Ceci est la transcription textuelle de l’épisode n° 21 du podcast « Réserve Créative » disponible sur votre plateforme d’écoute préférée.

Épisode enregistré le 08/01/2024 et diffusé le 09/02/2024.

Les partenaires

Introduction

— Laurent : Parce qu’on est tous et toutes créatifs à notre façon, Réserve Créative questionne la notion de créativité et explore la diversité créative.

Hello, je suis Laurent et ce podcast est ma quête pour comprendre ce qu’est la créativité.

Une promenade en terrain hostile

Aujourd’hui, je t’emmène à la découverte de la face cachée de la créativité.

C’est un endroit sombre où la peur du jugement règne en maître et empêche les créatifs en herbe de se lancer. Au cours de notre balade, nous allons croiser tous les brouillons jetés avant d’arriver à cette œuvre parfaite pour Instagram. C’est aussi un lieu où nos émotions créatrices laissent la place à nos complexes et à l’autocensure.

Présenté comme cela, j’ai conscience que je ne te fais pas beaucoup rêver et que je ne te vends pas l’épisode comme je devrais le faire dans cette introduction.

Mais, si le côté obscur de la créativité n’est pas sexy et ne fait pas rêver, ne pas en parler et nier son existence serait une erreur, car il fait partie intégrante du processus créatif.

Pour me servir de guide dans ce terrain hostile, j’ai fait appel à Marie Blachier.

Marie a réussi à s’en extirper en découvrant le carnet créatif, une pratique créative à mi-chemin entre le scrapbooking et le journal intime. En redéfinissant le rapport au beau, il permet à ses pratiquants et pratiquantes de prendre de la distance avec le jugement des autres, mais aussi avec son propre jugement et ses complexes.

Dans cet épisode, Marie m’explique comment la créativité l’a rendue plus résiliente. Ensemble, on questionne ce que signifie être artiste. On parle aussi de sa passion d’enfance assez insolite pour le tuning de paquets de cigarettes et de rouleaux de papier toilette.

Elle me présente également ses différents projets comme le Livre Voyageur ou le festival de la Créativ’Alchimie. Enfin, elle me partage une recommandation créative assez surprenante.

Présentation de la Créativ’Alchimie

Avant de laisser place à l’épisode, je voudrais juste prendre quelques secondes pour te parler de la Créativ’Alchimie, le festival dédié à l’expression artistique que Marie organise depuis 2021.

Cette année, ce ne sont pas moins de 22 ateliers en vidéo pour t’aider dans ta pratique créative. Certes, les ateliers sont très orientés sur le carnet créatif, puisque c’est la spécialité de Marie, mais certains peuvent s’appliquer à toutes les pratiques créatives.

Les intervenants sont issus de toute la francophonie, ce qui permet de découvrir des approches différentes et de nouvelles techniques.

La Créativ’Alchimie, ce n’est pas que des ateliers. C’est aussi :

  • un espace communautaire où tu peux faire des rencontres passionnantes et échanger avec d’autres créatifs,
  • des live,
  • de nombreux bonus, qui sont distillés tout au long de l’année.

Au moment où je publie l’épisode, l’édition 2024, qui est dédiée à la phase cachée des carnets créatifs, sera finie depuis quelques jours. Mais, tu peux toujours accéder aux enregistrements.

L’accès aux archives est payant, mais avec ton abonnement, tu as un accès à vie :

  • aux vidéos, que tu peux regarder dans l’ordre que tu veux, quand tu veux, à ton rythme,
  • à tous les bonus
  • à un écosystème très actif autour du festival

Pour accéder au site : https://www.creativalchimie.fr.

Si tu cliques sur le lien et que tu t’inscris, tu as la possibilité de faire deux bonnes actions :

  1. Tu stimules ta créativité et découvres de nouvelles pratiques créatives dont tu ne soupçonnais peut-être même pas l’existence.
  2. Tu soutiens le podcast. En effet, pour chaque inscription générée depuis le lien, je touche une petite commission, sans que cela ne te coûte plus cher.

Sur ce, je te souhaite une bonne écoute.

Présentation de Marie

La rentrée scolaire comme source de créativité

— Laurent : Salut Marie, bienvenue sur le podcast. Comment se porte ta créativité aujourd’hui ?

— Marie :  Bonjour Laurent. Ma créativité se porte très bien aujourd’hui.

— Laurent : Est-ce qu’il y a une raison particulière ?

— Marie : Oui, c’est la rentrée scolaire. En général, cela me permet d’avoir des périodes assez libres dans la journée où je peux m’organiser comme je veux.

— Laurent : Pour contextualiser, au moment où on enregistre l’épisode, on est tout début janvier, c’est la reprise de l’école. Est-ce que pour toi, le début d’année, c’est une période qui stimule ta créativité ou, au contraire, qui la freine ? À moins que ça n’ait pas d’impact ?

— Marie : La rentrée de janvier, comme celle de septembre, ce sont des périodes qui stimulent beaucoup ma créativité.

J’aime bien cet élan de nouveauté. C’est là où je me projette pour démarrer de nouveaux projets que ce soit dans mon art journal (mon carnet créatif) que dans d’autres projets de ma vie pro et perso. On en parlera plus tard. 😄

— Laurent :  En effet, on va en parler un peu plus dans le détail au cours de l’épisode.

Avant de parler de créativité, je propose qu’on apprenne à te connaître. Qu’est-ce que tu réponds quand on te demande ce que tu fais dans la vie ?

— Marie : En général, j’ai un petit blanc. 😅

Désormais, j’ai tendance à dire que je suis une guide créative et inspirée, ce qui nécessite toujours un développement.

— Laurent :  Développement que je te demanderais de faire. 😄

— Marie : J’organise des ateliers créatifs qui permettent de s’exprimer avec les couleurs, les matières, les textures, dans des carnets.

Mon support de prédilection, c’est le carnet.

J’aime, à travers cette démarche, stimuler, entretenir la créativité des gens, leur apprendre à jouer avec l’inspiration et à la stimuler. Pour moi, la créativité, c’est un muscle qu’on doit exercer régulièrement.

À travers cette pratique de carnet créatif, j’ai envie d’accompagner les gens à muscler cette créativité et à la mettre au service de leur quotidien.

Le carnet créatif, une reconversion récente

— Laurent : C’est quelque chose d’assez récent. Avant, tu pratiquais un autre métier, dans un domaine complètement différent. Qu’est-ce qui t’a amené vers ce premier métier et qu’est-ce qui t’a fait basculer vers un métier plus créatif ?

— Marie : On va parler effectivement de métier, de choix de carrière.

Pour les personnes qui ne me connaissent pas, j’ai 40 ans. Je fais partie d’une génération où nos parents avaient pour mot d’ordre de nous trouver un métier qui allait nous nourrir et nous garantir un certain confort de vie. C’est tout à leur honneur et je le comprends, maintenant que je suis maman.

Malheureusement, les métiers faisant appel à la créativité et l’expression artistique ne faisaient pas partie de ces métiers. Au collège, quand il a fallu que je trouve un métier, j’ai simplement dit que j’aimais bien jardiner avec ma grand-mère dans son jardin.

Ma conseillère d’orientation m’a alors proposé d’aller dans un lycée agricole. Voilà comment j’ai atterri dans l’agriculture et comment j’ai travaillé 15 ans dans ce domaine.

J’ai réussi à trouver un métier dans la création variétale et la production de semences potagères. Pendant treize ans, j’ai été laborantine. Mon métier consistait à mettre en contact des pathogènes avec des plantes et observer ce qu’il se passait.

Après coup, je me suis aperçue que c’était aussi une forme de créativité parce qu’on créait de nouvelles variétés. Je devais aussi faire preuve de beaucoup d’ingéniosité.

— Laurent : Qu’est-ce qui t’a fait quitter ce domaine pour te consacrer au carnet créatif ?

— Marie : Il y a plusieurs raisons. La première, c’est qu’il y avait de moins en moins de créativité et plus en plus de routines. Je trouvais que cela perdait son sens et j’estimais avoir fait le tour de ce travail.

En parallèle de ça, j’avais retrouvé le goût artistique que j’avais quand j’étais enfant. Je l’avais perdu en grandissant, au fur et à mesure de mes études.

Je l’ai retrouvé de façon toute bête, en cherchant un cadeau pour ma belle-mère. Elle aimait beaucoup la photographie. J’ai cherché des albums photos pour lui faire plaisir et je suis tombée dans l’univers du scrapbooking.

Petit à petit, j’ai enlevé la photo de mes albums de scrapbooking et c’est comme ça que ce sont devenus des carnets créatifs.

— Laurent : Comment est-ce que tu as vécu cette période de 15 ans (même plus avec tes études) où tu as dû mettre de côté ta créativité ?

Est-ce que tu l’avais conscientisé ou tu étais trop prise dans ton quotidien ?

— Marie : Je ne l’avais pas conscientisé, mais ça s’est fait très progressivement parce que même étudiante, je continuais à gribouiller dans les marges de mes cahiers.

J’aime beaucoup l’univers manga. Donc j’ai essayé de reproduire les dessins de manga, même en étant étudiante. Quand j’ai commencé à travailler, j’ai gardé un petit carnet, je faisais encore des colliers en perles…

C’est vraiment petit à petit que le quotidien étiole notre pratique artistique. Il faut travailler, voir la famille, faire les courses, faire le ménage… On a moins de temps pour ça.

Après, il y a une partie de mon temps libre que je consacrais à ma passion pour le manga. J’allais beaucoup sur des festivals et ça me prenait beaucoup de temps. Il a fallu faire un choix.

Étrangement, quand j’ai redonné de la place à mon côté artistique, le manga a presque disparu de ma vie.

— Laurent : Est-ce que tu regrettes d’avoir remplacé le manga par autre chose ?

— Marie : Non, pas du tout. Dans la vie, on a des cycles. On va avoir des cycles de création, des cycles de passion ou encore des moments où on va engranger beaucoup d’informations sur une thématique…

Je ne regrette absolument pas. C’est bien aussi de se permettre de passer à autre chose, si on en sent le besoin.

Sa définition de la créativité

— Laurent : Quelle est ta définition de la créativité ?

— Marie : C’est important de se créer sa définition de la créativité, j’ai d’ailleurs mis du temps à trouver la mienne.

Pour moi, la créativité est non seulement un muscle, mais aussi la capacité de transformer tout ce qui se trouve autour de nous. Cela peut être quelque chose de matériel ou issu du « monde subtil ».

Quand je parle de monde subtil, cela peut paraître ésotérique, mais je fais référence aux choses qui sont impalpables. Un chanteur, par exemple : quand il va chanter, il met en action ses cordes vocales et transforme les vibrations sonores. C’est difficile à toucher, par rapport à moi qui fais de l’art plastique où le résultat est vraiment tangible.

Tous créatifs, tous artistes.

— Marie : Pour moi, nous sommes tous des êtres créatifs. J’ai eu l’opportunité d’aller sur des marchés pour essayer de vendre mes créations. J’y ai croisé des gens qui m’ont dit :

C’est beau ce que vous faites, mais moi je ne suis pas créatif.

Ça me fait mal au cœur d’entendre ça, car ces personnes ne reconnaissent pas leurs muscles créatifs. En discutant avec elles, certaines vont me dire qu’ils font de l’écriture, mais ne se sente pas créatives. Alors que si ! L’écriture est un acte de création. On confond toujours créativité et art !

Ça peut être aussi intéressant de mettre en parallèle la définition de l’artiste qui est aussi quelque chose de personnel. Quelle est notre définition d’artiste ?

Pendant longtemps, j’ai cru que l’artiste, c’était quelqu’un qui vendait ses tableaux et qui les exposait dans un musée. J’invite tout le monde à aller dans les musées près de chez vous. En général, il y a toujours une journée dans le mois où c’est gratuit. Allez-y, vous serez surpris de ce qu’on peut trouver dans les musées. Vous verrez que tout le monde peut être artiste.

L’artiste, c’est celui qui se donne l’autorisation d’exprimer sa créativité à travers le média qui lui parle le plus.

— Laurent : Du coup, c’est quoi pour toi un artiste ?

— Marie :  C’est une définition assez complexe.

À partir du moment où on exprime sa créativité, on est un artiste. Un enfant, quand il fait un dessin à l’école maternelle, il brandit son dessin et se dit artiste. On ne lui a pas demandé de se définir à l’avance. Il a créé, il est donc artiste.

— Laurent : Si on suit ton raisonnement, quelqu’un qui crée une entreprise, c’est un artiste ?

— Marie :  Oui, tout à fait. C’est un artiste-entrepreneur.

— Laurent : C’est la première fois que j’entends cette vision, donc ça m’intrigue. 😄 Pour moi, dans le domaine artistique, tu as la recherche d’un certain esthétisme que tu n’as pas forcément justement quand tu crées une entreprise.

— Marie : On n’a pas encore abordé la notion d’intention.

Tous les jours on crée. De manière très basique, on mange, on crée de l’énergie pour pouvoir bouger. Cela se fait de manière plus ou moins consciente.

L’artiste, lui, va poser une intention. Cela peut être la recherche de l’esthétisme, ou transmettre un message.

L’entrepreneur, quand il crée une société, il va d’abord poser une intention. À quoi va-t-elle servir ? Quelles en seront les valeurs ? Quel sera son fonctionnement ? Quels vont être ses partenaires ?

Il y a une intention avec tout ça. C’est là où sa créativité et son côté artistique vont se révéler sur le choix des partenaires, des valeurs, du logo, ce qu’il veut transmettre…

On retrouve cela aussi avec le chant, ou les arts plastiques.

— Laurent : Je reviens sur ta définition de la créativité, parce que tu as utilisé un terme que j’aime beaucoup : celui de « subtil ».

On a souvent tendance à se dire que la créativité, c’est soit conscient, soit inconscient. Mais en fait, non. C’est plein de petites choses qui sont là, plus ou moins visibles, et qu’on arrive à voir à un moment donné.

C’est pour cela que j’aime bien le terme subtil. Et contrairement à ce que tu disais, ce n’est pas du tout ésotérique. Au contraire, je trouve que ça rationalise ce côté de la créativité.

Fin de la parenthèse. 😉

Son enfance créative

Une pratique créative sans tâches

— Laurent : Tu disais qu’enfant tu étais assez créative. Comment est-ce que ta créativité se matérialisait ? Était-ce uniquement par le dessin ?

— Marie : Enfant, je ne me suis jamais considérée comme une bonne dessinatrice. Dans mon expression artistique d’adulte, je suis plus dans l’art abstrait que dans la reproduction photographique des choses.

Et donc, enfant, ma créativité prenait plein de formes différentes. Je faisais de la peinture, mais ma mère ne voulait pas trop, à cause des tâches. J’ai donc fait beaucoup de pâtes à modeler ou de collages.

Je me souviens que je faisais des cadeaux de fêtes des Mères en collant des petits coquillages sur des paquets de cigarettes ou des rouleaux de papier toilette.

J’ai toujours aimé récupérer et collectionner des petites choses que je pouvais assembler pour créer.

Plus âgée, j’ai un peu de poterie et beaucoup de perles. Il y a eu ensuite les modes comme les scoubidous ou les bracelets brésiliens. J’étais toujours en train de faire quelque chose.

La peinture et le crayon sont venus beaucoup plus tard. Forcément, ça tachait plus que les scoubidous ! 😄

— Laurent : Quand tu faisais des perles, tu suivais des modèles existants que tu reproduisais ou tu essayais de créer tes propres modèles ?

— Marie : Dans un premier temps, je reproduisais des modèles que je trouvais dans des livres de la bibliothèque.

Ce n’est que plus tard que j’ai créé mes propres modèles de perles et de scoubidous. Par contre, pour les collages, ça a toujours été intuitif.

— Laurent : Je ne sais pas si quand on est enfant on peut parler de processus créatif, mais est-ce que tu te souviens un peu de ton processus créatif ? Comment ça se passait ? Tu savais ce que tu voulais faire et après, tu trouvais comment le faire ?

— Marie : C’est ça. Il avait toujours une intention, une idée, de départ. Ensuite, je créais avec ce que j’avais sous la main.

L’origine de sa créativité

— Laurent : Est-ce que tu as une idée d’où te vient ta créativité ? Est-ce qu’elle te vient de ton environnement familial ou tu l’as développée seule ?

— Marie : Partant du principe que tout le monde est créatif, je pense que ma créativité a toujours été là.

Par contre, c’est vrai que j’ai eu un environnement qui a permis l’expression de cette créativité.

— Laurent : Sauf la peinture. 😁

— Marie : Sauf la peinture, en effet. 😄 Après, je pouvais quand même toucher les pinceaux et j’en faisais à l’école. Mais c’est vrai que pendant longtemps j’en faisais moins.

Comme mes parents étaient divorcés, quand ma mère travaillait, j’étais beaucoup avec mon grand frère et ma grande sœur. On avait beaucoup de temps libre quand on n’était pas à l’école.

Une fois qu’on a fini de jouer à la Barbie ou à autre chose, à un moment donné, je me mettais à créer.

Avec mon frère, on était très complice. Dans les moments où on n’avait pas de jouets (comme dans les salles d’attente), on avait nos propres jeux. On rejouait des publicités, on réinventait des chansons… Avec le recul, c’était une belle façon de muscler sa créativité.

C’est quelque chose qui a beaucoup stimulé mon imagination et ma créativité et que je continue à faire aujourd’hui.

La créativité, une capacité innée ?

— Laurent : Tu défends le principe qu’on est tous créatifs. Est-ce que selon toi il y a une part d’innée ?

— Marie : Oui, je pense.

Mais c’est comme pour tout : il faut être dans un milieu qui permet de s’exprimer et de trouver son bon mode d’expression créative.

Par exemple, je sais cuisiner, mais ce n’est pas là où je prends le plus de plaisir. À l’inverse, ma belle-sœur ne se dit pas créative, mais sa cuisine l’est. C’est juste qu’elle n’a pas été dans un environnement qui lui a permis de mettre le doigt sur sa forme de créativité et de la développer.

On parlait tout à l’heure des personnes qui écrivent énormément pour elles. Parfois, elles sont à deux doigts d’avoir un roman, mais n’osent pas le montrer à d’autres personnes.  C’est quand même de la créativité, même si elles ne le ressentent pas.

Allons dire à Victor Hugo que ce n’était pas un artiste !

La créativité permet de prendre sa vie en main

— Laurent : En préparant l’épisode, tu m’avais dit que, pour toi, la créativité permet de prendre sa vie en main. Est-ce que tu peux détailler ce que tu entends par là ?

— Marie : La créativité consiste en grande partie à faire avec ce que l’on a sous la main. On va tâtonner, faire des erreurs.

Par exemple, dans mon carnet créatif, je vais faire une tache de peinture, une coulure, qui n’était pas prévue. Il faut apprendre à rebondir sur ces imprévus. On doit aussi accepter qu’il puisse y avoir des différences entre nos projections mentales et le résultat.

Le carnet créatif et la peinture m’apprennent à rebondir, à accepter l’erreur.

— Laurent : Et à lâcher prise…

— Marie : Tout à fait.

Il y a beaucoup de connotation derrière le lâcher-prise.

Pour moi, c’est d’abord se mettre en mouvement avec une intention et accepter que le résultat peut être incertain et ne correspond pas tout à fait à notre vision.

Exercer une activité artistique nous entraîne à lâcher prise et à se donner le droit à l’erreur. On peut ensuite le réintégrer dans son quotidien. Par exemple, si j’ai un accident de voiture, je sais que j’ai une capacité créative qui me permettra de rebondir sur cet accident et de ne pas le subir.

— Laurent : La créativité rend résilient.

— Marie : C’est ça.

Avec le carnet créatif, j’ai aussi appris à reconnaître les ressources à ma disposition. J’ai commencé avec un pinceau, une palette de couleurs et un tube de colle. Petit à petit, mes ressources se sont élargies.

Par exemple, si j’ai des chutes de papier d’un vieux magazine, mais pas de pochoir, je peux prendre une sous-tasse pour découper un cercle. Cela me permet de conscientiser l’étendue de mes ressources.

Quand on fait quelque chose qu’on aime et qu’on prend conscience de cette résilience que cela amène, c’est très enrichissant.

Travailler son muscle de la créativité

— Laurent : Qu’est-ce qu’il te manque, pour être encore plus créative que tu ne l’es maintenant ? (S’il te manque quelque chose !)

— Marie : Le sentiment de sécurité, même si c’est illusoire.

Je parle plus de sécurité financière. J’ai toujours l’impression de courir après quelque chose. Et c’est lié à ma condition humaine : j’ai toujours une sensation de manque.

C’est un travail à faire sur moi. Mais en fait ce n’est pas plus mal. Si j’avais tout, je ne sortirais plus de mon lit !

Le jour où il ne me manquera plus rien, je pourrais quitter cette terre. Je n’aurais plus rien à accomplir.

La créativité, un super pouvoir ?
Source : Instagram

Un muscle à travailler continuellement

— Laurent : Je n’avais pas vu la chose comme cela. Est-ce que tu penses qu’il existe un pic de créativité au cours de notre vie ? Ou tant que l’on continue à l’entretenir, elle se développe à l’infini ?

— Marie : Comme la créativité est un muscle, tant qu’on l’entretient, tout va bien. En revanche, si on fait une pause, il va s’affaiblir, mais va repartir une fois remis en route.

Je l’ai constaté dans ma vie, il y a eu des cycles où j’étais plus créative, d’autres où je l’étais moins.

On peut relancer la machine à tout moment, sans limites d’âge. J’ai des personnes de 70 ans qui se relancent dans une pratique artistique et qui s’éclatent !

Cela me nourrit. Je me dis qu’il n’est jamais trop tard pour s’y mettre et pour s’amuser. Le côté plaisir est important aussi.

Le risque du claquage créatif

— Laurent : Pour continuer dans ta métaphore avec le muscle, il faut tout de même faire attention au claquage !

— Marie : Oui, tu fais bien d’en parler.

Je suis tombé assez tôt sur le livre « Comme par magie » d’Elisabeth Gilbert que je recommande vivement.

Partenariat Couverture du livre « Comme par magie : vivre sa créativité sans la craindre »
Comme par magie : vivre sa créativité sans la craindre Elisabeth Gilbert

Dans ce livre, elle explique qu’il ne faut pas demander à sa créativité de nous faire vivre. La première fois que j’ai lu ça, j’étais en désaccord avec ce postulat. Je venais de lancer mon entreprise, l’Âme du fait main et je commençais à faire des ateliers sur internet.

Pour moi, de nombreuses personnes vivaient de leur créativité et je n’arrivais pas à comprendre pourquoi elle prétendait le contraire. Avec le temps j’ai compris qu’à force de créer pour les autres, on perdait le plaisir de créer pour soi et on pouvait s’épuiser.

Si on ne crée pas par plaisir, c’est là qu’il y a un risque de claquage. Ça nécessite d’être au clair sur ce que l’on attend de notre créativité et de faire des ajustements réguliers.

— Laurent : On en revient à la notion d’intentionnalité. C’est une notion qui revient souvent dans mes échanges avec les invités : est-ce que je crée juste pour créer, ou parce que ça paye les factures ?

Si c’est la seconde option, ça peut marcher un temps, mais tu risques de te lasser et de perdre ta créativité.

— Marie : Je ne pense pas qu’on puisse perdre sa créativité.

Je parlerais plus d’épuisement, de claquage qui nécessite une période de repos.

Sa pratique du carnet créatif (art journal)

Qu’est-ce que le carnet créatif ?

— Laurent : Je te propose d’approfondir ta pratique du carnet créatif, dans lequel tu t’es spécialisée.

En anglais, on part d’art journal, mais je préfère la traduction française, qui valorise le côté créatif et non artistique.

Peux-tu nous expliquer ce qu’est le carnet créatif ?

— Marie : Comme le nom suggère, il s’agit d’un carnet, dans lequel on s’exprime page après page avec tout ce que l’on a disposition (feutres, crayon, peinture, aquarelle…).

On peut y faire des collages, ajouter de la pâte ou des perles pour donner du relief, ou encore des tissus pour faire des jeux de textures.

Cela peut aussi être fait dans un vieux livre, qui devient ce que j’appelle un « livre altéré ».

On y met l’intention qu’on veut. On peut raconter son humeur du jour ou en faire un journal intime amélioré. Cette année, je vais tester un carnet de projection et d’intention hebdomadaire.

Parfois, on a juste envie de s’amuser, de mettre ses doigts en mouvement. Cela peut être joyeux, comme un moyen de se défouler émotionnellement.

Le carnet créatif peut être un témoignage pour sa famille ou quelque chose de très intime, qu’on garde pour soi.

C’est d’ailleurs en cherchant un dialogue avec moi-même qu’a commencé ma pratique.

Sa découverte du carnet créatif

— Laurent : Comment est-ce que tu as découvert le carnet créatif ?

— Marie : Ça a commencé avec le scrapbooking, qui utilise les mêmes techniques artistiques (encres, papiers, pochoirs, tampons…).

Un peu par hasard, je suis tombé sur l’univers de Kasia Avery. C’est une Polonaise qui vit en Angleterre et qui pratique l’art journal. J’ai découvert qu’on pouvait s’exprimer différemment et sur plus de thématiques qu’avec le scrapbooking.

Comme son univers est très anglo-saxon, j’ai voulu franciser le concept. D’autant que le carnet englobe pour moi beaucoup plus de choses que l’art journal.

Petit à petit, j’ai laissé tomber la photographie et je me suis concentrée sur ce carnet qui me permet de dialoguer avec moi-même et de me découvrir à travers.

— Laurent : Quand tu as commencé la première page de ton premier carnet, est-ce que tu savais déjà ce que tu voulais faire ? Est-ce que tu te souviens de ton état d’esprit de l’époque ?

— Marie : Au départ, je me suis essayée sur des pages individuelles. Ça partait un peu dans tous les sens et ça ne ressemblait pas à grand-chose.

Mais j’aimais cette impression d’avoir joué et d’avoir passé un bon moment. Même si le résultat n’était pas probant.

Ensuite, j’ai suivi des ateliers de Kasia. Ça m’a donné une structure, un guide, qui me permet de ne pas avoir peur de la page blanche.

— Laurent : La traduction en carnet créatif est de toi ou c’est un terme « officiel » ?

— Marie : Je ne l’ai pas inventée.

Le terme art journal est donc anglais (sachant que les Anglo-saxons ont une définition artistique moins restrictive que la nôtre).

Je voulais d’abord traduire la totalité de ce que je connaissais de l’anglais vers le français, pour le transposer. C’était en 2017 et peu de personnes en parlaient. Je suis donc rapidement tombée sur le journal créatif d’Anne-Marie Jobin. Comme c’est un terme déposé, journal est devenu carnet.

Sa pratique du carnet créatif

— Laurent : Comment est-ce qu’à titre personnel, tu intègres cette pratique dans ta vie ? Est-ce que tu pratiques tous les jours ou uniquement quand tu as de l’inspiration ou du temps ?

— Marie : C’est plus quand j’ai le temps et l’inspiration.

Pendant un temps, j’ai pensé que pour pouvoir enseigner, il fallait s’astreindre à une pratique quotidienne.

Sauf que la créativité, ça ne marche pas comme ça, bien que ce soit un muscle ! Même un sportif qui pratique tous les jours ne va pas faire le même effort quotidiennement.

Pour moi, c’est pareil. Il y a des jours où je vais pouvoir faire trois pages de carnet, puis pendant plusieurs jours, je ferais juste un gribouillage sur le bord d’une feuille.

C’est donc assez irrégulier.

Si je peux donner un conseil, ce serait d’écouter son envie et de ne pas se blâmer si on ne touche pas son carnet pendant deux mois. Au contraire, il faut pouvoir être content d’y retourner deux mois après.

Source : Instagram

— Laurent : Si on revient à la notion d’intentionnalité : quand tu ouvres ton cahier, tu sais déjà ce que tu vas faire ou tu te laisses porter par ton inspiration ?

— Marie : Ça dépend.

Parfois, je ne sais pas quoi faire et je vais prendre ce que je trouve sous la main. Et comme souvent dans ces cas-là, je n’ai pas beaucoup de temps, je vais juste faire des petites touches.

Ce sont des pages sur lesquelles je vais revenir plusieurs fois. Elles peuvent donc considérablement se transformer entre l’intention du début et le résultat final.

Dans d’autres cas, je vais avoir une intention plus forte, plus réfléchie. La réalisation va alors me prendre plus de temps (environ 1 h 30 — deux heures) et je vais le faire en une seule fois. C’est rare que je revienne sur ces pages.

Le carnet créatif comme moyen de repenser le rapport au « moche »

— Laurent : J’aimerais qu’on revienne sur quelque chose dont tu as parlé tout à l’heure : s’autoriser à faire du « moche ». D’ailleurs, je mets de gros guillemets à « moche », car c’est une notion relative.

C’est quelque chose dont on parle assez peu. Est-ce que tu dirais que le carnet créatif permet de lâcher prise sur le rapport au beau et à l’excellence ?

— Marie : Tout à fait. Le carnet créatif permet littéralement de tourner la page, voire de la déchirer.

On peut donc s’autoriser à faire du moche, et si ça ne nous plaît pas, on passe à autre chose.

Les réseaux sociaux valorisent les belles pages, les belles choses. On ne se rend pas compte que pour arriver à ce résultat, il y a une tonne de brouillons et d’essais (pour ne pas parler de moche) qui n’ont pas été retenus./table

Les réseaux sociaux valorisent les belles pages, les belles choses. On ne se rend pas compte que pour arriver à ce résultat, il y a une tonne de brouillons et d’essais (pour ne pas parler de moche) qui n’ont pas été retenus.

C’est aussi quelque chose que je veux transmettre dans ma pratique artistique : non, tout ce que je fais ce n’est pas « beau ». Parfois, ce que je fais ne ressemble à rien. Je tourne alors ma page et je fais autre chose.

Il y a un autre processus que j’aime bien : quand ça ne me plaît vraiment pas, je passe une grosse couche de peinture noire et je repars à zéro. Enfin, je ne pars pas tout à fait de zéro, car il reste une trace. C’est là que ça va devenir intéressant, car même s’il reste la trace de la création précédente, on s’autorise à aller de l’avant.

— Laurent : Effectivement, sur les réseaux sociaux on a un effet loupe sur le résultat final et non sur le processus.

En outre, on voit le résultat dans sa globalité. Je suis sûr que si on zoome, on pourrait voir des imperfections.

J’ai le souvenir d’une publication que tu avais partagé sur Instagram dans laquelle tu montrais tous les petits défauts.

Source : Instagram

— Marie : C’est ce qui fait le charme de la création.

— Laurent : Oui, ça donne un côté artisanal.

— Marie : Tout à fait.

Il faut aussi savoir prendre du recul. Quand on finit sa création, on ne se concentre que sur les défauts.

C’est un biais cognitif qui nous aide à apprendre, à nous améliorer. Ce n’est pas nécessairement négatif. Il faut juste savoir prendre du recul, sinon, on s’enterre dans le négatif.

Quand je crée, j’aime bien laisser mon carnet ouvert quelques jours sur mon bureau et passer devant à des heures différentes de la journée, avec une luminosité différente.

Cela m’aide à m’en détacher émotionnellement. Toutes les imperfections que j’ai identifiées vont se gommer petit à petit et avec le temps, d’apprécier ma création.

Parfois, c’est mon fils qui m’aide à prendre du recul. Il va s’extasier devant une œuvre que je trouvais moche. Mais lui, il va y voir quelque chose de différent. On n’est pas obligé de tout partager à son entourage, mais cela peut nous aider à poser un regard neuf.

Le carnet créatif, une activité solitaire ?

— Laurent : Ça tombe bien que tu en parles, c’était une question que je voulais te poser. Tel que tu me présentes le carnet créatif, je le vois comme une activité solitaire. Est-ce qu’il t’arrive, toi ou les personnes que tu accompagnes, de le pratiquer en groupe ?

— Marie : C’est une activité qui peut être solitaire, comme collective.

D’ailleurs, une fois par mois, avec des amies, on s’organise une après-midi « scrap entre filles. » L’idée est de partager, de mettre son matériel en commun.

Ça ouvre à des échanges et permet de s’améliorer à différent niveau : technique, procédures… mais aussi au niveau du jugement qu’on peut avoir de ses propres œuvres. Le fait d’avoir un regard extérieur aide à prendre du recul.

— Laurent : À l’inverse, est-ce que ça ne peut pas rajouter de pression ? On risque de regarder ce que font les autres et de se comparer. Est-ce que tu as déjà vécu ce sentiment ?

— Marie : Non, je n’ai jamais vécu ce sentiment.

Que ce soit dans le scrap booking ou en participant à des ateliers, on était tous dans une démarche d’apprentissage. C’était un peu comme à la maternelle, où on se montrait nos techniques les uns les autres. Il n’y a pas de compétition.

Après, il faut bien choisir ton entourage. Si quelqu’un ose vous juger dans ce cadre-là, changez d’ami·es ! 😄

— Laurent : C’est sûr.

La Créativ’Alchimie, le festival annuel dédié au carnet créatif

— Laurent : Tu as créé un événement qui s’appelle la Creativ’Alchimie. Peux-tu expliquer en quoi ça consiste ?

— Marie : La Creativ’Alchimie est un festival annuel qui se déroule au mois de janvier, depuis 2021.

Je regroupe plusieurs intervenants (en 2024 nous serons une vingtaine) pour proposer des ateliers créatifs dans les carnets.

On va explorer différentes techniques artistiques, de nouveaux processus. L’objectif est de stimuler la créativité.

— Laurent : Avec pour objectif d’appliquer les conseils dans les carnets créatifs, ou ils peuvent s’appliquer dans d’autres disciplines ?

— Marie : On va s’adresser à des personnes qui pratiquent le carnet créatif au sens large, pas que l’art journal.

Cette année, on aura du sketchnoting, pour les personnes qui veulent apprendre à dessiner. On aura aussi de l’écriture intuitive, de l’aquarelle, du lettering ou encore du mixed media

Une personne qui n’a jamais pratiqué le carnet créatif peut découvrir la pratique en se faisant guider.

— Laurent : Le festival a donc lieu une fois par an. C’est uniquement en ligne ?

— Marie : Pour le moment, ce n’est qu’en ligne. Cela permet de réunir des personnes de toute la francophonie, que ce soit des intervenantes canadiennes ou des participantes expatriées.

Cela permet de croiser et de mélanger les cultures. Par exemple, les Québécois·es et les Belges ont moins de freins créatifs que les Français·es.

La face cachée de la créativité

— Laurent : Le thème de cette année est la face cachée de la créativité. Qu’est-ce que tu entends par là ?

— Marie : Ce thème désigne plusieurs choses :

  • L’envers de ce qu’on voit sur Instagram : on va reprendre toute cette pile de brouillons et voir ce qu’on en fait.
  • La mise en lumière et l’acceptation du « moche ». Mais aussi comment apprendre à faire du « beau ».
  • L’exploration des émotions négatives : comment exprimer la colère, la tristesse. Même si on ne les montre pas à ses proches, ces œuvres existent et ces sentiments doivent être exprimés.

J’avais hésité avec « le côté obscur des carnets », car on ne montre généralement que des choses qui sont belles, joyeuses ou lumineuses.

Je voulais montrer que coucher des émotions négatives puisse être beau, dans le résultat comme dans le processus. On néglige souvent le processus au profit du résultat.

— Laurent : Comment ça se passe si on veut s’inscrire ? C’est gratuit ou c’est payant ?

— Marie : Alors, c’est payant. Pour l’édition 2024, c’est 60 €. Il suffit de s’inscrire sur le site de la https://www.creativalchimie.fr*.

Ensuite, vous allez avoir accès à tous les ateliers et les replays à vie. Il y a aussi un cahier d’expérience qui vous aide à suivre votre progression dans le festival.

Tout au long de l’année 2024, je vais aussi faire des petites sessions en live et des questions-réponses, pour prolonger les ateliers. Il y a aussi un forum pour échanger et créer une communauté autour de l’événement.

— Laurent : Ce n’est donc pas que l’événement. Il y a aussi tout un écosystème autour.

— Marie : C’est ça.

On peut aussi s’entraider ou échanger avec les intervenants, via le forum.

Il y a également des bonus, comme des vidéos supplémentaires, des PDF…

— Laurent : Ce n’est pas cher pour tout ce que tu offres derrière.

— Marie : En effet. Il va y avoir 22 ateliers qui vont durer entre une heure et demie et deux heures, soit environ 44 heures de vidéo.

— Laurent : J’imagine que c’est aussi une volonté de ta part de rendre ce festival accessible au plus grand nombre, afin de démocratiser le carnet créatif.

— Marie : C’est effectivement mon intention. J’ai envie de faire découvrir cette pratique et tout ce qu’elle apporte au quotidien.

La pratique du carnet créatif a été très salvatrice dans ma vie personnelle. Grâce à elle, j’ai pu évacuer de nombreuses émotions et découvrir de belles facettes de ma personne.

La créativité, une compétence « féminine » ?

— Laurent : Petite question volontairement provocatrice : en regardant la liste des intervenant·es de cette année et des années précédentes, j’ai remarqué que 99% des intervenants à la Créativ’Alchimie étaient des femmes. Idem sur ton site, où la plupart des commentaires sont laissés par des femmes.

Est-ce que ça veut dire déjà que le carnet créatif c’est « pour les femmes » ?

— Marie : Pas du tout ! D’ailleurs, ça me contrarie autant que toi.

Quand j’ai créé mon univers « L’âme du fait main », je m’adressais autant aux hommes qu’aux femmes, car je ne savais pas à qui ça allait parler. Je me suis rapidement aperçue que je n’attirais quasiment que des femmes. Mais, j’ai quand même 1 % d’hommes qui sont engagés.

Les hommes pratiquent le carnet créatif, j’en suis certaine. Au niveau international, il y en a plein. Par contre, ils ne vont pas l’exprimer de la même façon et ne vont pas avoir besoin du même accompagnement. Je n’en suis pas sûre, mais peut-être qu’ils sont plus autonomes dans leur pratique. En tout cas, ils n’ont pas besoin de l’univers que je propose.

Certains hommes pratiquent aussi avec leur compagne.

Mais je te rassure, le carnet créatif est ouvert aux hommes. 😉

— Laurent : Je comprends que dans ton cas, c’est involontaire. Malgré tout, des disciplines comme le scrapbooking ou le bullet journal sont souvent représentées par des femmes.

J’ai l’impression que cela renforce le stéréotype selon lequel la créativité est une compétence essentiellement féminine.

En tant qu’homme, parfois on peut avoir peur de lancer, parce que « c’est un truc de gonzesses ». Bien sûr, je caricature et suis volontairement provocateur.

En fait, je ne sais pas comment faire pour trouver le juste milieu entre communiquer sur ton univers — qui représente qui tu es — et avoir quelque chose de plus neutre. En y réfléchissant, je ne sais pas si on peut trouver ce juste milieu. Ni même s’il y a un intérêt.

— Marie : Je pense qu’il y a un intérêt. Que tu sois un homme ou une femme, tu as besoin d’apprendre à te connaître.

À mon niveau, j’essaye de chercher des intervenants masculins. Mais j’ai peu de réponses et quand j’en ai, ils se désistent.

J’ai cette démarche, car, pour moi, un univers masculin peut apporter quelque chose de nouveau.

Je ne pense pas que la créativité soit une question de genre. Elle va juste prendre des formes différentes qu’on soit un homme ou une femme.

Par exemple, dans la cuisine, les femmes sont nombreuses à cuisiner à la maison, mais sont peu présentes dans les cuisines des restaurants. Je pense qu’au niveau art plastique, c’est un peu pareil. Une femme va plus se positionner sur une pratique quotidienne, assez simple. Alors qu’un homme va plus facilement faire une école d’art et devenir professionnel.

Il y a vraiment ce stéréotype selon lequel la femme est une amatrice et l’homme un professionnel.

— Laurent : Même si ce n’est pas toujours aussi binaire, c’est effectivement une tendance qui s’observe.

En tout cas, tu confirmes que le carnet créatif c’est pour tout le monde ? 😄

— Marie : Oui ! Homme, femme, enfant, jeune, moins jeune. Tout le monde peut pratiquer !

Tout ce qu’il faut, c’est un carnet. On peut même commencer avec un simple stylo bille.

Par exemple, j’ai déjà fait un carnet entier de gribouillage, juste avec un stylo bille.

— Laurent : Il faut aussi rappeler qu’on peut parfois faire beaucoup avec peu. Sur Instagram, on voit souvent des créations complexes avec des effets, des pochoirs… Alors qu’une simple tasse suffit à faire un rond !

Disposer d’un matériel coûteux n’est pas indispensable, on peut s’en sortir avec les moyens du bord !

— Marie : Tout à fait. De nombreux objets du quotidien peuvent faire office de gabarit.

Idem avec les feutres. Il y a de nombreuses façons d’utiliser un même feutre. On peut même faire un effet aquarelle avec un feutre.

En fait, il y a de nombreuses astuces créatives qui nous permettent de détourner le matériel et de faire des effets sympas sans gros investissements.

Son projet de « Livre Voyageur »

— Laurent : Un autre de tes projets que j’aime beaucoup c’est celui de Livre Voyageur. Qu’est-ce que c’est et comment ça fonctionne ?

— Marie : Le Livre Voyageur, c’est un challenge que j’ai lancé à ma communauté.

Il consiste à prendre un vieux livre et de le faire passer de main en main pour que chaque personne crée ce que j’appelle des « pages altérées ». L’idée est d’appliquer les mêmes techniques créatives que pour le carnet créatif, mais sur un vieux livre.

Alors, je rassure tout le monde, je choisis un livre qui aurait pu finir à la poubelle ! J’ai d’ailleurs trouvé le livre idéal dans une boîte à livre. C’est un livre de Marco Polo, dans lequel il y avait déjà de nombreuses annotations manuscrites.

Il est parti au printemps 2023 et a déjà altéré par une vingtaine de personnes et il y en a 52 au total sur la liste des participants.

— Laurent : Tu as un moyen de suivre son parcours ? Tu sais par où il est passé ?

— Marie : Oui, je suis obligée de suivre son parcours, pour donner les bonnes adresses au fur et à mesure. Parce que, sur un an, les participants peuvent déménager, ce que je n’avais pas forcément anticipé !

Pour le moment, il est déjà parti en Espagne et en Belgique. Là, il est revenu en France pour un temps avant d’aller au Canada et au Maroc.

Il va bien voyager !

— Laurent : J’imagine que le voyage se termine avec la dernière page ?

— Marie : Je vais déjà le récupérer quand il aura fait le tour des 52 personnes inscrites. S’il reste des pages, peut-être qu’il repartira.

En 2024, j’ai pour idée de proposer le Livre Voyageur directement dans les boîtes à livres. Je vais prendre un livre et, sur la première page, je vais expliquer en quoi consiste le projet.

Je vais peut-être en faire deux, trois ou quatre (je ne sais pas encore) et les déposer dans des boîtes à livres différentes en espérant que les livres voyagent.

— Laurent : J’imagine que l’idée, c’est que le concept se diffuse et chacun lance le projet dans une boîte à livre près de chez lui.

— Marie : C’est ça, tout à fait. Je pars du principe qu’on va facilement dans les boîtes à livre quand on est en vacances. Il y a le même type de challenge avec des cailloux. On peint sur un caillou sur lequel on indique une adresse. Parfois, le caillou fait plusieurs centaines de kilomètres. C’est un peu ce que j’espère avec ce projet.

— Laurent : J’aime beaucoup l’idée, mais en tant qu’amoureux des livres je trouve dommage qu’on ne puisse plus lire l’histoire après. 😟

— Marie : Comme je le disais, je ne choisis pas n’importe quels livres.

Ce sont des livres qui sont dans les boîtes à livres et qui sont parfois détériorés. À part pour le papier, le livre n’a plus beaucoup de valeur.

J’ai récemment trouvé un vieux livre (je crois que c’était de Molière), en cherchant, j’ai vu que c’était un livre de valeur, rarement édité. Je ne vais, bien sûr, pas proposer d’altérer un tel livre !

Les 3 questions de la fin

Ses projets créatifs pour 2024

— Laurent : On arrive à la fin de la conversation. Je te propose quelques questions pour conclure. Quels sont tes projets pour 2024 ?

— Marie : Au moment de l’enregistrement (N.D.R : le 08/01/2024), ma principale actualité, c’est la Créativ’Alchimie qui s’annonce, puis tout le suivi et les échanges avec la communauté qui suivront.

Et, si l’édition 2024 se passe bien, il va ensuite falloir que je prépare celle de 2025.

En septembre 2023, j’ai lancé le Jeu de l’Âme des créatifs, qui est un jeu de cartes dont l’objectif est de stimuler la créativité en tirant des consignes artistiques. Il a été imprimé fin 2023 et je vais chercher à le développer en 2024.

Je vais essayer de rester focus et éviter de me disperser.

Plus, le Livre Voyageur et tous les challenges que j’organise pour animer ma communauté, L’Âme du Fait Main, et notamment le groupe Facebook « Les Art journalistes — la communauté de L’Âme du Fait-Main ! »

Son conseil pour se débarrasser de la peur du jugement

— Laurent : Quel conseil tu pourrais donner à une personne qui souhaite développer sa créativité, mais a peur du jugement (des autres ou de son propre jugement) ?

— Marie : Alors je vais paraphraser le slogan de Nike qui est Just do it.

Lance-toi. Fais ce que tu as envie. Et je rajouterais : fais-le pour toi.

Comme on le disait, si tu crées pour les autres, ta créativité va s’affaiblir.

— Laurent :  C’est un conseil un peu générique.

Concrètement tu conseillerais quoi ? Acheter un carnet et de commencer ?

D’autant que dans ta communauté, tu donnes des prompts, des consignes pour se lancer.

— Marie : C’est ça.

On peut commencer seul ou se faire accompagner par une communauté, ce qui nous donne un élan.

Je ne dirais même pas d’acheter un carnet. Prenez un vieil agenda ou un vieux cahier qui traine dans un placard. Lancez-vous et faites ce qui vous fait du bien, ce que vous avez envie de faire.

Comme vous n’aurez pas payé le support, l’enjeu sera différent.

— Laurent : J’aime bien cette idée de prendre un vieux cahier. Cela permet de se détacher du support.

— Laurent : Ton mot préféré de la langue française ?

Son mot préféré de la langue française

— Marie : Mon mot préféré c’est aimer.

Aimer les autres, aimer ce qu’il se passe, aimer ce que je suis en train de vivre…

Ça paraît simple, mais je pense qu’il faut une vie entière pour apprendre à aimer. C’est aussi un mot qu’on se dit peu.

Attention, aimer ne signifie pas accepter, dire oui à tout. C’est tellement plus profond.

Sa recommandation créative

— Laurent : Une personnalité créative que tu aimes et que tu souhaiterais mettre en avant sur le podcast ?

— Marie : Je n’ai pas une personne que j’idolâtre ou que je mets sur un piédestal. J’ai tendance à m’inspirer d’un peu partout. C’est pour cela que j’ai créé la Créativ’Alchimie.

Mais pour répondre à ta question, je dirais MacGyver. J’ai grandi dans les années 1980 devant la télé et il m’a beaucoup inspirée. En plus d’être amoureuse de lui, du haut de mes 10 ans, j’adorais le fait qu’il soit capable de faire n’importe quoi avec un chewing-gum, un élastique ou un trombone.

Il représente l’essence même de la créativité : arriver à faire quelque chose avec juste ce que l’on a sous la main.

MacGyver, ou l’art de faire des miracles avec peu.

Où retrouver Marie

— Laurent : J’aime beaucoup ce choix ! Pour conclure, où est-ce qu’on peut te retrouver ?

— Marie : Le plus simple, c’est mon site « L’Âme du Fait Main ». Il héberge aussi ma boutique et le formulaire de contact vous permet de me contacter.

— Laurent : Le groupe Facebook est accessible à tout le monde ou uniquement à tes clients ?

— Marie : Tout le monde peut s’inscrire. Vous allez y retrouver les prompts, dont on a parlé, et des challenges réguliers.

— Laurent : Merci beaucoup !

— Marie : Merci de m’avoir reçue.

Conclusion

Merci d’avoir écouté cet épisode jusqu’au bout. Je t’invite à prendre quelques secondes pour noter ce que tu en retiens.

En ce qui me concerne, je retiens deux choses :

  1. Le conseil d’Elisabeth Gilbert de ne pas demander à sa créativité de payer les factures au risque de s’épuiser et d’oublier pourquoi — et pour qui — on crée.
  2. L’importance de prendre du recul face à ce que l’on considère comme étant moche. Non seulement c’est une notion relative, mais un détail moche sera insignifiant au regard de l’œuvre dans sa globalité.

    Ce n’est pas toujours facile, mais quand on y arrive, c’est libérateur.

Je suis curieux de savoir ce que toi, tu as retenu de cet épisode.

Si tu souhaites soutenir mon travail, tu peux lui donner 5 étoiles sur Spotify ou Apple Podcast, partager cet épisode sur les réseaux sociaux, ou simplement en parler autour de toi.

Ça ne prendra que quelques secondes, mais l’impact pour moi sera énorme. À bientôt pour un nouvel épisode.

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