés…
Si j’avais une baguette magique, qu’est-ce que je ferais, là, tout de suite, maintenant ?
Il y a une autre question que j’aime beaucoup : en reprenant des éléments de notre liste, on peut se questionner sur nos freins. Est-ce que je ne m’en sens pas capable ? Pourquoi ?
Cet exercice de la liste d’envies, on peut le faire sur une feuille, mais aussi le parler, le chanter, pour les personnes plus verbales, à qui l’écrit ne parle pas. Les personnes visuelles peuvent peindre leurs envies, passer par le collage pour réaliser un « tableau de visualisation », par exemple. Il est important de se faire confiance pour trouver sa façon de s’exprimer, même dans sa recherche créative.
— Laurent : Il n’y a pas de bonne ou mauvaise manière, chacun a sa propre façon de faire 🙂
— Aurélie : Exactement.
Son mot préféré de la langue française
— Laurent : Une de mes questions préférées, parce que je trouve qu’elle en dit souvent long sur la personne que j’interroge, c’est : quel est ton mot préféré de la langue française ?
— Aurélie : J’adore cette question, vraiment 🙂
Mon mot préféré, c’est le mot « poésie ».
J’aime la poésie, pour moi, c’est une façon de créer le beau dans le monde, ça convoque le pouvoir vibratoire des mots, leur beauté. J’adore quand les sonorités s’emmêlent, s’entremêlent. Ça fait appel au son, à l’écrit, au visuel. On voit les mots, on les entend, on les ressent.
Dans le deuxième numéro du magazine, il y a un article sur la poésie. J’étais donc allée chercher la définition. Poésie vient du grec poiein, qui signifie créer, faire. Il n’y a vraiment pas de hasard… ce sont les gens dans la spiritualité qui disent ça !
— Laurent : Ah oui ?
— Aurélie : C’est assez fou, parce que c’est vraiment, pour moi, l’art de créer du beau.
Je vais faire mon intello : Platon disait que la poésie touchait à l’enthousiasme. L’enthousiasme, étymologiquement, c’est la capacité d’être avec Dieu, donc de se connecter à ce qui nous fait vibrer à l’intérieur, à ce potentiel de vie « divin », à son intuition… La poésie permet de le mettre dans le monde, j’adore !
— Laurent : Je ne connaissais pas cette signification du mot poésie 🙂
— Aurélie : Moi non plus 🙂
— Laurent : On a souvent l’image de la poésie comme le truc qu’on nous forçait à apprendre quand on était petits. Pourtant, il y a de nombreux types de poésie, et ça peut être beau à lire et à écouter.
— Aurélie : On peut même faire de la poésie sans faire des rimes. Je suis une fan d’alexandrins, ça me parle. Grand Corps Malade, il fait de la poésie !
C’est aussi l’art de mettre en mots ses émotions, ses sentiments, ce que l’on porte à l’intérieur. La poésie dispose d’un pouvoir introspectif, c’est aussi un beau moyen de se connaître, de créer qui on est.
— Laurent : Pendant que tu parlais, j’ai sorti le dictionnaire et j’ai regardé la définition. C’est donc
« l’art d’évoquer, de suggérer les sensations, les émotions, par un emploi particulier de la langue, par l’union intense, des sons, des rythmes, des harmonies, des images, etc. »
Il n’y a pas que les mots, mais toute une rythmique, une sonorité…
— Aurélie : Ça fait aussi appel au visuel, ça crée des scènes, du beau ! Quelque chose se passe avec les mots, quand ils sont posés d’une certaine manière.
— Laurent : C’est un domaine que je connais assez peu, et j’adorerais recevoir un poète dans le podcast… peut-être un des prochains épisodes ?
— Aurélie : Belle idée !
Son coup de cœur créatif
— Laurent : Pour conclure, quel créateur ou quelle créatrice aimes-tu et voudrais-tu mettre en avant ?
— Aurélie : Caroline Morel, qui est une de mes amies. Elle est plus connue sur les réseaux sociaux sous le nom de Mademoiselle Bien-être.
Ce n’est pas sur ce sujet que je souhaite la citer, mais sur le land art, qu’elle appelle « la poésie naturelle ». Elle crée des œuvres d’art dans la nature, avec la nature et par la nature.
Avec un bout de bois et trois feuilles, Caroline est capable de fabriquer un portant qui va, comme un vitrail, se laisser traverser par la lumière du soleil et créer du beau. Dans la nature, elle utilise les éléments à sa disposition.
Elle fabrique aussi des « maisons de fées », de petites cabanes avec du bois, des éléments de récup’… Elles sont absolument magiques, ces maisons !
Ensuite, elle les photographie dans la nature, puis elle les ramène chez elle.
C’est un excellent moyen de se connecter à la nature, d’être en extérieur et de créer du beau. On peut le pratiquer dans son jardin, à la mer, en forêt…
— Laurent : Chouette 🙂
Je mettrai les liens pour retrouver ses créations dans les notes du podcast et sur le transcript.
Pour retrouver Aurélie
— Laurent : Pour terminer, où peut-on te retrouver ?
— Aurélie : Pour le magazine, on peut me suivre sur Instagram et Facebook, sur la chaîne YouTube Angels Inside Magazine, et sur le site Internet, angelsinside-magazine.fr.
— Laurent : Super ! Aurélie, merci beaucoup !
— Aurélie : Merci à toi 🙂
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