14. Donner du sens à sa créativité, avec Julie Mascart
Ceci est la transcription textuelle de l’épisode n° 14 du podcast « Réserve Créative » (anciennement Le Barboteur) disponible sur votre plateforme d’écoute préférée.
Épisode enregistré le 29/04/2023 et diffusé le 20/06/2023.
Introduction
– Laurent : Hello ! Bienvenue sur le Barboteur, le podcast qui explore et révèle la diversité créative.
Pour ce dernier épisode avant la pause estivale, je reçois Julie Mascart. Après une carrière dans le monde du sport, Julie a cherché à combler son besoin de créativité en se reconvertissant dans la rédaction web. Si aujourd’hui, elle s’épanouit dans son nouveau travail, une question vient régulièrement la titiller : comment donner du sens à ce que je fais ?
Dans cet épisode, on essaie de définir ce qu’est le sens, parce que c’est un terme un peu galvaudé, qui ne veut plus dire grand-chose. On s’interroge sur sa place dans la créativité, et surtout, on se demande si la créativité doit forcément avoir du sens.
On aborde deux autres grands sujets. D’abord, la créativité dans le sport, où tu découvriras que même dans le ping-pong, il peut y avoir de la créativité. Enfin, l’état de flow, que connaissent bien les sportifs et les créatifs, cet état de concentration extrême où tu es vraiment dans ta bulle, tu ne te rends même pas compte du temps qui passe, de la faim qui arrive, de la soif, et tu es vraiment concentré sur ce que tu fais.
C’est un épisode très riche, parfait pour conclure cette saison du Barboteur.
Le podcast fait une pause pendant l’été, même si je n’exclus pas de faire un ou deux épisodes en solo. Je reprendrai le format interview à partir de septembre.
Si tu as des questions, des idées, des envies, des attentes pour les prochains épisodes, surtout, n’hésite pas à m’en faire part. Je suis vraiment preneur de tes suggestions et de tes retours. Tu trouveras mes coordonnées dans les notes, tu peux donc m’envoyer un petit mail ou un message sur LinkedIn.
Sur ce, je te souhaite une excellente écoute et un bel été créatif !

Les partenaires
Présentation de Julie
– Laurent : Salut Julie, bienvenue !
– Julie : Bonjour, et merci pour l’invitation, Laurent !
– Laurent : Je te propose de commencer par te présenter en répondant à une question qui devient traditionnelle dans le podcast : qu’est-ce que tu réponds quand on te demande ce que tu fais dans la vie ?
– Julie : C’est une bonne question. J’ai changé, il n’y a pas longtemps, et je ne suis pas encore hyper à l’aise avec la réponse. Aujourd’hui, je dis que je suis créatrice de contenu, sur le web essentiellement, mais pas seulement. Je crée, je conseille et j’accompagne mes clients dans leur création de contenu écrit.
– Laurent : Les premières fois que nous avons échangé, c’était plutôt « rédactrice web ».
Ça a un peu évolué. Maintenant, tu parles de « création de contenu » ?
– Julie : C’est ça. Justement, la discussion qu’on a eue à ce sujet m’a fait prendre conscience de ça.
J’aime bien ce côté « création de contenu », parce que ce n’est pas uniquement de la rédaction web. Il y a vraiment un travail de recherche, de poser les mots… Je trouvais que ça avait plus de sens finalement, de parler de création de contenu.
Son parcours
– Laurent : Ton parcours est assez atypique : tu as passé plus d’une dizaine d’années dans différentes institutions du monde sportif, tu as aussi fait beaucoup de sport étant plus jeune, et je pense que tu en fais encore maintenant. Il y a quelques années, tu t’es reconvertie dans la création de contenu.
Peux-tu nous expliquer ton parcours en quelques mots, et ce qui t’a poussée à cette reconversion ?
– Julie : C’est un long processus, qui ne s’est pas fait du jour au lendemain, même si, à un moment, tu as un point de bascule et que tu te lances.
C’est un parcours qui s’est fait petit à petit, sur l’ouverture aux autres, l’ouverture au monde, l’ouverture à moi-même. De fil en aiguille, j’ai pris conscience de ce que je voulais et de ce que je ne voulais plus.
Le monde du sport m’a permis d’évoluer professionnellement. J’ai commencé, comme beaucoup, par pratiquer en club. Ce club m’a amené une expérience professionnelle dans le médico-social. Puis j’ai passé un concours pour rester dans le sport, au niveau du ministère des Sports. Ce travail m’a fait prendre conscience de mon côté créatif. Je l’ai toujours eu, mais dans mon parcours, à un moment, ça s’est révélé essentiel.
J’ai donc ressenti l’envie de créer mon petit projet en parallèle pour me faire kiffer et stimuler cette créativité. C’est comme ça que je suis tombée dans la rédaction web, presque par hasard.
Je voulais développer mon côté créatif, sans savoir comment. J’avais touché un peu à la couture, au dessin, à la danse, à la gymnastique rythmique, mon sport de prédilection, quand même très artistique…
Je me suis souvenue que, dans toutes mes expériences professionnelles, j’aimais écrire, créer des choses sur des sujets complexes, les simplifier… J’ai donc regardé dans cette direction.
Par hasard, je suis tombée sur un article qui listait les caractéristiques du rédacteur web. Quand j’ai lu toute la liste, je me suis dit : « Mais c’est moi ! » 🙂
Ça s’est fait un peu comme ça. C’est un peu naïf, mais c’est vrai que je m’y retrouvais bien.
Comme pour chaque sujet que je découvre, j’ai creusé, j’ai lu, j’ai regardé beaucoup de vidéos. Je me suis demandée un certain temps si je le faisais ou pas, avant de me lancer. J’ai décidé de me payer la formation. Au pire, je travaillerais pour la rembourser, puis j’arrêterais ! C’est vraiment parti comme ça.
Finalement, j’ai vraiment trouvé quelque chose qui avait du sens et qui me stimulait bien. Petit à petit, il y a eu un écart entre le travail « principal » et cette nouvelle activité. De toute façon, il fallait que je change de travail tôt ou tard. La vie perso m’avait aussi un peu rattrapée.
J’ai décidé de switcher en 2022.
S’il y a dix ans, tu m’avais dit que j’allais me lancer en auto-entrepreneur, je t’aurais ri au nez 🙂
– Laurent : Peut-on revenir sur le déclencheur ? Tu occupais un emploi qui a réveillé ta créativité. Tu peux en dire plus ?
– Julie : Le déclencheur se situe davantage du côté perso.
Je suis devenue maman en 2020, et je ne sais pas pourquoi, pendant mon congé mat’, ça a réveillé mon côté créatif. J’ai fait plein de trucs en couture, comme mon sac à langer, des petites lingettes… J’ai vraiment senti ce besoin de créer.
C’est alors que j’ai réalisé que, dans mon travail, je ne pouvais plus vraiment créer, dernièrement, alors que ça avait longtemps été présent.
À la GR, j’entraînais des gymnastes, donc je créais des enchaînements. Dans mon travail, au tout début, j’ai créé un projet autour de l’image du corps. J’ai fait de la formation, que je considère comme une forme de création, parce que tu crées tes supports, l’enseignement que tu as envie de transmettre…
À ce moment-là, dans mon poste, j’étais très prise dans la logistique, l’organisationnel, dans l’urgence… J’ai constaté un grand écart entre mon besoin de créer et mon travail qui l’empêchait.
Et puis, ce travail n’était pas très compatible avec une vie de famille. Je ne pensais pas du tout, au départ, je pensais pouvoir faire les deux à l’aise 🙂
Mais il y a des choses qu’on ne prévoit pas, et les déplacements très récurrents, loin, c’était devenu compliqué pour moi.
Sa définition de la créativité
– Laurent : Je te propose de rentrer dans le vif du sujet. Peux-tu me donner ta définition de la créativité ?
– Julie : C’est une bonne question 🙂
Au départ, je pensais qu’être créatif, c’était être peintre ou chanteur, avoir une discipline phare… Je me suis rendue compte dernièrement, un peu grâce à Aurélie Brunet, que tu as interviewée dernièrement, ainsi que par rapport à ce que tu fais, ton podcast, que la créativité, c’était aussi une forme d’expression qui pouvait prendre des formats totalement différents.
Que tu crées un podcast, une méthode d’enseignement ou une chanson, même si ça n’a rien à voir, dans tous les cas, un processus créatif t’amène à inventer quelque chose de nouveau, d’original, à apporter un autre regard sur un sujet déjà traité. Le tout dans l’idée de le transmettre à une personne et de générer une émotion.
C’est un peu ce qui me gêne avec ChatGPT et l’intelligence artificielle, en ce moment. Derrière le côté créatif, il y a une relation humaine, tu t’adresses à quelqu’un.
Sur mon site, dans l’ « À propos », je cite Peter Brook :
Comme il n’y a pas d’écriture sans lecture, il n’y a d’art que par et pour autrui.
J’aime bien cette phrase. Bien sûr, tu peux écrire de manière « thérapeutique », ça fait du bien d’écrire pour soi, pour exprimer, pour faire le tri, pour vider.
Mais quand je crée un article, c’est pour qu’il soit lu. Si c’est pour que personne ne le lise, ça n’a pas de sens 🙂
– Laurent : Est-ce que ça signifie que, pour toi, dans un cadre professionnel, il faut que ce soit lu, vu, écouté, tandis que dans le cadre personnel, tu peux le faire pour toi, dans une optique thérapeutique ? Tu fais la distinction entre les deux ?
– Julie : Oui et non. J’écris beaucoup pour moi, mais finalement, je le fais pour quelqu’un : moi.
Je le fais parce que je sais que ça me fait du bien, parce que ça me permet de poser les choses, de les sortir, de les exprimer. Il y a un but, un intérêt, donc j’y mets du sens.
– Laurent : Être lue n’est donc peut-être pas forcément indispensable ?
– Julie : Le biais de la phrase que j’ai citée, c’est qu’elle parle d’art, alors que l’art et la création sont deux choses différentes.
La création n’est pas forcément destinée à quelqu’un d’extérieur, elle peut t’être destinée à toi seul, comme un exutoire.
Distinguer l’art de la créativité
– Laurent : Quelle différence fais-tu entre art et création ?
– Julie : Le processus créatif peut être à l’œuvre pour gérer une équipe de manière innovante, ce n’est pas de l’art.
L’art, c’est presque la finalité du processus créatif. Par exemple, au départ d’une œuvre littéraire, d’un livre, il y a une expression écrite, un processus créatif d’écriture, et à la fin, il y a l’œuvre, qui est lue, qui est transmise à l’autre. Le processus créatif est intervenu en amont.
Et puis, tu peux créer dans ton quotidien, même sans t’en apercevoir. Quand tu crées un jardin, il n’y a pas forcément un art derrière, pourtant, tu crées un univers, une ambiance, tu fais vivre quelque chose.
– Laurent : Pendant que tu parlais, j’ai pris le dictionnaire, parce que j’aime bien revenir aux définitions, quand on discute autour de notions.
– Julie : Je n’ai pas dit de bêtises ? 🙂
Que dit le dictionnaire ?
– Laurent : Il n’y a pas de notion de bêtise. Ce sont juste des points de vue 🙂
La première définition d’ « art », c’est :
L’expression d’un idéal de beauté correspondant à un type de civilisation déterminée.
Dictionnaire Larousse 2016
Elle rejoint la tienne, avec l’idée de l’art existant dans le regard de l’autre. Pour qu’il y ait art, il faut quelque chose de concret à montrer. C’est le regard de l’autre, des autres, qui va déterminer s’il s’agit ou non d’art.
– Julie : Je ne t’ai donné que la fin de la citation de Peter Brook. Avant, il dit que l’art, c’est un effort de l’homme pour se révéler aux autres, qui lui permet, au niveau individuel, de poser sa référence, d’affirmer sa distinction et de prendre la parole.
C’est une prise de parole que tu as envie de défendre, reçue par une personne qui n’a peut-être pas la même vision que toi. En découle un échange entre les deux : émetteur et récepteur.
– Laurent : C’était la minute Larousse 🙂
– Julie : C’est ça 🙂
– Laurent : L’art, la créativité, la spiritualité, dont on parlait avec Aurélie, que tu mentionnais, sont des concepts tellement larges, pour lesquels chacun a sa propre définition, sa propre vision des choses. C’est toujours intéressant de confronter les visions et les définitions.
– Julie : Au lycée, j’aurais été incapable de faire une dissert’ de philo sur « L’art est-il beau ? »
Ça me paraissait impossible. Aujourd’hui, je pense que j’aimerais les cours de philo. À l’époque, j’étais trop cartésienne et terre à terre.
– Laurent : En vieillissant, on réalise qu’en fait, la philo nous apporte des choses intéressantes 🙂
– Julie : Ce n’est peut-être pas si mal que ça, en fait 🙂
– Laurent : Ça tient peut-être de la façon dont c’était amené par nos profs de l’époque…
– Julie : Je pense 🙂
– Laurent : On ne va pas lancer un débat là-dessus 🙂
La place de la créativité dans sa vie
Une créativité présente depuis l’enfance
– Laurent : Tu parles de tes années lycée… Quel était ton rapport à la créativité, étant enfant ?
– Julie : Je n’avais pas forcément l’impression d’être créative, mais quand tu es enfant, tu ne te poses pas la question.
Je pratiquais beaucoup de danse et de gymnastique rythmique. J’aimais bien, chez moi, refaire les chorées, inventer, bouger et danser. C’était ma manière de l’exprimer.
Petite, j’ai fait de l’aquarelle, puis j’ai aussi eu une grosse période dessin, au collège et au lycée. Je pouvais passer des heures, enfermée dans ma chambre, à recopier des dessins de BD. Comme je pensais ne pas être créative, je prenais des Lucky Luke, des Blake et Mortimer, et je reproduisais les personnages. Avec le recul, je trouve que c’était plutôt bien.
Mais je me sentais incapable de dessiner toute seule, je ne trouvais pas ça beau, je ne savais pas quoi faire… Je ne me considérais pas créative, car, selon moi, être créatif, c’était poser son idée. Moi, c’était juste du recopiage de BD. Pour autant, ça l’était quand même : parfois, je transformais un peu les dessins, je les mixais entre eux. Par exemple, pour des anniversaires, je faisais un truc qui sort d’un gâteau… Il y a quand même une forme de créativité, là-dedans.
Quand j’étais petite, avec une copine, on faisait des défilés de mode à la maison… J’ai aussi fait de la musique, j’ai adoré le piano. J’aimerais bien en refaire d’ailleurs. Après, j’ai fait pas mal de couture… Ma créativité s’est exprimée de différentes manières, et quand je regarde en arrière, je constate qu’elle a toujours été là.
Ça a pris une multitude de formes, mais ça a toujours fait partie de moi. Je dirais aussi que les phases de vie où je me sentais le moins bien, c’étaient celles où ma créativité s’exprimait le moins.
– Laurent : C’est dingue ce que tu dis ! Tu faisais pas mal activités créatives, et pourtant, tu ne te considérais pas comme créative. Pourquoi ?
– Julie : J’avais un énorme manque de confiance en moi. Je ne pense pas que ça venait de mon entourage, parce qu’ils n’étaient pas fermés à tout ce que je faisais. On ne m’a jamais dit que je n’étais pas créative, mais je le ressentais comme ça.
C’est vrai que c’est étrange, en te le disant, j’ai bien conscience que c’est un peu bizarre de dire ça 🙂
Après, le sport, c’est aussi une forme de créativité…
La créativité dans le sport
– Laurent : Tu as pratiqué beaucoup de sports, et notamment la gymnastique. Quelle place occupe la créativité dans cette discipline ?
– Julie : En gymnastique rythmique, les règles sont fixées, il y a des figures, des enchaînements à faire, des points à mettre, c’est un cadre assez strict. Pour autant, ce sport ménage une place folle à la créativité : tu choisis ta musique, tu crées ton enchaînement… Tu as mille façons de faire un pas chorégraphique avec un engin.
C’est un casse-tête et un art, de mobiliser ton côté créatif pour faire quelque chose qui te ressemble, tout en respectant le cadre imposé.
– Laurent : Tu crées tes chorégraphies, ou quelqu’un le fait pour toi ?
– Julie : Quand j’étais gymnaste, l’entraîneur concevait la chorégraphie, ajustait, modifiait tout au long de l’année pour obtenir, à la fin, l’enchaînement parfait, parfaitement exécuté.
– Laurent : Donc ce n’est pas ta créativité, plutôt celle de l’entraîneur ?
– Julie : Oui, mais tu es quand même mis à contribution pour créer des choses, notamment en début d’année. Il y a toute une phase de recherche durant laquelle, toi et ton équipe, recherchez des idées pouvant enrichir l’enchaînement.
Assez tôt, à partir de l’âge de seize ans, j’ai commencé les formations. Là, j’ai pu développer ça à mon tour. J’ai été entraîneur petite enfance. Là, tu as tout à créer : tes séances, tes spectacles… C’est complètement autre chose, mais c’est tout aussi créatif.
– Laurent : Dans les autres sports que tu as pratiqués ou encadrés, y en a-t-il dans lesquels tu peux faire preuve de créativité ? Si je ne me trompe pas, tu as fait partie d’une instance de ping-pong en sport adapté…
– Julie : J’étais responsable du Pôle France de para tennis de table adapté.
J’encadrais l’équipe, les entraîneurs, les sportifs, je faisais en sorte que tout le monde puisse être au maximum de sa performance. Mais je ne suis pas du tout pongiste, je suis vraiment nulle en tennis de table 🙂
– Laurent : Est-ce que, même dans le ping-pong, on peut trouver de la créativité ?
– Julie : À partir du moment où tu dois exprimer une performance, il y a une forme de créativité.
Pour amener ton sportif à donner le meilleur de lui-même à l’instant T de sa compétition, tu es toujours obligé de créer des entraînements, d’adapter… En tennis de table, tu vas, par exemple, créer des exercices pédagogiques de « panier de balles », pour travailler ce point-là et faire évoluer le jeu de telle manière plutôt que de telle autre.
C’était d’autant plus intéressant dans le contexte du sport adapté, où il y a aussi l’impact de la déficience sur le sport.
Sans avoir d’à priori, je n’étais pas hyper fan de tennis de table. Mon passage au Pôle France a complètement changé ma vision de ce sport. Le travail des entraîneurs avec des personnes en situation de handicap mental, j’ai trouvé ça magique.
Cette discipline est hyper compliquée pour ces personnes-là, ne serait-ce que sur le plan de l’analyse, du traitement de l’information. En tennis de table, il faut aller hyper vite pour analyser les coups qui arrivent… Ils faisaient un travail incroyable, et même franchement créatif 🙂
– Laurent : Même en match, tu peux te montrer créatif dans les coups que tu vas faire pour surprendre l’adversaire, sauver une balle… C’est peut-être davantage de l’instinct que de la créativité ?
– Julie : Claude Onesta, l’entraîneur de handball qui a remporté tous les titres possibles et imaginables, a écrit un bouquin sur le sujet. C’était hyper intéressant : il arrivait à planifier le déroulement du match.
Ça paraît impossible, et pourtant, il créait des schémas de jeu et des possibilités, des scenarii qui se produisaient. Les joueurs reconnaissaient tel scénario, savaient comment ajuster leur jeu… Savoir dérouler le match avant le match, c’est aussi faire preuve de créativité.
– Laurent : Il parvient à faire ça parce qu’il a analysé le jeu de l’adversaire, il connaît parfaitement les forces, les faiblesses, les tactiques. C’est plutôt de la finesse tactique, de l’analyse technique poussée à l’extrême et de l’entraînement, que de la créativité, non ?
– Julie : C’est vrai.
Pourtant, selon moi, dans le sport, même de haut niveau, tu as toujours un processus créatif pour créer des schémas de jeu, des phases d’entraînement, des planifications…
Il existe plusieurs manières de faire et d’arriver à l’atteinte d’un résultat. L’entraîneur, à un moment, choisit de créer quelque chose, de le faire comme ça et pas autrement, donc il exprime, à sa manière, sa vision de l’entraînement. Même si tu as des métriques, tu peux analyser les matchs, tu peux ajuster ou entraîner pour atteindre ton objectif de différentes manières.
– Laurent : Je me suis noté d’essayer d’inviter Claude Onesta, j’en discuterai directement avec lui, on verra 🙂
Un épisode « sport et créativité », ça peut être intéressant !
La créativité dans la rédaction web
– Laurent : On en revient à ta créativité à toi 🙂
Tu as commencé à en parler, tout à l’heure, tu as découvert la rédaction web et y as vu un moyen d’exprimer ta créativité. Qu’est-ce qui t’a fait dire que c’était ce qu’il te fallait, plutôt que la danse, la peinture, la couture… ?
– Julie : Déjà, j’adore lire, et je me suis toujours dit que j’adorerais écrire un livre. Ça fait partie des trucs impossibles sur ma to-do list 🙂
– Laurent : Pourquoi impossible ?
– Julie : Parce que ça demande un temps considérable, des idées… Je ne sais même pas comment commencer, je n’ai pas l’idée précise du livre 🙂
Je me dis toujours : « Il faudrait que j’aie l’idée de ouf, et là, j’écrirai ! » Mais en fait non…
Il y a eu ça, et vraiment, je me suis demandée à un moment ce que j’aimais bien faire, ce que je n’aimais pas faire, ce que je ne voulais plus. Dans mon boulot, ce que j’aimais, c’était écrire, soit des rapports, soit vulgariser un sujet un peu technique et le rendre accessible, soit décomposer et expliquer tout un processus pour le transmettre à une personne…
Et, on m’a toujours dit, lors des différents entretiens que j’ai eus dans les dernières années, que j’avais cette capacité, que c’était bien écrit. Ça m’a fait réfléchir et prendre conscience de mes capacités à l’écrit. De manière générale, je m’exprime mieux à l’écrit qu’à l’oral. J’ai toujours l’impression d’être confuse à l’oral alors qu’à l’écrit, j’arrive à structurer.
Ça a vraiment fait pencher la balance en faveur de la rédaction web. En rédaction web, tu vas chercher des sources fiables, des infos, mais tu vas créer la vision du sujet, en fonction des infos dont tu disposes, de l’intention de recherche des internautes, quand tu fais de l’optimisation… C’est hyper intéressant ! Parfois, pour certains clients, je vais même interviewer des experts, c’est hyper riche de transmettre à l’écrit la parole d’une personne pour la rendre accessible à d’autres 🙂
– Laurent : Estimes-tuque ta soif de créativité est assouvie, avec ce métier ? Ou pas tout à fait ? As-tu besoin d’autres activités ?
– Julie : Je fais toujours du sport, et c’est presque une obligation : si je n’en fais pas, je pète un plomb. Je suis une personne qui réfléchit vraiment beaucoup, faire du sport me permet de redescendre, m’ancre sur Terre, m’évite de rester perchée dans mon cerveau.
Les phases où j’ai été blessée, durant lesquelles je n’ai pas pu faire de sport pendant plusieurs mois de suite, mentalement, c’était compliqué pour moi. J’ai une d’énergie à évacuer, qui est, je pense, en partie une créativité à évacuer.
J’aimerais avoir le temps de créer des écrits pour moi, je pense créer une newsletter… ou un livre, peut-être, pourquoi pas ? 🙂 Je voudrais avoir ce temps de recherche et de création pour moi, mais que je pourrais partager aux autres. Je ne peux pas le faire à l’heure actuelle, mais c’est dans les projets à plus ou moins long terme.
Je ne peux pas le faire seulement pour les clients, parce que ça reste quand même bridé au niveau des sujets… Certaines commandes ne me plaisent pas, pour leurs sujets, mais il faut bien les traiter. J’essaie quand même d’y mettre une petite touche de sens.
Créativité et confiance
– Laurent : Tu as exprimé à plusieurs reprises ce besoin de créer, tu en parles aussi sur ton site… J’ai l’impression de quelque chose d’un peu viscéral. As-tu réussi à identifier d’où ça vient et pourquoi tu ressens ce besoin ?
– Julie : Alors ça, c’est la question à cent balles 🙂
Je n’en ai aucune idée.
Je ne sais pas du tout d’où ça me vient. J’ai une mère créative, qui a fait beaucoup de musique, de peinture, qui s’est toujours intéressée à ça… Il y a peut-être une part génétique, je n’en sais rien.
Ou alors ça fait partie de mon « chemin de vie ». On arrive dans le domaine spirituel, mais je m’intéresse à la question du chemin de vie, de ce pour quoion est sur Terre. Dans le mien, on trouve « créativité » et « confiance » 🙂
Depuis que je suis ado, grâce à la GR, j’ai identifié que je n’avais pas confiance en moi. J’essaie de travailler cette confiance, mais je sais que ça reste un point de faiblesse chez moi. Et, en effet, j’ai toujours de la créativité.
À 36 piges, tu découvres ton chemin de vie, « créativité » et « confiance »… Waouh ! Il faut vraiment dépasser le problème de confiance en soi pour exprimer pleinement sa créativité. Quelqu’un a regardé ma vie, l’a analysée, et a écrit ça dans un livre ? 🙂
Quand je lis mon chemin de vie, je m’y retrouve vraiment, parce que la créativité tient une place énorme. Peut-être que l’exprimer, c’est une sorte de mission de vie ? C’est un peu comme ça que je le l’identifie maintenant… C’est un peu perché, ce que je suis en train de te dire 🙂
– Laurent : Tu parles de confiance, et la GR me semble en demander une sacrée dose, surtout si tu fais de la compétition. Tu es devant des dizaines, peut-être des centaines de personnes selon ton niveau, tu portes une tenue qui n’est pas celle de tous les jours, sans doute pas simple à porter…
– Julie : Pour autant, quand tu discutes avec des gymnastes, il y en a plein qui n’ont pas confiance en elle.
C’est très paradoxal, mais je craignais les compétitions. J’avais peur du regard des autres, j’appréhendais vraiment le jugement sur ce que je faisais, parce que j’estimais que ce n’était pas assez bien, pas assez ceci, pas assez cela… C’était toujours mieux dans ma tête que ce que je faisais en vrai.
Je n’ai jamais fui devant cette peur, même si elle était viscérale. J’ai toujours plutôt essayé de persévérer, de travailler. Quand j’ai identifié mon problème de confiance en moi, j’ai cherché une solution. Ça fait des années que j’y travaille, elle a quand même évolué.
Il y a dix ans, j’aurais été incapable de lancer ma boîte et de quitter un boulot très sécure. J’ai toujours eu des peurs, mais je n’ai jamais fui, c’est ce qui me sauve la mise.
– Laurent : Je me pose la question de l’importance de la peur dans la créativité, comment on peut la transformer en quelque chose de créatif. Je cherche des exemples, mais je n’en vois pas, là, comme ça…
– Julie : C’est intéressant, il y a peut-être quelque chose à creuser…
– Laurent : Les émotions jouent un rôle assez fort, dans la créativité. Valentine, que j’ai interrogée, a besoin d’être dans des émotions plutôt positives pour créer. D’autres, au contraire, ont besoin d’être dans des émotions plus négatives. Pour d’autres, peu importe.
Je me demande donc si la peur peut se révéler, elle aussi, un moteur à la créativité…
– Julie : En t’écoutant, je me dis que je suis plutôt comme Valentine.
Quand on faisait des démonstrations avant les compétitions, j’étais imprévisible. Je pouvais faire un enchaînement super bien tout le temps, et le jour de la démo, faire un lâcher monumental, une belle faute franche, et après nickel ! J’avais peut-être aussi besoin de me racheter, derrière. Mais je n’étais pas du genre à faire douze fautes. Après une faute franche, c’est bon, c’est fait, on y va !
L’entraîneuse me dézinguait derrière, à juste titre : « Mais enfin, toute l’année, tu le fais bien ! » Un jour, je lui ai dit : « En fait, ça me paralyse quand tu me dis ça. Si tu me dis ça à la compét’, ça va me travailler, je vais être en panique. »
Je suis plutôt quelqu’un qu’il faut encourager, à qui il faut savoir dire : « C’est bien ! Allez ! Vas-y ! »
En revanche, des personnes fonctionnent à l’inverse. J’ai déjà vu des gymnastes sur qui crier : « Allez, bouge-toi ! Fais pas ça ! » les aidait à y arriver. Moi, tu me dis ça, je m’écroule. Je suis plutôt dans le positif, je doute de pouvoir créer à partir de la peur.
Chercher du sens dans la créativité
– Laurent : Je te propose d’en venir au cœur de l’épisode, la question du sens dans la créativité.
La question du sens, c’est quelque chose de très personnel. C’est aussi un terme un peu galvaudé. Toi, concrètement, qu’est-ce que tu entends par « donner du sens » à ta créativité ?
– Julie : Pour moi, donner du sens, c’est donner une utilité à ce que tu fais, une finalité, une justification, une explication.
Le pire truc que tu puisses me dire, c’est « ça ne sert à rien. » Il n’y a aucun sens à faire quelque chose qui ne sert à rien.
– Laurent : Qui ne sert à rien pour qui ? Pour toi ou pour les autres ?
– Julie : Pour tout le monde 🙂
Dans mon ancien job, à un moment, je devais gérer des appels à projets. Pour des raisons organisationnelles, on a été amenés à devoir traiter 200 dossiers en quinze jours, ce qui est impossible à faire de façon qualitative.
Si tu veux vraiment faire une analyse, tu dois pouvoir prendre le temps de lire les projets, de poser des questions pour être sûr d’avoir bien saisi la démarche… Là, on me demandait de faire de l’abattage pendant quinze jours, pour rentrer dans le timing et dépenser l’enveloppe comme il fallait.
Dans ces cas-là, faites un tableau Excel, mettez des critères, faites un dispatch, ce sera tout aussi bien, tout aussi rapide ! On m’a dit qu’il ne fallait pas le prendre comme ça…
Quand j’ai demandé à quoi ça servait de faire ça, on m’a répondu : « À rien, mais bon, c’est comme ça, il faut le faire. » L’horreur !
C’est le truc qui me fout en l’air. Pendant quinze jours, j’ai dû bosser sur un truc qui, non seulement ne m’intéressait pas, mais en plus ne servait à rien, et je n’y trouvais pas de sens.
– Laurent : Mais peut-être que ça servait à quelqu’un, dans un ministère quelconque ou je ne sais quelle administration ? Pour cette personne, ça avait du sens.
– Julie : Ça avait surtout le sens de : « C’est bon, on a dépensé l’enveloppe dans les temps ! »
Finalement, tu ne mets pas l’argent là où il y a un intérêt, là où tu vas vraiment aider. Le biais, c’est que celui qui sait bien écrire un dossier, il a de la chance, il aura des sous. Celui qui ne sait pas écrire un dossier, il n’en aura pas !
Si ça se trouve, celui qui ne sait pas écrire le dossier avait un super projet, avec un impact ouf, mais on ne prendra pas le temps de le voir…
– Laurent : Je comprends.
– Julie : C’est comme rédiger des notes qui ne vont pas servir, ou préparer des visites ministérielles qui n’ont pas lieu, ce genre de choses… Ça n’a pas de sens, toutes les notes que sont jetées dans un tiroir.
– Laurent : Tes exemples sont très « administratifs ». Dans le cadre plus créatif, est-ce que ça voudrait dire que, finalement, quand on crée quelque chose, il faut toujours une utilité ? On ne peut pas simplement créer quelque chose gratuitement, juste parce qu’on en a envie ?
– Julie : Il y a une utilité, puisque tu en as envie, c’est que ça a du sens pour toi.
Si la personne qui crée n’y voit pas d’intérêt, aucune utilité, aucune finalité, c’est pourri.
Je pense surtout à des exemples dans un cadre professionnel, il doit y en avoir dans un cadre personnel, je n’en ai pas en tête…
– Laurent : Arrives-tu à donner du sens, ou cherches-tu encore à donner du sens à ta créativité ?
– Julie : Oui, j’y arrive. Même quand j’ai une mission en rédaction web dont le sujet ne me passionne pas du tout, j’arrive à trouver un sens.
J’ai reçu une grosse commande pour des cartes grises, des immatriculations automobiles. Ce n’était pas le sujet de l’année, ni ma passion. J’ai dû écrire deux, trois semaines là-dessus. Ça a été galère, parce qu’en plus c’était urgent, donc je ne pouvais faire que ça.
J’ai saisi l’occasion : j’avais besoin de travailler ma méthodologie. Jusque-là, je n’avais eu que des commandes de gros articles, mais plutôt ponctuels. Là, j’avais une commande « de lot », de plein de petits articles sur le même sujet. Le sujet ne m’emballait pas, clairement, mais j’ai pu travailler ma méthodo et gagner du temps en rapidité d’écriture.
Au début, la première semaine, j’ai un peu pesté. Puis, au fur et à mesure, je pestais de moins en moins. À la fin, j’étais contente de l’avoir fait.
En plus, à ce moment-là, j’avais besoin de trésorerie. Cette commande, qui est arrivée d’un coup, je l’ai faite. C’est l’objectif, la finalité que je donnais à ça, et pas de creuser mes connaissances sur les immatriculations automobiles.
– Laurent : Pour toi, la recherche du sens se fait au cas par cas, ou tu parviens à trouver un sens, globalement, à ton métier ?
– Julie : Je pense que, globalement, j’arrive à mettre du sens quand je me dis que je traite avec des humains pour des humains. J’y mets du sens parce que je réponds à un besoin.
Une personne qui me demande un texte en a vraiment besoin. Je me dis que c’est cool, j’aide cette personne sur un domaine qu’elle maîtrise moins que moi, ou qu’elle délègue faute de temps. Je crée des choses qui vont l’aider. C’est le sens général que je mets dans mon travail aujourd’hui.
Aussi bête que ça puisse paraître, je n’avais pas ça dans mon ancien job. J’ai toujours eu, dans mon parcours, ce besoin de contacts et de liens à l’autre, aux autres.
Aujourd’hui, le sens que je mets dans mon métier, c’est d’aider les autres, de leur faire profiter de ma capacité d’écrire sur le web ou ailleurs, mais d’écrire.
– Laurent : Tu rédiges pour le web, mais également pour le magazine d’Aurélie. Ce sont des façons de faire différentes. Selon les supports, tu ressens une différence, sur le plan de la créativité ?
– Julie : Pour le magazine, je rédige des textes et des petites pastilles. Je fais essentiellement de la retranscription d’interviews, mais avec un apport créatif.
Les codes de l’écriture web, ce sont des phrases plutôt courtes, plutôt directes… Sur un magazine comme celui d’Aurélie, tu peux te permettre d’avoir des passages plus longs, travaillés autrement.
Pour le travail de retranscription, je vais au-delà de la transcription des questions et des réponses, en enlevant ce qui ne va pas. J’essaye de recréer l’ambiance. Quand j’écoute l’interview, j’imagine toujours où ils sont, s’ils boivent un thé, rient… J’essaye, dans l’écrit, de faire en sorte que le lecteur se sente à table avec Aurélie et la personne qu’elle interviewe. Je vais expliquer un fou rire, un côté espiègle ou malicieux, pour que les lecteurs et les lectrices s’imprègnent de la personne et de l’ambiance de l’interview.
– Laurent : Je comprends, c’est ce que j’essaie de faire avec les transcripts du podcast.
Si on se contente de retranscrire les paroles, ça n’a pas de sens, ce n’est pas intéressant à lire. Sans le contexte, si tu n’emmènes pas ton lecteur avec toi, en recréant l’univers, tu perds énormément de choses.
– Julie : Ce qui est top, c’est quand j’ai un retour d’Aurélie ou de la personne interviewée, qui retrouvent l’ambiance du moment qu’elles ont partagé. Parce que moi, je n’y étais pas 🙂
Je ne fais qu’écouter, je n’ai aucun visuel, seulement le son, et j’imagine. Parfois, il y a des silences, je les interprète avec ce que j’entends, et souvent, c’est plutôt juste. C’est cool, parce que je les retranscris comme si j’étais à table avec eux 🙂
– Laurent : Le sens, dans ce que tu fais, c’est quelque chose que tu requestionnes systématiquement ? C’est quelque chose que tu vas chercher en toi, à l’intérieur, ou en échangeant avec les autres ? Je ne suis pas sûr que ma question soit claire, si ? 🙂
– Julie : Typiquement, quand on parle, là, ou quand je préparais l’interview en relisant les questions avant, je me pose la question du sens.
Quand j’ai l’impression qu’il n’y en a pas, je me demande : c’est quoi l’intérêt ?
Sinon, je fais les choses, peut-être pas telles qu’elles viennent, mais je ne me pose pas la question à chaque appel d’un client. Il y a aussi une question d’intuition.
Par exemple, une cliente m’a appelée pour me demander un devis, et je suis hyper gênée parce que je n’arrive pas à lui faire. J’ai l’impression que ça n’a pas de sens. Je vais l’appeler pour lui dire, parce que ce qu’elle me demande tout et rien. J’ai l’impression que, si je m’embarque là-dedans, je vais surtout lui prendre son argent en échange d’un truc qu’elle espère, mais qu’elle n’aura pas.
Je préfère lui dire : « Attendez, faire comme ça, dans cet ordre-là, ça n’a pas d’intérêt. » Ça me met mal à l’aise de lui faire ce devis à cause de ça.
– Laurent : Je te comprends 🙂
L’état de flow
– Laurent : Sur ton site web, dans ta page « À propos », tu parles d’un « état de flow », que tu as réussi à atteindre quand tu préparais ton concours de professorat du sport. Je le définis comme une concentration extrême. Comment tu le définis, toi ?
– Julie : Pour moi, c’est une expérience globale et optimale, plus qu’un état de concentration.
– Laurent : Est-ce que c’est quelque chose que tu as retrouvé depuis, notamment dans ton expression créative ? Ou est-ce uniquement possible dans le sport ?
– Julie : Tu peux le vivre dans n’importe quelle situation. Ce n’est pas uniquement lié au sport. Je l’ai déjà ressenti, à la fois dans des moments de créativité, en couture ou en rédac, mais aussi quand j’ai passé mon concours de professeur de sport, et quand j’ai accouché de mon enfant.
Il y a eu énormément de recherches là-dessus. L’état de flow, c’est une expérience optimale : à un moment, tu as l’impression que le temps s’arrête, que tu es dans une espèce de vague créative, ta productivité est au top, tous les feux sont verts !
C’est fluide, et tu ressens comme une décharge de bonheur. C’est bizarre à expliquer, mais j’ai l’impression d’être comme invincible. Je suis là-haut, je surfe sur la vague, et rien ne peut m’arrêter. À ressentir, c’est extra 🙂
– Laurent : Tu t’en rends compte sur le moment, ou après coup ?
– Julie : Ça dépend. Sur le moment, je ressens un état de bien-être qui m’imprègne vraiment. Plus tard, je réalise que j’étais en état de flow.
Quand cette sensation de bien-être revient, je me rappelle l’avoir déjà ressentie. Ça peut être très court, ça ne dure pas forcément des heures.
– Laurent : Tu le déclenches, ou ça vient quand tu ne t’y attends pas ? C’est un processus que tu mets en place pour réunir des conditions favorables, ou ça vient n’importe quand et n’importe comment ?
– Julie : Il y a peut-être des étapes à mettre en place pour l’atteindre, je ne me suis jamais trop posé la question.
C’est plutôt quand je l’écris, quand j’y repense et que je l’analyse, que je réalise que là, j’y étais. Je ne me suis jamais amusée à me demander, dans chaque cas, comment j’étais…
À chaque fois, j’avais un but vraiment précis, un défi à relever. Je dirais que c’est un des éléments qui peut amener l’état de flow. Tu es concentré sur ton objectif, à un point d’immersion totale. Tu es dans ta bulle, tu ne perçois plus le temps, parce que tu es dans ton truc. Toute ton attention, ta créativité, ta productivité se mettent en œuvre, et ça donne un résultat ouf ! À la fin, tu fais : « Waouh ! C’était trop bien ! » 🙂
– Laurent : Cherches-tu à mettre du sens parce que, consciemment ou inconsciemment, tu recherches cet état ? Avoir un objectif, savoir ce que tu fais et pourquoi t’aide à rentrer dans le flow, il y a peut-être un lien avec ta quête de sens…
– Julie : Peut-être. Je ne m’étais pas posé la question jusqu’à maintenant, mais oui, je pense qu’il y a une histoire de sens.
L’objectif que tu te fixes implique une motivation intrinsèque. Ce n’est pas juste pour faire plaisir, mais vraiment pour toi, c’est que ça a un sens profond pour toi. C’est lié, parce que ça fait partie du sens, de ce que tu fais, de ce que tu veux à ce moment-là.
Les questions de la fin
– Laurent : On arrive à la fin de l’épisode. J’ai trois petites questions pour terminer.
Ses conseils pour donner du sens à sa créativité
– Laurent : Quels conseils pourrais-tu donner à une personne qui explore sa créativité et qui, comme toi, cherche à lui donner du sens ?
– Julie : Te reconnecter à tes sensations corporelles, écouter ce qui se dit à l’intérieur quand tu fais telle ou telle chose, te rattacher à son intuition.
J’ai tendance à être beaucoup dans le cérébral. À un moment, revenir à tes sensations corporelles, c’est revenir au niveau du cœur, de ce que tu veux vraiment, et de ce qui résonne en toi. Je pense que c’est là que tu trouves le sens.
Pour conscientiser le sens, tu as besoin d’être connecté à cette intuition, qui passe par les ressentis corporels, la petite voix à l’intérieur. Reconnecter le corps et l’esprit autour de l’intuition, ça serait mon conseil.
Je ne le verbaliserais peut-être pas comme ça, selon la personne et où elle en est dans son cheminement. Ça peut paraître un peu barré du dire : « Reconnecte-toi à ton intuition ! » 🙂 Être attentif à ses sensations corporelles, c’est un bon début !
– Laurent : Tout ça demande aussi un gros travail d’introspection, d’apprendre à se connaître. Il y a plein de façons de le faire, ça peut aussi être avec un coach ou un psy…
Ça rejoint ce que disait Aurélie, dans l’épisode 11, avec qui on a discuté de spiritualité et de créativité. Elle parlait d’apprendre à s’aimer, à s’écouter, finalement, à se connaître.
– Julie : C’est toute la délicatesse du truc. Par exemple, quand tu n’as pas confiance en toi, tu as tendance à chercher l’approbation à l’extérieur. Alors que parfois, mon intuition m’a guidée, mais je m’en suis rendue compte des années après.
Aurélie m’a appris à chercher ça chez moi plutôt que d’essayer d’avoir l’approbation des autres, pour savoir si ma reconversion était une bonne chose, si j’allais y arriver.
C’est primordial de se reconnecter à soi, mais ça demande de développer une certaine estime de soi. Si tu manques un peu de confiance, ça peut être compliqué.
– Laurent : C’est pour ça que je disais que ça peut aussi être en allant chercher de l’aide auprès d’autres personnes.
Certains y arrivent tout seuls, avec des introspections, en discutant avec des amis… D’autres ont besoin de coachs, de psys, ou autre. Il n’y a pas une seule et bonne façon d’y arriver.
– Julie : Tu peux aussi tester différents formats.
J’ai déjà vu des psys, j’en vois une. D’ailleurs, l’état de flow, c’est grâce à elle que je l’ai identifié, sur des moments de vie précis. On travaillait sur comment retrouver confiance. En état de flow, tu es en mode confiance 🙂 Donc on a exploré comment recréer cet état, en identifiant les moments, en les décortiquant…
Son mot préféré de la langue française
– Laurent : Ma question préférée : quel est ton mot préféré de la langue française ?
– Julie : Tu vas rire, mais c’est « flow » 🙂
Au départ, spontanément, j’étais partie sur un autre mot, puis en réfléchissant, je trouvais qu’il manquait quelque chose.
En écoutant un podcast, j’ai entendu une nana parler de flow au sens « chemin de vie », mouvement… Immédiatement, avant même qu’elle prononce le mot, j’ai pensé : « C’est ça ! »
J’aime bien ce côté mouvement, c’est quelque chose dont j’ai besoin. Je déteste quand ça ne bouge pas. J’ai besoin de fluidité et de mouvement.
Flow, c’est en anglais, flux, en français, mais je n’aime pas flux. L’état de flow, c’est ce côté fluide, mouvement, je trouve ça super : tu es vraiment en mouvement sur la vague, tu surfes…
Flow, c’est mon mot 🙂
– Laurent : C’est contradictoire avec ce que tu disais, sur l’impression du temps qui s’arrête… Je vois plutôt un côté un peu figé.
– Julie : Ce n’est pas tant que le temps s’arrête, c’est plutôt que tu perds la notion du temps.
Quand tu descends de ton truc, d’un coup, tu te mets à avoir super soif, super faim… tu t’aperçois que tu étais complètement coupé. D’un coup, tout revient, tu vas aller manger un truc et boire un coup !
Ses coups de cœur créatifs
– Laurent : Y a-t-il un créateur ou une créatrice que tu apprécies et que tu voudrais mettre en avant ?
– Julie : Spontanément, c’est Coco Chanel qui m’est venue à l’esprit.
Son parcours de vie m’a toujours sidérée. Elle a eu une vie assez complexe, et a montré une grosse capacité de résilience. Elle a su imposer une nouvelle ère au niveau de la mode, et j’admire sa détermination.
Pour parler d’une personne encore en vie, elle s’appelle Marion Guittier, c’est la créatrice d’une marque de bijoux, Elle et sens. Je ne la connais pas bien, mais son parcours est bourré de sens, et c’est ce que je trouve chouette chez elle.
Elle était dans le marketing avant de bifurquer dans l’artisanat de bijoux, en lien avec la nature, en argent recyclé. Elle a fait son propre marketing sur les réseaux sociaux, créé du contenu, un podcast, et ça cartonné.
Et, parce qu’elle sait faire, grâce à son passif là-dedans, elle a créé Artisane académie, pour partager son expérience passée et aider les artisans comme elle. Quand tu crées des bijoux, ce genre de choses, tu n’es pas forcément très à l’aise avec tous les outils marketing, le web… Elle a lié les deux dans une créativité multiple : elle crée des bijoux, elle crée des contenus, elle crée un enseignement, une formation, le tout avec des valeurs super chouettes sur la nature, le recyclage… Je la trouve très inspirante !
Conclusion
– Laurent : Merci beaucoup, Julie !
Où peut-on te retrouver, si on veut te suivre, lire tes écrits ?
– Julie : LinkedIn et mon site web, ce sont les deux canaux principaux.
– Laurent : Je mettrai les liens dans les notes du podcast et sur le transcript !
– Julie : Merci à toi pour l’invitation. C’était une première, et c’était hyper intéressant de réfléchir à tout ça avec quelqu’un. Dans l’échange, on avance toujours plus vite 🙂
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