Ceci est la transcription textuelle de l’épisode n° 15 du podcast « Réserve Créative » disponible sur votre plateforme d’écoute préférée.

Épisode enregistré le 07/09/2023 et diffusé le 05/10/2023.

Introduction

Parce qu’on est toutes et tous créatifs à notre façon, le podcast Réserve créative questionne la notion de créativité et explore la diversité créative.

Hello, je suis Laurent, et ce podcast est ma quête pour comprendre ce qu’est la créativité.

Quand on lit un livre, on sait un activement ce qu’on doit faire. On lit de gauche à droite, de haut en bas, et une fois en bas de la page, on change de page. Ces interactions nous semblent tellement naturelles qu’on ne les questionne plus.

Mais, est-ce que ce sont vraiment les seules interactions qu’on peut avoir avec un livre ?

Alors que le numérique prend de plus en plus de place dans nos vies, un homme a décidé de revenir au tangible et de questionner le livre tel qu’on le connaît depuis des siècles.

Depuis plus de 30 ans, Étienne Mineur transforme ses frustrations en puissance créative, et repousse la frontière entre le virtuel et le réel en se posant une question toute simple, mais tellement puissante : « Et si ? »

Et si les pages d’un livre se dépliaient au lieu de se tourner ? Et si un site web disparaissait après avoir été consulté ? Et si un simple morceau de papier pouvait produire un son ?

Dans cet épisode, on revient sur le parcours passionnant de ce pionnier du design interactif, on questionne sa vision de la créativité et la place centrale que tiennent les technologies dans son processus créatif.

Sur ce, je te souhaite une excellente écoute !

Les partenaires

Présentation d’Étienne

Laurent : Salut Étienne, bienvenue dans le podcast ! Pour commencer, comment se porte ta créativité, en ce moment ?

Étienne : Ça va très bien ! Elle est même boostée par nos amies les intelligences artificielles. J’ai des béquilles encore plus puissantes qu’avant 🙂

Laurent : On n’est pas encore à l’automne, généralement, c’est un peu la saison où est moins motivé… Tu ne subis pas d’effet saisonnier ?

Étienne : Le mois d’août, c’est génial : c’est le moment où il y a moins d’activité avec les clients, et c’est là que je peux travailler le plus.

Je me suis vraiment amusé : j’ai fait une pochette de disque pour un groupe de rock rigolo, je fais un gros bouquin très bizarre avec des pliages, des trucs comme ça, très expérimentaux…

Maintenant, je dois passer en mode fabrication et devis, c’est moins drôle 🙂 Tu t’aperçois que tes grands espoirs, ça coûte dix fois le prix que tu estimais !

J’ai la grande chance de ne pas avoir de période de trou, grâce aux projets hors norme en août. Je travaille dans le domaine ludique : le gros marché pour nos clients, c’est Noël, pour lequel tout est fini en septembre. Tout va bien, ça marche !

Laurent : Tu as déjà commencé à présenter un peu ton activité, mais pour éclairer les auditeurs et auditrices qui ne te connaissent pas, qu’est-ce que tu réponds quand on te demande ce que tu fais dans la vie ? Car tu es connu, mais pas par le grand public.

Étienne : C’est normal, nos grandes stars ne sont pas connues, à part Philippe Starck, dans un autre domaine du design 🙂

Moi aussi, je suis designer. Très vite, on me demande si je fais des chaises, alors je rigole : le design, c’est beaucoup plus large que « faire des chaises » 🙂

Je suis designer généraliste. J’ai fait les Arts déco de Paris, donc j’ai vraiment une culture « design graphique ». Aujourd’hui, je suis un électron libre : je fais des maquettes en papier, je travaille sur des vidéoprojections, des spectacles immersifs. Je suis une sorte de designer générique. Par contre, je ne suis pas designer produit. Honnêtement, je serais incapable de designer…

Laurent : Une chaise ? 🙂

Étienne : Bon, une chaise, on peut y arriver 🙂 Mais pas un objet un peu technique… J’adorerais designer une chaise ou un fauteuil, c’est quand même un autre métier 🙂

Son parcours

Laurent : Tu as commencé ta carrière professionnelle au début des années 90. Peux-tu revenir sur ton parcours ?

Étienne : Je suis rentré aux Arts décoratifs en 1987 : Internet n’existait pas, puisque même s’il y avait des réseaux, le web est apparu en 1992. Le téléphone portable n’existait pas. C’était un autre monde.

Aux Arts déco, j’ai découvert la typographie, le design. Dans ma petite banlieue, c’était des mots que je ne connaissais même pas ! L’accès au savoir était très compliqué, sans Internet, et dans les bibliothèques en banlieue, on croisait rarement des ressources sur la typographie 🙂

Naissance du web et du design interactif : aux premières loges

Étienne : Comme les Arts déco sont une école très riche, il y avait des ordinateurs, alors que personne ne travaillait avec, à l’époque. Une section faisait de la 3D. Tu imagines, dès les années 85-84 ! Il y avait quelques Mac et Amiga dans un coin. J’avais aussi la chance d’avoir un papa qui ramenait des ordinateurs à la maison, pour travailler le weekend. J’étais donc habitué aux ordinateurs, contrairement à beaucoup de personnes de ma génération qui ont dû « s’y mettre ».

Très rapidement, j’ai rencontré Emmanuel Olivier, un designer produit deux ans au-dessus de moi. On a commencé à travailler sur des bornes interactives au début, parce qu’on répondait à des commandes. J’étais encore étudiant, pourtant, on a monté une société, Index plus.

Par défaut : j’ai toujours monté des sociétés sans être un startuper…  Sauf que, d’un coup, des clients veulent te faire un chèque. Pour l’encaisser, il faut bien une société, être freelance. C’est vraiment tout bête, très pragmatique : la société n’est qu’un outil.

Emmanuel programmait vraiment très bien, et moi un tout petit peu. Ça m’intéressait, mais je travaillais plutôt sur du design d’interactivité, qu’on appelle aujourd’hui UX, UI et compagnie…

J’ignorais que ça s’appelait ainsi : simplement, il fallait faire des boutons, que les gens comprennent, il y avait une notion d’ergonomie… On arrivait à des images interactives, sur lesquelles tu peux cliquer sur des boutons, faire un roll over… À part les jeux vidéo, qui étaient un peu en avance, personne ne connaissait ces outils ni ce nouveau vocabulaire.

Lire des écrits de designers industriels m’a beaucoup apporté. Même si on n’est pas sur un tableau de commande, un guidon ou un volant de voiture, les relations des utilisateurs avec l’image interactive correspondent presque à un tableau de bord de pilote de ligne.

J’ai aimé ce rapport entre ergonomie, usage et image. J’avais une culture image, affiche, graphisme, livre, typo, et tout à coup, j’ai appliqué ça à des notions de design produit.

Notre société a plutôt très bien marché. C’était le début du CD-ROM, notamment dans le domaine culturel. La RMN (Réunion des musées nationaux) avait décidé de pousser ce nouveau média. C’était une période vraiment passionnante.

Je suis reparti en freelance : la boîte avait grossi, et j’ai un peu peur des grosses structures.

À la fin de mes études, j’ai fait un mémoire sur le design interactif, un des premiers en français, je pense. Je n’en avais aucune idée à ce moment-là, c’était en 89-90. On découvrait le vocabulaire, on expliquait la nouvelle mécanique interactive, ergonomique, typographique, toutes ces logiques… Aux Arts déco et dans d’autres écoles, on a été la première génération à travailler avec XPress, PageMaker… InDesign n’existait pas 🙂

J’ai été embauché dans la seconde dans une grosse société qui faisait beaucoup de packaging. J’y ai fait la charte SNCF, un gros boulot pour commencer 🙂

J’ai vraiment appris mon métier : avec un imprimeur, tu vas appliquer la charte graphique sur une carte de visite, sur de la moquette, voire sur le TGV, avec un autocollant grandeur nature, pour vérifier le rendu sur le train 🙂

Puis le service militaire m’a rattrapé, alors que je devais partir pour San Francisco pendant deux ans, dans une boîte qui travaillait pour Apple.

Le seul truc intéressant de ces dix mois pathétiques, c’est que j’ai pu me faire muter à l’École Polytechnique en 92. À la bibliothèque, un copain m’a un jour dit : « Viens voir un truc, je pense que ça va t’intéresser. » Ça s’appelait le web.

L’École Polytechnique était sur un gros hub informatique, ils avaient accès à des connexions ultra-rapides, c’est-à dire de la 2G actuelle 🙂

J’ai passé beaucoup de temps là-dessus, en regardant, en fouillant, en améliorant mon mémoire. C’était une période assez euphorique, ultra-riche culturellement et intellectuellement : tu pouvais discuter avec un mec au MIT à Boston, ou avec un Japonais spécialiste du punk japonais ! Il y avait un côté très libertaire.

Laurent : C’est génial !

Étienne : Puis pendant trois ou quatre ans, j’ai réalisé des vidéoprojections et du motion design pour Renault. C’était super intéressant de concevoir une installation interactive sur laquelle passeraient cinq millions de personnes : il fallait que l’interactivité soit vraiment minimaliste, que ça marche à 100 %, qu’on puisse appuyer trente millions de fois dessus. Tu as des contraintes et tu apprends bien !

En parallèle, je travaillais pour Issey Miyake, le couturier japonais. C’était la période Flash, sur le web. Je faisais tout seul, même la programmation, car le budget n’était pas suffisant pour payer un designer et un développeur.

Les Japonais s’en moquaient totalement, le web ne les intéressait pas du tout. Les premiers défilés avaient lieu à Milan ou à Paris, donc ils ont demandé à l’équipe française de s’en occuper.

J’étais avec l’équipe des défilés, c’était génial, j’ai réellement découvert le design de vêtements, même si, avant, j’avais travaillé pour Yves Saint-Laurent et un peu pour Chanel. Depuis les coulisses, en les voyant travailler j’ai découvert comment on montait un défilé. J’ai même eu la chance d’aller plusieurs fois au Japon.

J’ai eu trois mois pour faire le site web, dont l’objectif n’était pas la vente en ligne. Je travaillais avec Roy Genty, le directeur artistique, un mec super qui m’a souvent poussé dans mes retranchements. Les designers se plaignent souvent de la frilosité de leurs clients. Là, c’était l’inverse, ce qui est rare 🙂

J’ai eu la chance de travailler avec eux pendant huit ou dix ans. L’idée, c’était de produire des « capsules », de traduire l’esprit des quatre défilés annuels sur le web.

Vidéo présentant 26 sites web différents réalisés par Étienne pour Issey Miyake.
Source : https://etienne.design/2018/12/28/issey-miyake-archives

Le virage du retour au tangible

Étienne : J’ai eu la chance de pouvoir refuser de travailler pour l’e-commerce. Je n’en avais pas envie, ou plutôt, je ne considérais pas avoir grand-chose à apporter. Ajoutons à cela la crise de la quarantaine, les enfants… Ça faisait également longtemps que je voulais revenir au papier, au livre.

Avec mon studio Incandescence, je travaillais sur la typographie pour les futurs smartphones de Nokia. L’iPhone allait arriver, et on sentait qu’il se passait un truc : quand tu t’aperçois que tu peux partir trois jours sans ton ordinateur, et continuer à travailler !

Un copain, Bertrand Duplat, qui avait monté une grosse boîte de conception d’outils pour le jeu vidéo, ressentait la même chose avec ses équipes. Plus ça se dématérialisait (c’était le début de Steam, dans le jeu vidéo), plus on voulait revenir au tangible. Nous, les plus « vieux », entre 35 et 40 ans, avions le sentiment de perdre quelque chose qui tenait dans la dimension physique.

On pourrait parler des années de la poésie du papier… Mais, tu vois, même en 2023, quand tu veux faire un cadeau qui compte, tu offres un objet physique, plus rarement une clé Steam… même si ça peut arriver, pour des gros gamers 🙂

Les jeux en physique se vendent encore, ou les mangas, alors que tu peux les télécharger. Par contre, tu choisis le beau boîtier, le coffret collector.

J’avais envie de faire des livres pour enfants, du papier, des livres.

J’ai entrepris une démarche de design expérimental en questionnant le livre : qu’est-ce qu’un livre en 2010 ? Est-ce que j’ai besoin d’un livre papier plutôt qu’un e-book ? Tu te poses une multitude de questions.

J’ai imaginé plein de livres, à voir sur le site de Volumique : des livres qui tournent leurs pages tout seuls, des livres qui disparaissent, un livre qui se prend pour un jeu vidéo et qui parle, avec des Arduino, en mélangeant électronique, informatique…

Jeu et créativité

Laurent : Effectivement, il y a beaucoup d’expériences très intéressantes, très ludiques !

Étienne : L’aspect ludique est ultra-important pour moi. D’abord, j’adore le jeu.

Quand je crée un prototype, ou lorsque j’anime des workshops avec des étudiants, quand j’expérimente une nouvelle approche, par exemple, une IA ou même du papier, je travaille avec le jeu. Parce qu’en jouant, d’un coup, on oublie qu’on travaille. Les idées qui émergent sont très pertinentes, le cerveau se met en mode ultra-créatif, dès qu’il faut inventer un jeu, et la collaboration se fait naturellement.

Honnêtement, tu ne crées pas un jeu dans ton coin. Le jeu, de société ou vidéo, il faut l’expérimenter. Tu auras beau te dire que ça y est, ça marche, que ça va être fun… tu testes, et neuf fois sur dix, ce n’est pas du tout ce que tu attendais, c’est médiocre. En testant un jeu à plusieurs, quelquefois, tu as des étincelles : là, cette petite seconde qui vient de passer, c’était intéressant, comment peut-on développer ? Il y a un côté très pluriel dans le jeu, notre cerveau fonctionne à fond, c’est très intéressant sur le plan créatif.

En général, mes prototypes sont assez ludiques dès le départ. Ça fait sourire les gens, car on n’est pas sur un thème vraiment sérieux, vraiment lourd pour commencer.

Avec Volumique, on a notamment inventé un système permettant à des objets sans piles, sans rien du tout, posés sur un écran type iPad, d’être reconnus : c’est grâce à l’électricité de ton corps et à l’encre conductrice. Puis, tu t’aperçois qu’avec tes étudiants en face et nos vingt ans d’écart, ou avec tes collègues, tu commences à t’amuser, à créer des histoires par rapport à cette petite technologie. On ne parle plus techno, mais contenu et usage.

De l’invention à l’innovation

— Étienne : On passe de l’invention (les écrans capacitifs) à l’innovation. En rajoutant une petite couche ergonomique et une agrégation de différentes technologies, on crée un nouvel usage.

Et ça, c’est de l’innovation : lorsqu’on trouve à quoi sert une invention.
Ça peut être dramatique : Oppenheimer a trouvé à quoi servait la fission nucléaire, il en a fait une bombe !

À la découverte du secteur du jeu

Étienne : Nous, on a conçu des petits pions pour les enfants, reconnus sur l’iPad. Quand tu les poses, ils disent : « Bonjour, je m’appelle Babar » ou « Bonjour, je m’appelle Droopy » 🙂

Une fois l’idée brevetée, j’ai commencé à la montrer dans l’édition jeunesse, qui m’attirait beaucoup. En France, on dispose d’une grande richesse du côté des illustrateurs, des imprimeurs super… Les gens de l’édition papier se sont montrés dubitatifs : ils aimaient bien, mais considéraient cela comme un gadget qu’on ajouterait pour vendre mieux. Je n’étais pas d’accord avec cette idée.

Heureusement, les gens du jeu de société et du jouet, que je ne connaissais pas, sont venus nous voir très vite ! Hasbro et les Français d’Asmodee nous ont passé des commandes. On a créé une boîte, pu payer des salaires pour les ingénieurs et les développeurs, et commencé à travailler là-dessus.

Je découvre alors encore un nouveau domaine incroyable ! En tant que designer, il faut s’intéresser à ce que font tes clients, et y adhérer. Je crois que chez Decathlon, les designers doivent pratiquer les sports sur lesquels ils travaillent. Ça me parait normal. Je ne pratique pas le golf, si tu me demandes de designer un truc de golf, je ne serai pas pertinent.

Laurent : Ou tu vas simplement reproduire ce qui se fait déjà.

Étienne : Exactement.

Chez Renault, quand on travaillait sur la Formule 1, je n’étais peut-être pas très pertinent là-dessus, mais j’étais briefé 🙂

Encore faut-il s’intéresser, et c’est ce que je trouve très beau dans mon métier : comprendre le métier des clients pour pouvoir ensuite analyser tout ça, leurs besoins, formaliser avec ton propre langage, tes outils, ta culture.

Au départ, je ne connaissais pas le domaine du jeu, du jeu de société, du jouet. Il y a 15 ans, j’ai poussé la porte d’une boutique de jeux historique, la boutique Descartes, près des Arts déco et du Panthéon. De loin, je la voyais comme un gros truc de geek, de nerd…  Je suis aussi, dans un autre domaine 🙂

Quand je lui ai demandé ce qui s’est passé depuis 30 ans, le vendeur m’a confirmé que deux ou trois trucs étaient sortis depuis le tarot, la belote, le poker, le Monopoly et le Uno 🙂

Il m’a fait une mise à jour : c’était extraordinaire, je suis ressorti avec dix jeux et j’ai joué tout le weekend.

Réconcilier tangible et numérique

Étienne : Notre idée, c’était de mélanger objet tangible et objet numérique. Il y a quinze ans, c’était vraiment deux mondes différents.

Par exemple, on disait que tes amis en ligne n’étaient pas tes vrais amis. J’ai des amis « numériques » presque aussi importants que mes amis « physiques », des personnes que je connais très bien et qui me connaissent très bien, que je n’ai jamais vu de ma vie, avec lesquels on partage énormément de choses.

On a créé les éditions Volumique. Nous faisons ponctuellement de l’édition, car nous sommes plutôt un studio d’expérimentation et de création. On crée beaucoup de prototypes et nous vendons nos idées : nos clients viennent nous voir pour les adapter à leur contenu.

Exemples de prototypes ou livres réalisés par Volumique :

La pluie à midi, un livre et une appli
Prototype de livre sonore
Les aventures d’un village, un livre à déplier.

Toujours expérimenter

Étienne : Je continue la direction artistique, le graphisme…

En ce moment, c’est une période plutôt intéressante, parce qu’on ne me propose que des projets « bizarres », « hors norme ». Le budget ne va pas toujours avec, mais c’est la vie 🙂

Mais c’est intéressant : on discute, on dialogue, on s’appuie sur des références, on prototype… J’adore ça !

Dès qu’on a un peu d’argent, j’achète du matériel pour être assez autonome pour expérimenter formellement. C’est beaucoup plus intéressant que de rester sur son écran, où tu finiras bloqué, intellectuellement, tant que tu n’es pas passé au tangible.

Voilà, pour résumer 🙂

Laurent : Au moins, ça nous permet d’avoir une vision d’ensemble 🙂

Étienne : J’ai 55 ans, donc c’est long 🙂

Sa définition de la créativité

Laurent : Tu as commencé à en parler, quelle est ta définition de la créativité ?

Étienne : Faire n’importe quoi, c’est facile : inventer des jeux, écrire, dessiner, faire des vidéos… La créativité, en design, c’est faire quelque chose de structuré, de raisonné, d’émouvant, proposer une idée originale, qui réponde correctement à une commande, qui corresponde à un cahier des charges, c’est ça,

Tout le monde est créatif, même si certains pensent ne pas l’être. Toute la journée, on doit improviser, être créatifs dans nos réponses aux événements. Un chat passe, tu peux chuter ou sauter élégamment par-dessus !

Je n’aime pas trop le mot « créatif » : on dirait un jeu de mot pour coiffeur 🙂
Quant à « créateur » ou « directeur de création », ça fait vraiment dieu 🙂

Dans le domaine professionnel, si on vient te voir en tant que « créatif », c’est qu’on espère une réponse différente de celle qu’on attend.

Parfois, un client vient avec une idée préconçue et y tient absolument. Là, ce n’est pas la peine de venir me voir. Parfois, son idée est meilleure que la miette, et mon ego n’est pas démesuré : soyons pragmatiques !

Avant tout : le brief

Étienne : Souvent, quand on vient me voir, c’est avec un contenu et une problématique, en recherche d’une solution.

Un jour, un musée est venu me trouver pour développer une application iOS ou Android, et ça s’est fini par une carte sur un grand plateau qui se dépliait. C’était super beau, ça a coûté aussi cher que l’application, et ce n’est pas le sujet. Simplement, cette proposition correspondait mieux à ce que les visiteurs du musée attendaient.

Faire une appli, si c’est seulement « pour être moderne », c’est non. De la même manière, en ce moment, on me demande, pour être « tendance », des images générées avec des IA. Je réponds : non, on va faire des images qui correspondent à votre projet, et on verra si on utilise des intelligences artificielles.

Laurent : Dans ta définition, tu parles de la notion de commande, de cahier des charges… Selon toi, la créativité doit forcément être contrainte ?

Étienne : Exactement. C’est vraiment de cette façon que je fonctionne : si tu me donnes une page blanche, je suis affolé. Alors, je me pose moi-même des contraintes.

J’ai une démarche de designer, donc j’ai beaucoup de mal à commencer de zéro.

J’imagine que c’est pareil pour un comique, un stand-uper, si on leur dit, en soirée « Vas-y, fais-moi rire ! ».
Ça ne marche pas comme ça 🙂

La créativité est liée à la commande, à la contrainte créative : le temps, le contenu, le cahier des charges, la technique, l’argent… C’est alors que tu te montres créatif.

Je retrouve ce que j’aime dans le jeu de société : d’un commun accord, on s’impose des règles, à partir desquelles on tente de faire quelque chose de nouveau, d’original, correspondant à la demande ou au cahier des charges.

On manque d’argent pour l’encre ? Alors, je trouve un truc avec la découpe laser : pas besoin d’encre, en brûlant un peu le papier, en découpant, en gaufrant, ça devient lisible. On trouve des combos, des solutions parfois moins onéreuses, et dont le résultat s’avère d’autant plus probant qu’il est original et marquant.

Si les contraintes sont extrêmes, comme dans le jeu de cartes de la bataille, alors ce n’est pas drôle 🙂 Le loto, c’est le jeu le plus inintéressant du monde, sans aucune stratégie, mais le gain est énorme, ça compense !

Cette approche ludique s’apparente à un défi intellectuel et artistique pour trouver une solution aux attentes du client. C’est intéressant quand le client nous dit : « Ah, je n’y avais pas pensé ! ».

Quelquefois, au sein de l’équipe, c’est Julien, mon associé et développeur, qui trouve des idées d’utilisation, parce qu’en codant, c’est lui qui utilise le plus l’interface. Nos visions se complètent bien.

Dessiner et construire

Laurent : Considères-tu que tu as toujours été créatif, ou est-ce que ça s’est révélé durant tes études ?

Étienne : J’étais moyen à l’école, ça ne me passionnait pas. Enfant, j’ai beaucoup dessiné. Aujourd’hui, c’est amusant, quand je revois d’anciens copains de l’école, du collège, tous me disent : « J’en étais sûr ! Ça ne m’étonne pas que tu travailles dans un domaine créatif ! »

Laurent : À part le dessin, avais-tu d’autres activités ?

Étienne : J’appartiens à la génération à fond sur les Lego, les vrais, sans plan ! Mes deux enfants, ont construit l’Étoile noire en Lego, à partir de l’immense plan… pour ne plus y toucher 🙂

Alors que quand j’étais enfant, je jouais trois heures, puis une fois que c’était fini, boum, je cassais tout ! Je rangeais toutes mes petites briques dans un sac, et je recommençais !

J’ai aussi fait énormément de maquettes : en bois, en plastique, en balsa… J’adorais construire des trucs, bien qu’aujourd’hui, je ne sois pas du tout bricoleur dans ma maison 🙂

Je m’aperçois aujourd’hui que je vois bien en volumes, grâce à toutes ces constructions que j’ai faites, enfant. Quand tu pars du plat et que tu montes ta maquette, tu comprends bien la structure, tu sais pourquoi ton aile d’avion tient bien, tu vois les rapports de force, tu perçois les tensions…

Avec mon fils de 14 ans, nous avons construit une maquette de gros bateau anglais, de l’époque victorienne, tout en papier, sans colle. J’ai retrouvé le même plaisir qu’à huit ans !

Contrairement à mes autres copains qui dessinaient bien, je n’ai pas fait de BD. Je regardais ça de loin, conscient de l’énormité du boulot ! Quand tu sais dessiner, c’est rigolo de faire un Mickey sur un coin de table, ou de dessiner tes copains… mais se lancer dans la BD, c’est costaud.

Laurent : Bien sûr, c’est un boulot énorme par rapport au temps de lecture derrière ! 🙂

Étienne : Et puis, il faut vraiment avoir un talent ! Ça, tu t’en aperçois très vite quand tu commences. J’ai bien fait deux ou trois cases, et c’est passionnant : la notion de cadrage, le rapport au cinéma… tout est dans la BD ! C’est un boulot délirant, et comme tu dis, c’est lu en trois minutes ! Les mecs et les filles sont sous-payés, sans même parler des coloristes ! Je n’en étais pas conscient à 12 ou 14 ans, mais j’ai des amis travaillant dans ce domaine, et c’est super dur !

Des frustrations qui donnent l’énergie pour créer

Laurent : As-tu une idée de l’origine de ta créativité ? Vient-elle de ton entourage ?

Étienne : Dans ma famille, personne ne travaille dans mon domaine. Mon grand-père dessinait très bien, et il était géomètre. Peut-être l’ai-je vu dessiner sur de grands plans…

Je suis assez curieux, j’aime regarder les nouveaux trucs, ça m’intéresse tout le temps !

La colère, ou plutôt la frustration, peuvent être le moteur de ma créativité, quand je me demande : « Pourquoi ont-ils fait ça comme ça ? ».

Par exemple, je suis souvent à vélo ou en scooter dans Paris. Bien que ça ne soit pas mon domaine, si j’avais un peu plus de temps dans ma vie, je suis sûr qu’il y a un truc à faire pour les rétroviseurs des voitures, qui sont mal placés, pour les feux rouges, le sens d’ouverture des portières… Pourquoi s’ouvrent-elles dans ce sens ? Pourquoi ne coulissent-elles pas automatiquement ? Combien de fois ai-je failli mourir, vraiment, parce qu’un automobiliste ne regardait pas en ouvrant sa porte ?

Un designer automobile pourrait m’expliquer une multitude de trucs, et ça serait passionnant d’apprendre les origines historiques, les raisons techniques… Peut-être que les châssis sont faits ainsi et qu’on n’y peut rien. Enfin, ça, ce n’est pas une bonne réponse ! 🙂

De la même manière, lorsque j’ai commencé Volumique, je me suis demandé pourquoi les éditeurs séparaient totalement le monde numérique du monde papier. Alors que je constatais que dans le monde réel, en regardant mes enfants, par exemple, les deux étaient liés. J’ai voulu leur prouver que ce discours ne tenait pas.

Je suis designer, j’ai des copains ingénieurs et développeurs donc techniquement, on peut le faire ! Pas besoin d’être Apple, de gagner 300 milliards par trimestre. Dans ma petite tête, avec mon petit truc, j’ai proposé une idée. Si elle est bonne, peut-être même qu’elle va grandir !

Le pire, c’est quand la réponse est : « On a toujours fait comme ça » !

« On a toujours battu les enfants », « Les femmes se sont toujours fait embêter, ou pire, dans la rue », « C’est la nature humaine »… Non ! On va essayer de corriger ça.

En design, c’est pareil. On a toujours fait des lunettes de cette façon ? Peut-être qu’elles pourraient être différentes. Parfois, tu comprends vraiment pourquoi ta nouvelle idée ne fonctionne pas, mais au moins, tu as tenté, tu n’es pas resté dans la frustration.

Quand j’ai créé Volumique, j’ai pris trois mois pour travailler sur le livre. Même si c’est un objet « parfait » qui existe depuis 400 ans, admettons. Mais, dans le monde numérique, ne pouvait-il pas évoluer ?

L’approche sensorielle, indispensable

Laurent : Te considères-tu plus créatif aujourd’hui que lorsque tu as commencé ta carrière ?

Étienne : C’est pareil. Mais, avec l’expérience, tu intellectualises plus ce que tu fais.

Aux Arts déco, j’étais dans la découverte, dans l’action. C’est par la suite que tu réalises ce que tu as fait. Par exemple, quand on s’est mis aux CD-ROM et autres, nous n’avions aucune notion du fait que nous étions les premiers, les « pionniers ».

Laurent : C’est moins instinctif et plus intellectuel ?

Étienne : Je conserve l’approche sensorielle, tactile, la manipulation directe. Vous ne pouvez pas le voir, mais à côté de moi, j’ai ma planche de découpe, je me suis d’ailleurs coupé. Je me salis les mains.

Hier, je travaillais sur une pochette de disque avec un jeune graphiste. Je lui ai dit : « À un moment, il faut imprimer à taille réelle. » Déjà, pour corriger les fautes typo qu’on ne voit pas toujours à l’écran. Mais aussi parce que ça peut te donner d’autres idées. C’est vite fait, tu mets un coup de colle, tu déchires… Ça tombe bien, c’est un groupe punk 🙂 Là, c’est un vinyle, donc un grand format, que tu tiens dans tes mains. Ça permet d’aller plus vite. Tu interagis avec l’objet qui, après, va s’augmenter par le numérique.

Pochette de disque réalisée par Étienne.
Source : Instagram.

J’ai toujours été jaloux des guitaristes, des musiciens en live. Dans les métiers du graphisme, du design, on a un temps de réalisation, ce n’est pas immédiat. Tu dois d’abord mettre en place ton truc. Rien à voir avec l’énergie que dégage un musicien qui joue du free jazz, du rock, du punk…

Grapus, une grande équipe de designers et de graphistes engagés politiquement dans les années 70 et 80, pratiquait ce qu’ils appelaient « le graphisme d’urgence ». Ils déployaient cette énergie dans le cadre de manifs, par exemple. Je n’ai pas de moyens, c’est l’urgence, et je n’ai qu’une photocopieuse, qu’est-ce que je fais ?  

Sans dire que « c’était mieux avant », c’est quelque chose qu’on a un peu perdu avec le numérique. J’essaie de garder cette énergie, quitte à, ensuite, attendre deux jours avant de poster ce que j’ai fait sur les réseaux sociaux. Sur le moment, tu es enthousiaste, ce qui est cool, et j’espère garder cette sensation. Mais, il arrive qu’une fois que j’ai laissé reposer, je ne poste finalement qu’une idée sur les trois, parce que je m’étais un peu emballé 🙂

Technologies et créativité

Laurent : Depuis le début de l’épisode, on a déjà parlé de technologie à plusieurs reprises. Tu as connu un grand nombre d’avancées technologiques, du CD-ROM aux IA, en passant par le site web ou le smartphone. J’ai l’impression qu’à chaque fois, tu as réussi à les accueillir et à les intégrer dans ta pratique. Dirais-tu que ça a développé ta créativité, ou qu’au contraire, elles ont uniformisé ton travail ?

Étienne : Je n’aime pas trop le mot « geek », mais en tout cas, je n’ai pas peur des technos, des outils, des machines.

Je suis né en 68, donc avant les jeux vidéo, puisque la première console est sortie en 72. Pourtant, même si je ne me rappelle pas, car je devais avoir cinq ou six ans, j’ai retrouvé une première console « pong » française à la maison. Mon papa était geek, visiblement. Il l’avait achetée pour mon frère et moi, mais je pense que mes parents aimaient bien aussi. Les ordinateurs, les machines, c’est assez naturel.

Comme je te le disais, les contraintes m’intéressent, je les considère comme un jeu.
Un nouvel outil numérique, c’est une nouvelle contrainte.

Les typographes et les designers graphiques, dans les années 80, travaillaient en photo composition, avec une ultra-haute résolution. Quand le numérique est apparu, on s’est retrouvés avec un écran 640×480 pixels en noir et blanc, une perte énorme. Avec l’arrivée du web, c’était l’horreur : tu ne choisissais même pas tes polices de caractères, on avait seulement des polices pixelisées dégueulasses 🙂 Enfin, vient le smartphone, avec un écran encore plus petit, donc une contrainte extrême pour la typographie. Le support est de pire en pire, en revanche, l’interactivité et les possibilités sont énormes ! Ce sont des vases communicants.

J’ai des amis qui ont fait le choix de continuer à ne faire que des livres et des affiches, et ils ont 100 % raison. Ils sont habitués à une qualité énorme, c’est comme si leur « niveau de vie » chutait. Pour ma part, je l’ai considéré comme une contrainte. Ça ne veut pas dire que je n’ai pas râlé 🙂 Sur le web, je n’en peux plus, des contraintes typo ! Des doubles colonnes avec des césures, on n’en fait toujours pas, au secours ! Mais on a d’autres outils, d’autres usages…

Cette contrainte créative est ludique, elle constitue un challenge. Comment la contourner tout en étant critique ? J’espère ne pas suivre le mouvement, même si certains sont super 🙂

Par exemple, pour Issey Miyake, on a fait des sites que tu pouvais ne consulter qu’une fois, qui s’effaçaient au cours de ta visite, en très basse résolution, exprès. On jouait avec l’utilisateur. Sur tous les sites que j’ai faits pour Miyake, il ne fallait jamais cliquer. Cliquer, c’était acheter, selon nous. Cette contrainte extrême, je me l’étais imposée sans même en parler au client. En utilisant juste le mouvement de souris, le roll over, l’approche était beaucoup plus douce, l’utilisateur plus concentré.

À l’arrivée de l’iPhone, j’ai inventé des systèmes, utilisant seulement l’accéléromètre. Personne ne l’avait utilisé de cette façon avant. Je peux dire que j’étais le premier, puisque j’ai déposé le brevet 🙂 On s’est fait attaquer par les avocats de Disney. Ils ont des super centres de recherche, d’ailleurs. On a vu ce qu’ils faisaient, parce qu’en cas d’embrouilles, il faut montrer ce que tu fais. Et on a gagné, car à deux, dans notre petite boîte à Malakoff, on avait trois mois d’avance.

Ce n’est pas un problème de moyens, simplement de bonne compréhension des usages. Par exemple, pour la tablette : je me suis demandé à quoi cela servait d’avoir un écran horizontal, contrairement à la télé, au cinéma, au téléphone, dont les écrans sont à la verticale. L’idée du jeu de société est arrivée très vite : je peux regarder une personne en face, et ça devient un petit plateau. Et si on posait des saucisses cocktail dessus ? Je peux vous dire que ça marche, c’est conducteur, je l’ai testé. Un chat aussi 🙂

Je suis très attentif à la manière dont les personnes utilisent leur téléphone, le sens dans lequel ils le tiennent… J’ai eu des idées en voyant mes fils, bébés, jouer avec le téléphone éteint. Ils le secouaient, lui faisaient faire l’avion. C’est amusant d’utiliser non pas l’écran, mais l’objet lui-même !

Les créateurs de jeux, notamment, utilisent ça tout le temps : ils observent la façon dont une personne va plier les pages, simplement pour s’en souvenir, et ça leur donne l’idée d’en faire un jeu. Je dis n’importe quoi, là. C’est une approche assez ouverte et ludique du monde pour repérer ce que tu peux y picorer, agréger, articuler.

L’aventure spirogami

— Laurent : Je te propose un pas de côté, de quitter un peu le monde des technologies. J’aimerais revenir à un art, une technique que tu as inventée, le spirogami. Comment en es-tu arrivé à le créer ?

Étienne : C’est une personne qui m’a gentiment trouvé le nom, qui contient « spirale » et « origami », même s’il n’y a pas de pliage. Il s’agit de sculptures décoratives en papier.

C’est d’ailleurs la première fois que je fais un truc décoratif 🙂

Pendant le confinement, je me suis retrouvé dans la chambre de mon fils, sans imprimante, avec une feuille A4 et un cutter. J’ai commencé à la découper, puis je l’ai enroulée en spirale, ce qui a donné des formes assez intéressantes. J’ai peaufiné : j’ai utilisé du carton comme socle, j’ai fait des châteaux… Ma femme, qui est graphiste, m’a aidé en dessinant des fleurs, des feuilles, des forêts.

J’ai commencé à montrer ça sur les réseaux, juste comme ça, et j’ai eu un beau retour.

Les réseaux me servent à faire des études marketing pas chères 🙂 J’y montre beaucoup ce que je fais, les gens me donnent des idées… On a commencé à m’en demander, mais au départ, je faisais ça parce que ça m’amusait. Même si ce n’était pas le but premier, c’était tout de même un signe !

Une fois déconfiné, j’ai commencé à vraiment travailler dessus, et ça s’est bien développé. Ma femme m’a suggéré de lancer une campagne Ulule. J’ai investi dans une découpeuse laser : c’est 5 000 €, il vaut mieux être sûr de son coup. Je ne regrette pas, elle tourne 24 heures sur 24 depuis trois ans ! Dans le cadre de la campagne de financement, je pensais en vendre 50… j’en ai vendu 250 !

C’était génial d’être en mode manuel pendant deux mois : j’ai fait plein de dessins, assemblé… J’avais juré de tout livrer avant Noël, et j’y suis arrivé !

Laurent : S’agissait-il d’une série ou de pièces uniques ?

Étienne : C’est unique dans le sens ou c’est assemblé à la main. Je proposais quatre motifs différents.

La découpe du motif est réalisée au laser, à l’unité. Ça prend 20 à 30 minutes, contrairement à une planche de découpe qui peut gérer 300 pages en même temps ! Par la suite, j’ai travaillé avec un prestataire qui m’a aidé. En revanche, tout le reste est manuel. J’ai des photos incroyables dans l’atelier rempli de cloches 🙂

J’ai aussi beaucoup appris sur le plan logistique ! Un spirogami, ce n’est que du papier, du bois et du verre, c’est super fragile. Sur les dix premiers que j’ai envoyés, trois sont arrivés pétés ! Heureusement que j’avais fait cette première salve pour avoir les retours des destinataires, qui m’ont envoyé des photos.

Là, il faut imaginer que les gens de La Poste jouent au foot avec vos cartons ! C’est un gros problème et le transport coûte super cher, plus cher que toutes les matières premières du spirogami, qui reviennent à 10 ou 15 €. La livraison, elle, coûte 17 € !

Pour les cloches, mon prestataire, situé en Angleterre, me faisait croire qu’elles étaient fabriquées là-bas alors qu’elles arrivaient de Chine. L’aspect légal, les douanes… la totale ! C’était super intéressant.

Je continue de développer ce projet tranquillement, car je fais beaucoup d’autres choses par ailleurs. J’essaie de créer deux nouveaux modèles par an, que je vends à l’unité.

J’ai aussi des commandes spécifiques de musées, de théâtres ou des festivals. Là, c’est vraiment du sur-mesure. En ce moment, je travaille pour un festival de jeux de société, dont ce sera le grand prix.

Laurent : C’est chouette !

Étienne : Le Théâtre de l’œuvre, un très beau théâtre à Paris, m’a aussi commandé 70 cadeaux sur-mesure pour les offrir à leurs invités, à leurs comédiens… Je me suis donc rendu sur place pour pouvoir ensuite redessiner la grille, les ferronneries, la scène…

Pour la suite, on a commencé à mettre des lumières dans les spirogamis, et à les rendre narratifs, pour raconter des contes pour enfants.

Je n’en ai pas le temps, mais il faudrait que je remette tout à plat, que je travaille à fond dessus, comme je l’ai fait il y a douze ans pour Volumique. Il y a des personnes qui m’aident ponctuellement, mais tu ne peux pas y consacrer une journée par semaine. Pour la créativité, j’aurais besoin de me focaliser dessus plusieurs mois à temps plein. Je fais beaucoup de trucs simultanément. Avec l’expérience, je gère mieux, pourtant, tout de même, tu obtiens de meilleurs résultats en te concentrant sur un sujet.

Ce n’est pas évident, il y a la contrainte qu’il faut quand même gagner de l’argent. Les spirogamis sont rentables. Pourtant, pour pouvoir embaucher une personne à temps complet dans mon atelier, qui ne s’occupe que de ça, il faudrait que ça devienne très rentable. Ça implique de gravir une marche. Ça serait cool d’avoir une ou deux personnes à temps complet là-dessus.

Sa vision des intelligences artificielles

Laurent : On a commencé à évoquer les intelligences artificielles, même si elles ne sont pas réellement « intelligentes ». Tu travailles sur le sujet depuis pas mal d’années, avant que ça devienne « tendance ». Comment les intègres-tu dans ton travail ? Les perçois-tu comme des outils, des menaces, des opportunités ?

Étienne : Ça m’intéresse depuis un petit moment. Avant Midjourney, des amis m’ont encouragé à regarder un peu ce qui se passait de ce côté-là. J’ai testé Disco Diffusion, et d’autres trucs un peu lourds, qui mettaient une heure pour livrer une image. J’étais très dubitatif et critique, pas tant d’un point de vue éthique, je trouvais simplement les images générées pas intéressantes.

Ensuite, un ancien étudiant a réussi à me mettre sur Midjourney, parmi les 100 premiers utilisateurs d’une version pré-alpha. Là, j’ai vraiment constaté un gap : ce n’était plus un gadget ou un projet de geek, d’ingénieur ou de mathématicien qui essaie de développer un truc. Pourtant, il y a trois ans, les images étaient encore très marquées, la différence avec aujourd’hui est incroyable. Ça m’a grandement intéressé, je me suis rapidement dit que quelque chose était en train de se passer.

Les scientifiques ne sont pas étonnés, ils nous avaient prévenus depuis longtemps. Mais, là, ces outils atteignent le grand public. Il n’est pas question d’avoir peur ou pas de cette arrivée massive, mais plutôt de rester critique, et de se demander ce qu’on en fait. On ne peut pas lutter contre le courant de l’eau, donc il faut apprendre à nager pour ne pas se faire emporter.

Cette année, j’anime de nombreux workshops avec des étudiants, j’ai accepté plein de choses dans les écoles. Il faut que ces jeunes parviennent à le maîtriser sans se laisser déborder. Sinon, ils n’ont plus de métier ! 80 % des illustrateurs vont perdre leur boulot. Il faut donc comprendre comment l’utiliser d’une manière pragmatique et intelligente, en le considérant non pas comme supérieur à nous, mais comme un assistant au même niveau, avec des compétences très spécifiques.

Collaborer avec les IA

Étienne : La très bonne IA de Microsoft s’appelle Copilot, et c’est exactement le bon mot. Tu as un co-designer avec toi, pas un designer. C’est toujours toi qui choisis, avec ton expérience, ton intelligence. Lui ne fait que proposer. À toi de le briefer correctement.

Par exemple, en tant que directeur artistique, si je travaille avec un illustrateur et que le résultat ne me convient pas, c’est ma faute. C’est parce que je me suis mal exprimé. En tant que designer, si la réponse ne correspond pas à ce qu’attend le client, ça peut être un problème de brief. Parfois, on passe plus de temps à définir le cahier des charges.

Une fois qu’il est bien structuré et cohérent, le travail de designer, d’illustrateur ou même de musicien… est d’autant plus rapide, pertinent et intéressant. C’est quand on est sûr d’être sur les bons rails qu’on peut proposer des nouvelles choses. Pour les IA, c’est un peu la même chose, sauf que ça touche tous les domaines.

Des métiers en mutation

Étienne : J’ai vécu l’arrivée de la PAO : quand je suis rentré aux Arts déco, il n’y avait pas un seul ordinateur dans les agences. Lorsque j’en suis sorti, en 91, toutes étaient équipées pour faire de la PAO.

En deux ou trois ans, des métiers ont disparu. Les imprimeurs ont dû changer leurs machines. Ça représentait des millions de francs, à l’époque, pour transformer toute la chaîne graphique. D’autres métiers sont apparus : il y avait très peu de typographes et de graphistes à l’époque, tandis qu’aujourd’hui, tout le monde est graphiste. L’arrivée de l’informatique n’a pas tué le métier de designer ou de graphiste, il n’y en a jamais eu autant.

Nos métiers vont probablement changer radicalement, avec l’IA. On va plutôt devenir des directeurs artistiques et des curateurs. Ma pertinence, face à ce que va proposer l’IA, c’est de choisir. Je dois aussi parvenir à communiquer avec elle de manière cohérente pour obtenir des résultats satisfaisants et originaux.

L’IA, c’est une machine basée sur la statistique, qui va, en gros, te donner de l’eau tiède, un truc moyen. Ça te propose des images extrêmement flatteuses, très vite, et au premier coup d’œil.

C’est pareil pour le texte. L’IA va super bien te synthétiser dix textes scientifiques sur la fusion nucléaire, de manière très propre, très bien écrite. Si tu es journaliste, ça ne te remplace pas pour autant : toi, tu peux avoir un point de vue sur le sujet, tu peux enquêter. L’IA te donne même davantage de temps pour cela puisque agréger, collecter et synthétiser de l’information, elle le fait très bien !

La sélection des sources est aussi un sujet important. Tu peux entraîner des intelligences artificielles sur ton propre corpus. J’entraîne une IA sur mon visage parce qu’elle ne connaît pas « Étienne Mineur », elle connaît « Tom Cruise ».

Image générée par une IA représentant Étienne avec des cheveux longs. L’IA a été entraînée avec un stock de photos d’Étienne.
Source : Instagram

Je l’entraîne aussi sur certains types de dessins que j’ai faits. Une fois entraînée, c’est presque comme si tu dialoguais avec ton propre travail. Au moins, tu contrôles et tu sais pourquoi, quand tu lui demandes un nuage, il ressemble à un nuage un peu effilé : c’est parce que tu lui as donné à manger plein de nuages effilés, et c’était justement ce que tu voulais.

L’IA est capable de te faire des milliards de propositions. Dans certains domaines, cela va considérablement accélérer le travail, notamment en amont : le storyboard, le concept art, les premières planches de style… Par exemple, je ne vais plus sur Pinterest. Même si c’est une super plateforme : quand tu sais où tu vas, ça te donne des idées, ça t’ouvre… Il ne s’agit pas de copier, mais de voir une approche intéressante sur une même problématique, pour en dériver ensuite. C’est la même logique avec les IA, sachant que Midjourney a aspiré tout Pinterest 🙂

C’est la couche supérieure qui est intéressante, quand tu vas affiner tes générations d’images. Là, tu reprends le pouvoir.

Laurent : Mais tout ce travail de storyboard, ce n’est pas une partie intéressante, dans ton travail ?

Étienne : Oui, mais ça l’accélère.

Je travaille toujours à la main, je réfléchis en dessinant ou en écrivant. Souvent, j’avais mon téléphone à côté, je regardais Pinterest, ou des trucs comme ça. En revanche, je me force à être sur papier. Parce que si tu commences sur écran, tu te fais plutôt guider. Pourtant, il faut parfois savoir lâcher : sur certaines choses, l’IA est meilleure que moi.

Sur Chamonix 2080, un jeu de rôle prospectif, on demande à l’IA de se baser sur le travail des scientifiques et d’aller plus loin et de générer des images des mutations, de ce à quoi ça pourrait ressembler. Nous sommes allés très loin dans le délire, en revanche, avec l’auteur, nous avons ensuite recentré sur notre propos.

Exemple de visuel généré par une IA dans le cadre du projet Chamonix 2080.
Source : Instagram.

Ce qui est cool, c’est quand un « accident heureux » sort de l’IA, un truc totalement improbable. Après, soyons assez malin pour savoir si c’est pertinent, et retravailler la piste. L’IA est incapable de te fournir une image ou un texte nickel, en revanche, elle peut te sortir des premiers jets très rapidement.

Ce que j’aime bien, aussi, c’est qu’elle te permet de te tromper très vite. C’est très kitsch, mais ça m’a beaucoup amusé : j’ai fait des polices de caractères à base de crème chantilly 🙂 C’est quelque chose que je voulais faire depuis longtemps, avec de l’eau, de la crème fouettée, des matériaux comme ça. Mais c’est trop long, tu ne le feras jamais ! Là, très vite, en vingt minutes, sur mon téléphone, à zoner sur le canapé, j’ai fait ça. D’un coup, dans les 50 ou 100 images que me proposait l’IA, j’ai identifié deux ou trois formes intéressantes.

En revanche, la question de l’énergie m’inquiète : si tu utilises des IA simplement pour faire un croquis que tu pouvais faire à la main, c’est peut-être gaspiller l’électricité… J’ai une belle bibliothèque, dans mon atelier, ce n’est pas la peine d’aller sur un moteur de recherche pour une référence graphique, de faire tourner des serveurs, alors que le bouquin est en bas à gauche.

IA et liberté de créer

Laurent : Tu as partagé sur LinkedIn une petite vidéo sur l’IA de Photoshop qui censure certains mots. Ça implique d’être créatif sur le prompt ?

Étienne : Oui, donc tu utilises des métaphores 🙂

Il faut savoir que la version bêta de Photoshop, actuellement, envoie vos images aux États-Unis, sur des serveurs, pour que des robots les analysent. Dès qu’une image présente un plissé avec un petit dégradé, le robot l’interprète comme une raie des fesses ou un décolleté 🙂 C’est problématique, car tu as le droit de faire des images érotiques…

Laurent : Tant qu’on est dans le cadre de la légalité !

Étienne : Oui !

C’est un empiètement sur la liberté de créer. En Europe, il me semble que nous y tenons plus « viscéralement » qu’en Amérique du Nord.

Sur Midjourney, ils craignent tellement que tu fasses des images pornographiques qu’ils censurent énormément de mots. En français, par exemple, le mot « derrière » est censuré, donc un prompt comportant « derrière la porte » est censuré. Le mot « transparent » l’est aussi : par jeu, des utilisateurs ont demandé « des gens avec des costumes transparents » pour obtenir des gens nus ! Nous sommes habitués à jouer avec les algorithmes.

Vers des IA en local ?

Étienne : En revanche, j’ai travaillé pour une grosse société dont les principaux concurrents sont nord-américains. Les designers, les rédacteurs, les développeurs ont ordre de ne pas utiliser ces outils, sans quoi, d’un coup, ton code, tes images, tes premiers essais partent sur le territoire nord-américain. On ignore ce qu’ils s’en font. Comme nous ne sommes pas des citoyens américains, la loi américaine autorise les organismes américains à regarder ce que tu fais, donc c’est très problématique.

Je pense qu’à terme, ce qui va se développer, c’est des IA que tu vas installer sur tes propres machines, en local. Ce sera très précieux.

Sur mon ordinateur, depuis 20 ans, j’ai un petit dossier « images bien » 🙂 Quand je vois une image qui m’intéresse, je la glisse là-dedans. Je rouvre ce dossier de temps en temps, et je redécouvre des trucs. Parfois, je me demande « Pourquoi j’ai pris ça ? Qu’est-ce que c’est que ce truc ? » Ça serait intéressant d’entraîner une petite IA sur ces images qui, visiblement, m’ont touché un jour, d’une manière ou d’une autre.

Trouver les bons usages

Plus je travaille avec des IA, plus je suis de nouveau amené à manier le papier. Par exemple, pour la pochette de disque que je suis en train de faire, j’ai beaucoup utilisé d’IA. Pourtant, j’ai tout rephotocopié, tout redécoupé à la main, collé avec du scotch, de la colle… Il faut réussir à se sortir de cette esthétique des IA, c’est un gros travail, c’est le challenge pour les designers d’aujourd’hui.

J’espère qu’on va trouver de bons usages à cette technologie. C’est un gros traumatisme pour tout le monde, on se sent dépassé. Moi le premier, je pensais que les professions artistiques, intellectuelles, n’allaient jamais pouvoir être automatisée. Un de mes étudiants, en découvrant les IA, était super en colère : « Mais, mes parents m’ont dit qu’avec une profession artistique, j’aurais toujours du travail ! »

Laurent : C’est vrai, il en aura toujours, mais différemment de ce qu’il avait pensé.

Étienne : Exactement. C’est ce que je lui ai dit : tu as de l’avenir, en revanche il va falloir apprendre à contrôler ça.

Les trois questions de la fin

Laurent : On arrive à la fin de l’épisode, et j’ai trois petites questions pour conclure.

Son conseil concernant la créativité

Laurent : Quel conseil donnerais-tu au jeune Étienne, étudiant, par rapport à la créativité ?

Étienne : « N’aie pas peur, vas-y ! » Je me suis bloqué et je ne me suis pas senti légitime de faire une multitude de trucs. Par exemple, le pliage en papier. Pourtant, moi aussi, je peux essayer.

Quand tu connais trop un domaine, tu as trop conscience du travail nécessaire pour parvenir au résultat, et donc tu ne fais pas. Je connais notamment bien l’Histoire de la typo, et je te jure que jamais, je ne ferai une police de caractères ! Je sais trop le niveau d’exigence que je me fixerai, la longueur du travail…

Alors, n’aie pas peur, si tu veux imaginer de nouveaux rétroviseurs, vas-y ! 🙂

Son mot préféré de la langue française

Laurent : Quel est ton mot préféré de la langue française ?

Étienne : Il y a beaucoup de mots très beaux dans la langue française, mais je choisis plutôt une expression, une manière de réfléchir : « et si ? »

Ça ne signifie pas délirer, mais plutôt ne pas s’empêcher, toujours remettre en question, ouvrir le champ des potentiels. Les scénaristes, les auteurs, et d’autres professions y recourent. Ça aussi, les IA le font très bien.

Je sais que Marvel l’utilise pour leur multivers. Même si je n’apprécie pas trop cet univers, c’est ultra-fort au niveau créatif, le « et si ? »

Son coup de cœur créatif

Laurent : Quel créateur ou créatrice, dans ton domaine ou non, aimes-tu et souhaites-tu mettre en avant ?

Étienne : Je voudrais parler de Corita Kent, une designer graphiste américaine incroyable des années 60-70. Elle a travaillé à la typographie, la sérigraphie, avec un côté vraiment artisanal. Elle militait notamment pour les droits civiques, et j’ai découvert récemment qu’elle était religieuse !

Habillée en religieuse, elle enseignait dans des écoles d’art à San Francisco puis à Boston. Elle imposait, pour la créativité, des sortes de lois : ne jamais dire non, ne jamais dire que c’est impossible…

En 68-69, militer pour les droits de l’homme aux États-Unis, ça ne rigolait pas. Son graphisme était extrêmement contemporain, assez proche du pop art, avec de grandes typographies, et un usage de l’iconographie populaire. Elle remixait tout ça avec des slogans politiques. Je trouve son travail extraordinaire, très percutant. Elle est arrivée à lier son militantisme et une pratique artistique pertinente et originale.

Même 60 ans plus tard, son travail n’a pas vieilli. C’est presque intemporel, tu pourrais le voir dans la rue aujourd’hui, et tu trouverais ça bien. De nombreux illustrateurs ou graphistes s’intéressent toujours à elle. C’est vraiment une créatrice que je vous invite à découvrir.

Laurent : Je ne la connaissais pas, je vais regarder !

Étienne : Elle a dû quitter sa paroisse, ou un truc comme ça, parce que visiblement, ça causait des remous en interne 🙂

Conclusion

Laurent : Pour conclure, où peut-on te retrouver ?

Étienne : Je suis partout sauf sur TikTok, je suis trop vieux 🙂

Comme tout le monde, je vais un peu moins sur Twitter. Je suis aussi sur Instagram et sur Facebook, qui me fait rire 🙂

Il n’y a pas longtemps, j’ai découvert LinkedIn, le réseau un peu bizarre des startupers et compagnie 🙂 Comme sur tous les réseaux, il faut bien faire le tri.

J’aime beaucoup les réseaux sociaux : à part deux ou trois trolls et quelques discussions un peu enflammées, j’y apprends beaucoup de choses, j’y noue de nombreux contacts. Par exemple, j’ai rencontré plein de gens grâce à LinkedIn, en montrant ce que je faisais : des prestataires, des personnes travaillant dans mon domaine qui partagent de bonnes références… Loin du monde de celles et ceux qui te vendent des formations 🙂

Laurent : Très bullshit !

Étienne : Oui, du bullshit marketing récursif : ils se les vendent entre eux !

Mais, si tu t’éloignes de tout ça, très vite, l’algorithme comprend et tu vas suivre des gens passionnants. Honnêtement, LinkedIn, c’est actuellement le réseau le plus intéressant, le plus pertinent sur les intelligences artificielles, par exemple…

J’apprécie aussi de pouvoir consulter le CV des gens, contrairement à un pseudo Twitter, « Toto 24 » 🙂 Bien sûr, tu peux être autodidacte, mais quand tu vois une personne affirmer quelque chose sur les IA, et que cette personne a un PHD en mathématiques, elle sait de quoi elle parle a priori.

Laurent : Elle est plus crédible que la personne qui a découvert le sujet il y a une semaine et qui se prétend experte…

Étienne : Et qui était sur les NFT ou le métavers le mois dernier 🙂

Ça rationnalise les discussions, et chacun apporte une information. Je parle pas mal des IA, mais en tant que designer : mon approche, ce que j’ai pu expérimenter dans des workshops et en collaborant avec d’autres designers. Je ne vais jamais parler d’algorithme.  En revanche, des experts peuvent s’exprimer pour expliquer les biais algorithmiques, par exemple.

Laurent : Merci beaucoup Étienne !

Étienne : De rien, et bon montage 🙂

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