17. Démocratiser la créativité, avec Carole Dubois
Ceci est la transcription textuelle de l’épisode n° 17 du podcast « Réserve Créative » disponible sur votre plateforme d’écoute préférée.
Épisode enregistré le 20/10/2023 et diffusé le 09/11/2023.
Introduction
— Laurent : Parce qu’on est toutes et tous créatifs à notre façon, Réserve Créative questionne la notion de créativité et explore la diversité créative.
Hello, je suis Laurent, et ce podcast est ma quête pour comprendre ce qu’est la créativité.
Aujourd’hui, je t’emmène à la découverte de Carole, une personne pétillante et passionnée qui a la créativité dans le sang. Après 10 ans à prendre soin des autres comme psychologue du travail, elle s’est lancé le défi de démocratiser la créativité.
Pour cela, elle a créé Hello Kit, un service de box « Do It Yourself » livré directement chez toi ou à ton travail.
Dans cet épisode, on aborde différents sujets comme sa vision de la créativité, son besoin de se ménager une bulle créative, l’importance de son logement sur sa créativité, ou encore comment prendre le temps peut te permettre de développer ta créativité.
Sur ce, je te souhaite une excellente écoute !
Les partenaires
Présentation de Carole
— Laurent : Salut Carole, et bienvenue sur le podcast ! Comment se porte ta créativité en ce moment ?
— Carole : Elle n’a jamais été autant en ébullition qu’actuellement. Elle pétille, elle est joyeuse, elle se porte bien 🙂
— Laurent : Au moment où nous enregistrons cet épisode, nous sommes au début de l’automne. Je crois savoir que c’est une période que tu apprécies. Comment tu la vis, au niveau de la créativité ?
— Carole : L’automne, c’est un peu un retour au calme. On est beaucoup sortis pendant l’été, on a fait des apéros, on est allés en vacances, puis il y a eu la rentrée… Là, tout doucement, un peu comme la nature, on va commencer à hiberner, à rentrer à la maison. Les journées raccourcissent, on va allumer les petites bougies, c’est la période où je me remets à tricoter… J’ai un tempérament assez calme, j’aime bien être chez moi. Donc oui, j’apprécie beaucoup l’automne 🙂
— Laurent : C’est pour ça que je te posais la question. Tu aimes être chez toi, et ton intérieur est très important pour toi, il t’aide aussi à être créative ?
— Carole : Il me permet de me ressourcer. Avant, je voyais ça comme de la flemme. Je me disais : « Mets-toi un petit coup de pied aux fesses, il faut sortir ! » Mais en fait, c’est mon caractère : j’ai toujours adoré être chez moi.
Quand j’étais toute petite, lorsque je devais aller à la crèche, je disais à ma mère « Mais non ! S’il te plaît, laisse-moi à la maison ! Je ne vais pas te déranger. Si tu me donnes deux petites boîtes de conserve, je vais m’amuser comme pas possible ! » 🙂
J’apprécie tout de même aussi sortir et voir des gens.
— Laurent : Avant de rentrer dans le détail de ton rapport à la créativité, j’aimerais qu’on aborde ton parcours. Qu’est-ce que tu réponds quand on te demande ce que tu fais dans la vie ?
— Carole : Je pense que mon premier métier m’a beaucoup définie. Je dis toujours que j’ai été psychologue du travail pendant dix ans, puis que j’ai décidé de créer ma marque il y a quelques années.
Aujourd’hui, je conçois des kits de Do It Yourself pour que les personnes puissent découvrir leur créativité.
C’est amusant, on me dit souvent que j’ai complètement changé de voie. Pourtant, je n’ai pas réellement l’impression que le sens de mon métier ait foncièrement changé.
— Laurent : Quel lien fais-tu entre les deux ?
— Carole : J’ai toujours l’impression de prendre soin des personnes, mais différemment. Quand j’étais psychologue du travail, cela passait par l’écoute, un échange direct.
Aujourd’hui, je le fais à distance. Mais imaginer des kits pour que les personnes prennent du temps pour elles, ralentissent, testent des nouveautés, se découvrent, développent des compétences, c’est relié, selon moi. Ma mission va dans le même sens 🙂
— Laurent : Quand tu étais psychologue, tu étais davantage dans une écoute « passive », tandis qu’aujourd’hui, tu es dans une posture plus « active », pour prendre soin des gens ?
— Carole : C’est vrai, même si je ne l’avais pas vu sous cet angle. Mon écoute n’est pas quelque chose de palpable, alors qu’aujourd’hui, mon travail se matérialise.
J’ai pu me sentir plus active dans ma première vie professionnelle : j’allais dans un bureau, au sein d’une entreprise, je partais en déplacement, j’étais sans cesse dans l’interaction avec des personnes. Aujourd’hui, je travaille chez moi, au calme, sans contacts directs… Mes activités sont plutôt manuelles, pourtant, j’ai la sensation d’un rythme ralenti. Sans être dans la passivité, c’est plus calme.
— Laurent : Le contact avec d’autres personnes ne te manque pas ?
— Carole : Dans un premier temps, non. J’avais atteint un certain épuisement. Je suis une personne très sensible, et ça me coûtait beaucoup d’écouter, c’était intense. Les enjeux étaient importants, on parle de risques psychosociaux, de stress, de burn-out, de harcèlement…
J’absorbais tout ça comme une éponge. Je passais mes journées à prendre soin des autres, et j’ai fini par avoir l’impression de n’être plus du tout au cœur de ma vie. Je ne m’accordais que des miettes de « temps pour moi », c’était complètement déséquilibré.
Durant mes deux premières années à travailler seule, je n’ai donc pas ressenti de manque. Il faut dire que je n’ai jamais entièrement coupé le contact, puisque j’ai tenu à proposer des ateliers pour rencontrer des personnes autour de l’univers créatif. J’ai commencé par les enfants, et aujourd’hui, je m’adresse également aux adultes. Ça se passe bien, c’est agréable… tout est une question de dose !
Sa définition de la créativité
— Laurent : Comment tu définis la créativité ?
— Carole : La créativité fait appel à des capacités cognitives. C’est mon jargon de psychologue qui revient 🙂
Imaginer de nouvelles idées, associer des concepts, cela nécessite une forme de curiosité, de souplesse, d’ouverture d’esprit. Cela permet d’aboutir à des solutions innovantes, et pas forcément dans l’univers artistique.
— Laurent : C’est effectivement le parti pris de ce podcast. Si c’est une disposition cognitive, cela signifie-t-il que des personnes ayant des problèmes sur le plan cognitif ne peuvent pas être créatives ?
— Carole : Je ne dirais pas ça. Nous faisons tous, toujours, des associations qui nous sont propres, entre ce que l’on peut voir, sentir…
Face à un handicap, par exemple, d’autres facultés se développent. La créativité est un circuit complexe. Il empruntera sans doute un autre chemin, celui d’une créativité plus manuelle, plus olfactive, et peut-être pas celui du raisonnement mathématique.
— Laurent : En effet, la créativité n’est pas située dans une zone du cerveau qui, si elle est atteinte, empêche d’être créatif. Il n’existe pas un interrupteur spécifique, ça se saurait 🙂
Son environnement créatif
— Laurent : Tu as grandi dans un univers assez créatif. Enfant, quel était ton rapport à la créativité ?
— Carole : J’étais complètement plongée dedans, j’ignorais qu’il existait un autre univers. Quand on est enfant, on pense que le monde tel qu’on le connaît est universel.
Je ne le savais pas, mais ma maison était « bizarre », avec plein d’objets un peu partout, comme un fauteuil de coiffeur dans ma cuisine, mais ça ne me choquait pas du tout 🙂
Tout le monde « bricolait ». Mon père sortait des petits clous, des du bois, nous fabriquions des lampes, et c’était « après-midi bricolage » tous ensemble 🙂 Tout était créativité : nous allions au musée, voir des vernissages…
Chaque famille possède un « langage inconscient ». Dans ma famille, lorsque nous entrions dans une pièce, nous cherchions l’harmonie : nous regardions comment les choses étaient faites, les couleurs utilisées, si nous nous y sentions bien… Et tout ça sans parler, finalement.
— Laurent : Tes parents exerçaient-ils un métier « créatif » ?
— Carole : Oui, dans la décoration.
— Laurent : Et tes frères et sœurs ?
— Carole : Oui, j’ai une grande sœur. C’est amusant, car elle a toujours été la plus scientifique, logique, matheuse. Elle nous bat aux jeux de société 🙂
Aujourd’hui, elle est professeure des écoles. Si des professeurs nous écoutent, ils savent combien la créativité est importante dans l’apprentissage.
Parfois, on caricature les personnes scientifiques comme peu créatives, car on a tendance à penser que la créativité est forcément liée à l’émotionnel. Pourtant, elle aussi a toujours bricolé, décoré. Ça coule dans ses veines 🙂
— Laurent : Effectivement, les personnes scientifiques ne sont pas forcément considérées comme créatives. Pourtant, elles font preuve de créativité, peut-être plus « fonctionnelle » qu’artistique…
— Carole : Combiner des chiffres ou des concepts demande forcément de sortir d’un schéma traditionnel. La science est, par nature, créative. Elle est née de la créativité.
— Laurent : Par exemple, les mathématiques se nourrissent beaucoup de l’observation de la nature. Cela nécessite de faire constamment des pas de côté pour trouver de nouvelles formules, pour imaginer leurs applications…
Dirais-tu qu’il y a une part de génétique dans la créativité ou que c’est seulement une question de contexte ?
— Carole : J’imagine qu’il y a une part de génétique : nous sommes tous constitués différemment, nos cerveaux sont tous un peu différents. Globalement, les cerveaux humains se ressemblent. Mais c’est comme les plantes : deux orchidées se ressemblent sans être identiques. J’imagine donc que l’endroit où se loge la créativité n’est pas le même d’une personne à l’autre.
Ensuite, ce qui est sûr, c’est que le contexte va développer ou au contraire freiner notre créativité.
Créativité et psychologie
— Laurent : Dans ton parcours, as-tu été forcée d’étouffer ta créativité ?
— Carole : La créativité se trouve un peu partout.
J’ai toujours aimé la philosophie : réfléchir à des idées, des concepts, c’est sans fin. C’est ce que j’ai apprécié dans mes études de psycho : la curiosité de découvrir l’autre.
Quand vous rencontrez un psychologue, il part du principe qu’il ne sait rien, qu’il ne vous connaît pas, et que c’est vous qui vous connaissez. C’est grâce à ses questions qu’il va faire émerger vos réponses, votre cheminement. Mais lui n’a pas une posture haute. Je trouve donc que le métier de psychologue est également très créatif.
Mais l’aspect artistique me manquait, cette part d’étincelles, celle de mon enfance. Donc, je m’éclatais à faire des PowerPoint, mais ce n’était pas mon travail à longueur de journée 🙂
— Laurent : Et le résultat de ton travail, si tu le constates chez les personnes que tu accompagnes, est tout de même impalpable, immatériel.
— Carole : Je suis très à l’aise dans l’univers des idées, et il m’arrive de me sentir bloquée dans un univers réaliste, trop matériel.
Mais ce que j’aime dans le fait de travailler avec mes mains, c’est que ma tête se met en stand-by. Sinon, je suis tout le temps en train de réfléchir. Quand tout va bien, c’est super, mais lorsque quelque chose me tracasse, je tombe facilement dans la rumination.
Heureusement, j’en ai conscience, donc quand je le constate, je m’arrête. Parfois, c’est vraiment dur : il faut sans cesse le repérer, s’arrêter. Et tant que je n’ai pas trouvé la solution, je ne m’arrête pas de réfléchir. Je suis très connectée à mon intuition, ce qui est génial et casse-pieds à la fois 🙂
— Laurent : Je te comprends 🙂
La place de la contrainte dans sa créativité
— Laurent : Es-tu plutôt du genre à partir d’une feuille blanche et à créer quelque chose de A à Z, ou à partir de choses existantes que détourne ?
— Carole : J’adore les pages blanches, lorsque tout est à construire, à organiser, à créer. Une fois que la routine s’installe, ça me plaît moins.
La page n’est jamais complètement blanche, car on va chercher l’inspiration, on va se promener, voir la nature, on va discuter… et quelque chose va émerger. C’est une combinaison des deux.
— Laurent : En effet, on a quand même au moins un objectif. On veut dessiner, ou on veut coudre. Déjà, on va sortir du matériel… Ensuite, on peut laisser son esprit vagabonder
Je te pose la question en pensant à Étienne, un designer qui a trente ans d’expérience, que j’ai interrogé dans l’épisode 15 : il expliquait avoir besoin de contrainte, d’un brief assez précis, d’un cadre assez strict pour pouvoir s’épanouir. J’ai l’impression que tu as besoin d’un cadre plus « large ».
— Carole : Je suis très organisée, « bonne élève », mais je tiens beaucoup à ma liberté, à mon sens critique. Je suis une bonne élève jusqu’à ce qu’on m’embête. Là, je deviens très rebelle 🙂
Je n’ai pas besoin qu’on m’impose le cadre, je le fais naturellement. Je le comprends si on m’en explique le sens. En revanche, si on ne peut pas m’expliquer l’existence de tel cadre, je suis incapable de le respecter, d’être disciplinée.
— Laurent : Ça me parle 🙂
Prendre soin des autres (et de soi) par la créativité
— Laurent : Comment la créativité permet de prendre soin de soi ?
— Carole : Avant tout, pour que la créativité puisse émerger, il faut lui faire de la place. Sans un minimum de vide, il va s’avérer compliqué de développer sa créativité. Nous vivons dans une société où tout va très vite, où nous sommes très sollicités. Si nous n’y prenons pas garde, nous sommes tout le temps en action, en mouvement. Chacun a son tempérament, mais moi, je sais que j’ai un besoin vital de ralentir, de m’isoler, de faire du vide. Quand il y a trop de bruit, trop de choses autour de moi, je me sens comme une cocotte-minute prête à exploser. C’est là que ma créativité émerge.
Je pense que l’humain a vraiment horreur du vide, donc nous trouvons un moyen de le combler. C’est à cela que nous sert la créativité.
Un enfant qui s’ennuie va trouver une solution pour ne pas s’ennuyer. Bien sûr que mes enfants regardent la télé, mais je constate, quand ils la regardent trop, qu’ils ne sont plus du tout créatifs. Alors que quand nous limitons la télé, ils font des trucs super, ils inventent de nouveaux déguisements, font des perles, des coloriages…
Et puis, la créativité est comme un muscle : si on l’entretient, ça va être de plus en plus évident. Pour cela, il est important de faire preuve de curiosité, d’échanger avec des personnes différentes, de se rendre dans des environnements différents, de tenter des expériences différentes.
Ma famille se moque gentiment de moi, car je change sans cesse les meubles de place, chez moi. J’aime le changement, la nouveauté. En entreprise, j’étais la première à être enthousiaste lorsqu’il y avait des changements : ça casse la routine, on apprend de nouvelles choses, c’est stimulant. Parce que ça casse la monotonie.
— Laurent : Ce n’est pas commun, car l’être humain fait généralement preuve de résistance face au changement ! 🙂
J’ai remarqué que, sur les réseaux, tu évoques souvent ton besoin de te retrouver dans une « bulle créative ». À quoi ressemble-t-elle ?
— Carole : Elle se trouve chez moi 🙂 J’adore ma maison, et chaque objet qui s’y trouve a une petite histoire : les meubles de mon grand-père, le bureau dessiné par mon père, tous les kits d’Hello Kit, les dessins de mes enfants, une photo de mon chéri…
On y entend de la musique assez douce, comme type Norah Jones ou Patrice. J’aime allumer une bougie.
J’y suis plutôt seule. Je passe beaucoup de temps avec ma famille, mes enfants, quelques amis choisis, mais j’apprécie créer en solitaire. Je suis très bien avec moi-même : heureusement, car c’est avec soi qu’on passe le plus de temps, autant s’apprécier 🙂 Ce n’est pas narcissique de bien s’aimer, de s’apprécier en tant que personne.
C’est typiquement le dimanche, c’est un moment que j’aime : les enfants font la sieste, je sors mon tricot ou des kits que j’ai dans mon placard « parce qu’on ne sait jamais ». Ce sont mes « kits SOS », on peut toujours en dégainer un 🙂
Ma bulle créative est un moment doux, calme, un peu suspendu et hors du temps.
— Laurent : Parviens-tu à recréer cette bulle quand tu es en vacances ou hors de chez toi ?
— Carole : En vacances, je procède autrement : je lis, je tente beaucoup d’expériences, je fais des choses que je n’ai pas l’habitude de faire. Par exemple, à la montagne, j’ai fait une promenade en poney avec les enfants, nous avons fait de l’accrobranche, des randonnées… Je m’ouvre à ce qui se présente, et je pense que c’est une autre forme de créativité.
Hello Kit, la box qui démocratise la créativité
— Laurent : Peux-tu expliquer en quoi consiste concrètement Hello Kit, le service que tu as lancé il y a quelques années ?
— Carole : C’est une box de DIY : chaque mois, je prépare des kits surprises. Les personnes qui les reçoivent dans leur boîte aux lettres ou en point relais ne savent pas à l’avance ce que je leur ai concocté. Je leur fais découvrir les dernières tendances des loisirs créatifs : la broderie, l’argile, l’art végétal…
À l’intérieur, les abonnés découvrent le projet et toutes les fournitures essentielles pour le réaliser. En plus, ils auront simplement besoin de petites choses qu’ils ont déjà à la maison, comme une paire de ciseaux. Le kit s’accompagne d’un tuto explicatif. Il peut être au format papier ou en vidéo. Par exemple, si le kit propose de réaliser de l’origami, c’est plus facile 🙂
Je prends la personne par la main, je lui explique comment réaliser une technique qu’elle ne connaît pas. Je lui donne les conseils que j’aurais aimé recevoir, ou ceux issus des erreurs que j’ai pu faire.
Une expérience réussie ne réside pas tant dans le fait que tous les objets réalisés soient parfaits, car l’imperfection est aussi très belle, mais dans le fait de se retrouver en situation de changement.
L’enjeu n’est pas énorme : ce n’est vraiment pas grave si tu as raté ta peinture 🙂 Mais, chaque mois, tu te challenges, tu te découvres, tu stimules ta créativité et développe ta curiosité. Et puis, si ça se trouve, tu vas découvrir une passion à laquelle tu n’aurais pas forcément pensé.
Ça serait une belle victoire serait qu’après un moment, les personnes n’aient plus besoin d’Hello Kit, qu’elles développent leur créativité par elles-mêmes, se découvrent une passion, prennent leur envol.
— Laurent : Le nom fait référence à Hello Kitty ?
— Carole : Ah non, rien à voir 🙂
« Hello », c’est pour dire : « Toc toc ! Un kit est arrivé ! », et ça évoque le « bonjour », quelque chose de solaire. Quant au « Kit », il parle tout de suite de l’idée de box.
Et puis, c’est tout bête, mais il fallait que le nom de domaine pour le site soit disponible !
C’est le genre de petites choses auxquelles je n’avais pas pensé. Heureusement, j’ai été accompagnée au démarrage, sur certains sujets très techniques. Car j’étais très créative, j’avais plein de beaux noms, mais sans nom de domaine disponible, se lancer aurait été compliqué !
— Laurent : Pourquoi une box mensuelle plutôt que des ateliers, par exemple ?
— Carole : D’abord, parce que j’avais envie de prendre soin des personnes, mais avec davantage de distance. En atelier, je risquais de retomber dans ce qui m’essoufflait, et je n’avais plus envie de le faire de cette manière.
Ensuite, je trouve qu’une box, c’est facile à mettre en place. Tu t’abonnes, tu es livré chez toi, tu as tout le nécessaire, tu peux le sortir quand tu le souhaites. C’est une solution assez souple. Si on souhaite partager, on peut acheter plusieurs kits sur l’e-shop. Ou le faire en solitaire, avec son kit, rien que pour soi.
— Laurent : Avec Hello Kit, tu t’es donné pour mission de « rendre accessible et développer la créativité ». Tu as éclairci ce que tu entendais par « développer ». Qu’en est-il de l’aspect « accessible » ? Tu considères que la créativité ne l’est pas suffisamment ?
— Carole : Je pense que nous avons tous des freins individuels. Parfois, on se définit soi-même comme peu ou pas créatif, parce qu’on aimerait bien, mais qu’on ne s’en sent pas capable… Tant qu’on n’a pas essayé, tant qu’on n’a pas une solution facilitant l’accès à la créativité, on n’y va peut-être pas. Commander en ligne, recevoir une box chez soi, c’est moins « risqué » qu’un atelier collectif, où on va se regarder, se comparer, se dévaloriser.
Le budget peut constituer un autre frein : si on ne sait pas par où commencer, on risque d’acheter plein de trucs, parfois inutiles, qu’on ne sortira jamais. Je suis passée par là 🙂 Des kits à une trentaine d’euros, ça représente un budget, mais cela reste abordable. Tu sais qu’à l’intérieur de ta box, tu vas tout utiliser. Il n’y a pas de superflu, juste une petite marge. Si tu rates, tu peux quand même réaliser ta production jusqu’au bout 🙂
Je suis toujours à l’écoute de mes abonnés, et je cherche à ce que la créativité soit démocratisée. C’est aussi pour cela que je propose des ateliers en plein centre commercial. Car là, c’est vraiment la place publique, où se trouvent toutes sortes de personnes : des papis, des mamies, des enfants… La dernière fois, je proposais des perles, et tout le monde, pas seulement les enfants, se bousculait autour de la table. C’était génial !
Ces prestations sont payées par le centre commercial, c’est encore plus démocratisé. Comme c’est gratuit pour les clients, ils sont prêts à essayer ! Ils peuvent repartir avec leur création, même en faire deux. Ils se montrent très enthousiastes 🙂
Même si je finis HS, j’adore ces moments-là !
— Laurent : D’où te vient l’inspiration pour trouver les sujets de tes box, les tendances que tu choisis de mettre en avant ?
— Carole : Comme je te l’ai dit, je suis très organisée, : j’ai donc un « calendrier de la mort qui tue », sur un an, avec toutes mes idées en vrac. J’y compile ce que j’ai déjà fait, ce que j’ai envie de faire.
C’est aussi très lié à la saison : en automne, des créations cocooning comme des bougies, des couronnes de fleurs séchées ; en été, des choses plus rayonnantes, comme un sun catcher, une petite perle en verre qui reflète les rayons du soleil sur les murs… J’essaie de varier.
Comme je suis passionnée, je suis constamment sur Pinterest, ou fourrée dans des magasins créatifs. Je suis les tendances, je les combine, je les adapte, pour proposer le kit de mes rêves, avec tout ce que j’ai vu, tout ce qui m’a plu. Le résultat est forcément original, et c’est le kit que j’aurais aimé m’offrir. C’est purement égoïste 🙂
— Laurent : En même temps, ça profite aussi à d’autres personnes 🙂
Travailles-tu tes box en fonction de tes compétences, de choses que tu sais déjà faire ? Ou bien en profites-tu pour te former à de nouvelles techniques ?
— Carole : Avant de lancer Hello Kit, j’avais déjà appris beaucoup par moi-même. J’ai donc proposé, dans les premiers kits, des techniques que je maîtrisais pour m’assurer un maximum.
Au fond, avec ou sans Hello Kit, j’ai un vrai goût pour me challenger, me stimuler et découvrir, percer le mystère. Je suis donc sans cesse en train de tenter de nouvelles choses. Plus Hello kit se développe, plus j’explore de nouveaux horizons, et plus je propose de nouvelles techniques. Pour mon anniversaire, une amie m’a offert un atelier sur la teinture végétale, j’ai vraiment hâte 🙂 C’est sûr que je vais y glaner plein d’idées pour de nouveaux kits !
Je touche à tellement de choses ! D’ailleurs, on peut transférer certaines compétences : par exemple, je n’ai jamais retapé un fauteuil, mais j’ai déjà fait de la broderie, de la couture, taillé le bois… Plus on en fait, plus il est facile de se lancer dans de nouvelles choses.
On se dit : « Je me suis déjà lancée dans des activités que je ne connaissais pas, et finalement, ça a été une réussite. Allez, pourquoi pas ? »
— Laurent : Quelles sont les contraintes dont tu dois tenir compte ? Parce que j’imagine que tu ne peux pas proposer une box pour retaper un fauteuil 🙂
— Carole : Bien sûr ! Déjà, ça doit rentrer dans une box !
— Laurent : Sont-elles toujours du même format ?
— Carole : Non, j’ai trois types de cartons, et je pense que je vais en intégrer un supplémentaire. J’affine au fur et à mesure.
J’ai aussi la contrainte de la fragilité, du budget, du nombre de produits… Par exemple, une box qui respecte le budget, mais ne contient qu’une fourniture, ça va être déceptif. Ou l’inverse : si elle contient beaucoup de choses, mais reste en dessous du budget, elle n’est pas assez qualitative.
Enfin, je dois tenir compte de ma propre limite : si je ne maîtrise pas, ou si mon prototype ne me convient pas, j’abandonne l’idée. Cela arrive de moins en moins souvent, mais c’est arrivé.
Par exemple, je ne me lance pas dans le tricot : la laine coûte très cher, ma box ne peut pas contenir une seule pelote, et je ne sais pas comment y faire entrer les aiguilles. Je ne suis pas convaincue. Tant que je n’ai pas trouvé la solution, je ne le fais pas. Et puis, j’ai tellement d’autres idées en attente que… ça attend 🙂
— Laurent : Tu fournis vraiment tout le matériel de base. L’idée, c’est que le kit contienne 99 % de ce qu’il nous faut, c’est ça ?
— Carole : Oui, tu l’ouvres et tu peux te lancer. A priori, une paire de ciseaux ou une casserole, tu les as déjà à la maison.
— Laurent : Au-delà du prix et du poids, quels sont les autres critères qui t’importent pour choisir le matériel ?
— Carole : Dans l’idéal, j’aimerais que ce soit le plus « propre », le plus local possible. Je dois aussi garder mon budget en tête. Ma priorité, c’est la qualité. Certaines marques de fournitures qui sont meilleures que d’autres, peut-être plus chères. Je fais des choix : ne pas inclure telle fourniture au profit de telle autre, qui est vraiment celle dont on ne pourrait pas se passer, qui doit être de qualité pour que le projet soit réussi.
Je suis aussi attachée à l’aspect visuel, élégant des objets qu’on doit vouloir garder ou offrir.
— Laurent : Dans tes kits, on retrouve ta pâte et ton univers, ou tu t’efforces de proposer quelque chose de plus neutre, pouvant toucher tout le monde ?
— Carole : Quand je crée un kit, il doit avant tout me plaire à moi. Autrement, je n’y arriverais pas. J’aurais l’impression d’arnaquer, ou d’offrir un cadeau que je n’aime pas moi-même.
Je connais certains abonnés. Donc, je me dis : « Il faut que ce kit aille dans la maison de Mathilde, de ma mère, de ma tante… » OK, ça passe 🙂
Enfin, j’aime les objets assez minimalistes, épurés, naturels. Ce style est généralement assez facile à marier dans la plupart des habitats. Si j’adorais les choses flash, criantes, ça serait déjà un peu plus compliqué 🙂
Mes propositions ont tout de même une réelle identité, on le remarque quand on parcourt le site web, mais c’est une identité dans laquelle chacun peut se retrouver.
Les trois questions de la fin
— Laurent : Notre entretien touche à sa fin, et je te propose de glisser vers les trois questions qui vont le conclure.
Son conseil pour renouer avec sa créativité
— Laurent : Quel serait ton conseil pour une personne en quête de créativité… à part commander tes box ? 🙂
— Carole : Évidemment, c’est le meilleur conseil qu’on puisse donner 🙂
Comme je le disais tout à l’heure, n’hésitez pas à ralentir, à créer des moments, un peu de vide en soi et autour de soi. C’est en ménageant ces moments qu’on peut faire émerger sa créativité. C’est également propice pour se reconnecter à soi, à son intuition.
Tant qu’on n’a pas ce petit rendez-vous avec nous-mêmes, on ne peut pas réellement se demander ce qu’on a envie de faire. Ça peut être un rendez-vous par semaine, par exemple.
Ensuite, je conseillerais de se montrer curieux, de discuter avec des personnes très différentes de soi, de se rendre dans des lieux dont on n’a pas l’habitude, de tenter des expériences.
Sortir de ses habitudes, cela donne des idées, ouvre l’esprit… Alors, on découvrira si on développe plutôt une créativité artistique, mathématique, réaliste… Il y en a plein ! Mais, tant qu’on ne se pose pas, qu’on n’ouvre pas les chakras pour se mettre en mouvement, rien ne peut vraiment se produire.
Enfin, mon dernier conseil serait d’accepter de se dire « Ce n’est pas grave ! » C’est une découverte de soi, ça va se révéler intéressant. C’est un apprentissage et on ne peut pas parler d’échec.
— Laurent : Ça peut être compliqué de prendre du temps et de se poser. Comme tu le disais tout à l’heure, nous avons des vies assez remplies et nous n’aimons pas le vide. Une idée pourrait être de se fixer une intention, même très large, plutôt que de simplement se poser sans savoir que faire. Parce que c’est à ce moment-là qu’on va être tenté d’allumer la télé, de faire autre chose…
— Carole : Oui, ce moment se prépare.
Me concernant, c’est quand je marche que mes idées arrivent. C’est comme un temps de préparation, je ne suis pas en train de ne rien faire, assise dans mon canapé, le regard dans le vague… Ça serait angoissant 🙂
En me baladant, j’entends le bruit des arbres, c’est doux, ça me ralentit, ça ralentit ma pensée. Tout à coup, me vient l’envie de faire quelque chose en particulier : « J’ai toujours rêvé de faire ça ! Allez, dimanche prochain, je fais ça ! » Et je me prends une demi-heure ou une heure… ce n’est pas grand-chose, je peux trouver ce temps, d’autant que j’en ai tellement envie ! 🙂
— Laurent : Ça peut être aussi juste d’observer quelque chose pendant un temps. Par exemple, se poser devant un arbre et le regarder pendant 10 minutes, ça permet d’aiguiser son sens de l’observation, ce qui contribue beaucoup à la créativité.
Son mot préféré de la langue française
— Laurent : Quel est ton mot préféré de la langue française ?
— Carole : Plusieurs me sont venus à l’esprit, mais je retiens « simplicité », car pour ma part, c’est la clé du bonheur. Enfin, on peut l’appliquer à tous les univers.
Simple ne signifie pas simpliste, ne pas se casser la tête, ne pas faire d’effort. Au contraire, la simplicité demande d’aller à l’essentiel, à ce qui a vraiment du sens pour nous, à ce qui est vraiment important. Il faut savoir faire le tri et s’alléger de l’accessoire, des faux besoins. On est dans une société qui va faire croire à une personne chauve qu’elle a besoin de gel pour les cheveux 🙂
Dès que je sens que le chemin est compliqué, je m’interroge :
Si je vais droit au but, est-ce que ça ne serait pas mieux ?
Quand mon travail cesse d’être simple, quand mes amitiés ne sont plus fluides, quand un truc coince dans le couple… c’est le signe qu’il est temps de revenir à quelque chose de plus naturel, de plus fluide. Et ça va beaucoup mieux 🙂
— Laurent : Comme tu le dis, faire simple, c’est compliqué !
Son coup de cœur créatif
— Laurent : Quel créateur ou quelle créatrice souhaiterais-tu mettre en avant ?
— Carole : Mon conjoint, Luc Tonye 🙂 Il est convaincu de ne pas être créatif. C’est parce qu’il pense au côté artistique et qu’il ne m’a jamais écrit une lettre d’amour que je lui ai demandé !
Pourtant, selon moi, il est capable d’une grande créativité. En 2009-2010, il a créé son entreprise avec deux associés. En pleine crise du chômage, les centres commerciaux éprouvaient des difficultés à remplir leurs cellules commerciales. Pour les faire vivre, il a développé un concept de « pop-up stores ».
L’idée, c’était d’apporter une nouvelle solution dans ce contexte de crise : les centres commerciaux avaient besoin d’animer leurs cellules, tandis que les créateurs ne pouvaient pas se permettre de signer des baux commerciaux.
Là, ils pouvaient exposer leurs créations pendant un temps donné. Pour les clients, c’était l’occasion de découvrir des petits créateurs qu’ils ne connaissaient pas, de nouvelles marques… Pour le centre commercial, le fait que les créateurs tournent régulièrement amène de nouveaux flux de personnes. Cette idée-là, il l’a sentie, il l’a réalisée, et pour cela, je le trouve très créatif.
Enfin, le métier d’entrepreneur, que j’exerce moi aussi depuis quelques années, exige de la créativité. Sans quoi, cela va s’avérer compliqué ! Chaque jour, chaque semaine, des problèmes surviennent, et tu dois trouver des solutions, toujours remonter à cheval. Je le trouve fort sur sa capacité à raisonner et à se montrer curieux. Il écoute beaucoup de choses, il discute avec énormément de personnes. Il est aussi issu d’une culture différente de la mienne : il est camerounais. Cela lui confère un point de vue, un prisme différent de celui de ma culture française.
— Laurent : Comment s’appelle son entreprise ?
— Carole : Grand Playground
Conclusion
— Laurent : Où peut-on te retrouver ?
— Carole : Sur le site d’Hello Kit, ainsi que sur Instagram, LinkedIn, Pinterest, YouTube, TikTok.
— Laurent : Merci beaucoup pour ton temps, Carole 🙂
— Carole : Merci à toi, j’ai adoré discuter de ce sujet avec toi, sur ce format 🙂
— Laurent : Merci beaucoup d’avoir écouté cet épisode jusqu’au bout.
Comme pour chaque épisode, je t’invite à prendre quelques secondes pour noter ce que tu en retiens. Pour ma part, c’est l’importance de ralentir et de faire le vide autour de soi pour pouvoir laisser sa créativité s’exprimer. Je suis curieux de savoir ce que toi, tu as retenu de cet épisode.
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