Ceci est la transcription textuelle de l’épisode n° 12 du podcast « Réserve Créative » (anciennement Le Barboteur) disponible sur votre plateforme d’écoute préférée.

Épisode enregistré le 30/03/2023 et diffusé le 15/05/2023.
Sauf mention contraire, les photos qui illustrent cette transcription sont celles de Marie.

Introduction

— Laurent : Hello ! Bienvenue sur le Barboteur, le podcast qui explore et révèle la diversité créative.

Aujourd’hui, je t’emmène dans les coulisses d’un des endroits les plus créatifs du monde, Burning Man. C’est l’exemple le plus connu de ce qu’on appelle les burns, des événements qui obéissent à leurs propres règles et sont de véritables bacs à sable créatifs. On y retrouve des performances artistiques vraiment dingues.

Pour en parler, je reçois Marie Bailliard. Marie est illustratrice de BD, mais surtout, elle fréquente les burns depuis de nombreuses années comme participante ou membre de l’équipe d’organisation.

Elle nous donne les clefs pour comprendre ce que sont réellement les burns, au-delà des mythes et des fantasmes.

On parlera dons, rencontres, squelette et, bien sûr, créativité.

Marie Bailliard, lors d’un Burning Man

Les partenaires

Présentation de Marie

— Laurent : Salut Marie !

— Marie : Salut Laurent !

— Laurent : Bienvenue dans le podcast ! Avant de commencer, j’ai une petite question : comment se porte ta créativité, aujourd’hui ?

— Marie : Ma créativité se porte plutôt bien. Ça fait des vagues, mais aujourd’hui est un bon jour.

— Laurent : Ça va ? Tu te sens d’humeur créative ?

— Marie : Oui, tout à fait !

— Laurent : Avant de rentrer dans le détail de ce qui nous intéresse dans l’épisode d’aujourd’hui, je voudrais te laisser l’opportunité de te présenter pour les auditeurs et les auditrices qui ne te connaissent pas.

Peux-tu nous expliquer ce que tu fais dans la vie, comme métier et comme pratique créative de manière générale ?

— Marie : Je suis autrice illustratrice depuis 2016. J’ai bossé en communication et en marketing, mais j’ai réussi à faire un 180° dans mon parcours professionnel. Maintenant, je fais donc de l’illustration et de la bande dessinée, mon cœur de métier.

— Laurent : Pour toi, pour des clients ou pour les deux ?

— Marie : Pour les deux.

— Laurent : Il y aurait beaucoup à dire sur ton métier, j’aime ce que tu fais, ton univers. Mais, ce n’est pas ce qui nous intéresse aujourd’hui 😉

Les burns et les burners

— Laurent : Ce dont je voudrais discuter avec toi, c’est de ton implication dans l’organisation de festivals comme le Burning Man et ses émanations, en France avec le festival Crème Brûlée dans la Creuse, en Espagne avec le Nowhere. Il y en a peut-être d’autres, mais ce sont les trois auxquels tu participes en tant que festivalière et membre de l’équipe d’organisation.

Peux-tu nous présenter le festival Burning Man en quelques mots, ainsi que la communauté des burners ? Tout le monde en a un peu entendu parler, un grand imaginaire s’est développé autour de ce festival.

— Marie : Pour commencer, on a coutume de dire dans la communauté burners que les burns ne sont pas des festivals, mais des événements.

Il y a un côté très « auto-organisation », et pas de vente sur place. On essaie donc de se détacher du modèle du festival où l’on achète un billet et l’on vient en tant que spectateur. Dans les burns, comme c’est auto-organisé, on a l’habitude de dire qu’il n’y a pas de consommateurs, que des participants.

— Laurent : Donc un burn, qu’est-ce que c’est ?

— Marie : C’est un modèle d’événement fondé sur la culture Burning Man, le premier burn. Il en existe des émanations un peu partout dans le monde, dans de nombreux pays.

Burning Man est un événement autogéré qui se déroule dans le désert du Nevada, aux États-Unis. Il est construit selon 10 principes qui permettent le fonctionnement de l’événement.

Photo prise par Marie lors du Burning Man 2017

Ce sont des principes comme la décommodification, c’est-à-dire l’absence d’échanges monétaires sur place, l’effort communautaire, l’inclusion radicale, soit essayer d’être ouvert à tout et à n’importe qui, la responsabilité civile…

Comme tout le monde participe à coorganiser le truc, met la main à la pâte, une certaine responsabilisation des gens est nécessaire pour que tout se passe bien.

La participation de tous est nécessaire pour que l’événement ait lieu. On peut amener un peu n’importe quoi, en burn. En général, il y a une organisation un peu plus centralisée, le plus souvent non salariée.

Ça dépend des événements, car il me semble que le Nowhere, en Espagne, compte deux personnes salariées pour faire en sorte que ça tourne toute l’année : louer le terrain, assurer la communication avec la mairie sur place… Sinon, c’est monté exclusivement avec du bénévolat.

— Laurent : La communauté des burners, c’est donc la communauté mondiale qui coorganise ces événements ?

— Marie : C’est ça : toutes les personnes qui s’impliquent de façon plus ou moins proche dans les événements burners, et qui contribuent à faire vivre la « philosophie burner » dans le monde, en organisant des événements hors des burns.

Par exemple, en France, des « Burning cafés » ont lieu à peu près tous les mois. Des membres de la communauté burners s’y retrouvent, font des choses ensemble.

C’est une communauté assez serrée, plutôt artistique, qui a l’habitude de s’investir et de monter des projets. Ce sont des gens qui font aussi des choses ensemble en dehors des burns.

— Laurent : C’est une communauté un peu structurée ? Est-ce qu’il y a, par exemple, un site web où l’on peut trouver tous les événements ? Ou est-ce plutôt informel, avec du bouche-à-oreille ?

— Marie : Le Nowhere, par exemple, a un site, le Burning Man aussi. Je ne pense pas que Crème brûlée, le burn français, en ait un site, peut-être juste une page événement Facebook et un Discord d’organisation.

Ce n’est pas seulement du bouche-à-oreille, il y a quand même une communication en ligne pour que les gens sachent où ils mettent les pieds, puissent se renseigner en amont pour venir en sachant dans quoi ils s’engagent.

Sa découverte des burns

— Laurent : Et toi, comment tu t’es retrouvée dans cette communauté ?

— Marie : En 2016, je suis allée en Hongrie dans un festival de trans, O.Z.O.R.A. Une amie que je n’avais pas vue depuis longtemps m’avait invitée là-bas. Elle avait emmené beaucoup de ses amis, tous des burners, puisqu’elle aussi appartenait à cette communauté. On a beaucoup parlé de burns avec ces personnes que j’ai rencontrées pendant le festival, qui était très bien au demeurant 🙂

Face à cette illustration de festival, ils m’expliquaient ce qu’ils aimaient dans les burns. Ils parlaient du Nowhere, qui allait arriver très peu de temps après O.Z.O.R.A, et ça m’a intriguée. Comme beaucoup d’entre eux, à l’époque, j’habitais sur Paris, donc on a pu se revoir. C’est comme ça que j’ai commencé à mettre les pieds, progressivement, dans la communauté burner.

Je n’y suis pas arrivée par un burn à proprement parler, mais plutôt par des rencontres, ce qui était bien, parce que ça m’a donné une approche assez progressive. Ils m’ont fait beaucoup d’« acculturation » en me présentant comment ça marche, les burns, la culture affiliée, tout le côté très « participation ». Ils m’ont brossé un tableau plus ou moins précis des organisations, de ce qui s’y passait.

En 2017, je faisais mes premiers burns. Je me suis fait un été en « gradation », puisque j’ai commencé par Crème brûlée, le burn français, qui rassemblait environ 500 personnes. Après, je suis allée à Nowhere, à côté de Saragosse.

Ensuite, j’ai eu un billet low income pour Burning Man. J’avais fait une demande en me disant : « sait-on jamais ? » Alors, j’y suis allée !

— Laurent : Un été assez dense 🙂

— Marie : C’est ça, prendre l’échelle dans l’autre sens aurait été un peu plus compliqué.

À la rencontre des burners

— Laurent : Qu’est-ce qui t’a intéressée dans cette communauté, qui a fait que tu t’y es retrouvée ?

— Marie : J’ai rencontré des gens très ouverts, qui essaient d’inventer une manière alternative d’être, de vivre et d’interagir. Ce sont des gens qui essayent, pour la plupart, de « faire autrement ».

Quand on est en questionnement sur qui l’on est, ce qu’on veut faire, où l’on veut aller, c’est très inspirant de rencontrer des personnes qui font beaucoup de trucs tous plus différents les uns que les autres, très en phase avec leur vie.

C’était un incubateur de « développement personnel » 🙂

À l’époque, j’étais un peu paumée dans ma vie, je ne savais pas trop ce que je voulais faire. C’est la période où j’ai basculé en freelance, ça commençait tout doucement à venir. Ces gens m’ont aidée à partir dans une direction que j’aimais, m’ont dit que si je voulais faire des choses un peu différentes, c’était possible !

C’étaient des gens très confortables avec leur corps, avec les relations entre personnes… C’est auprès d’eux que j’ai découvert, par exemple, tout ce qui avait trait au consentement, au respect des gens, au fait de demander quand tu t’approches d’une personne… Ils ont des interactions sociales très saines, très tranquilles. Ça m’a fait énormément de bien.

C’est aussi un espace d’expression assez fou, c’est vraiment un grand bac à sable où, quel que soit ce que tu amènes, si tu amènes quelque chose, ça sera toujours bien reçu.

C’est donc aussi un super espace d’expérimentation : si tu veux faire une œuvre d’art, si tu veux t’investir en mettant les mains dans le cambouis, apprendre des choses que tu n’as jamais faites, tu peux complètement le faire. Par exemple, tu peux aller dans une team qui fait du montage alors que tu n’as jamais utilisé d’outils.

Les gens vont te dire :
« Super, viens ! Tu n’as jamais utilisé une scie circulaire ? Je vais te montrer, comme ça, tu pourras faire tout seul après ! »

C’est un environnement qui va très vite, qui est très dense, très varié, dans lequel les gens sont vraiment gentils.

— Laurent : Et c’est sincère ou un peu « à l’américaine » ? Parfois, tu ne sais pas trop si c’est authentique ou un peu fake

— Marie : J’ai constaté une différence de culture entre Burning Man et les burns plus européens.

Les Européens ont tendance à être un peu moins expansifs que les Américains. Cette expansivité à l’américaine, on la perçoit sûrement avec un peu d’ironie, justement parce que nous, européens, sommes peut-être un peu plus réservés. Quand une personne arrive vers toi en faisant des grands gestes et en disant que tout est amazing et incroyable, tu demandes ce qu’il y a derrière.

Les gens que j’ai rencontrés aux USA étaient quand même très gentils.

Je n’ai jamais eu une impression de fausseté en évoluant dans les burns. Bien sûr, je choisis avec qui je traîne, je me tourne vers les personnes qui me font du bien, avec lesquelles j’ai l’impression que les interactions sont sincères 🙂

S’investir : des shifts à l’organisation

— Laurent : Ta première expérience des burns remonte à 2017. Depuis, à part l’« année COVID », tu as assisté ou participé à des burns presque chaque année, en tant que festivalière ou participante, ou dans l’équipe d’orga.

Peux-tu nous expliquer, en quelques mots, les différents rôles que tu as joués dans l’orga ?

— Marie : Tu peux dire « participante » : on essaye d’éviter que des gens viennent en tant que « festivaliers », c’est-à-dire qu’ils ne s’impliquent pas.

Pendant chaque burn, tu peux faire des shifts qui aident l’événement à fonctionner : par exemple, tu vas ramasser les poubelles, faire des patrouilles pour t’assurer que tout le monde va bien… Même si tu ne t’es pas investi dans l’organisation en amont, il y a toujours des choses à faire sur place. Donc j’ai toujours fait des shifts.

À partir de 2018, j’ai commencé à m’insérer un peu plus dans l’organisation en amont. J’avais envie de voir ce que c’était.

Pour Crème brûlée et pour Nowhere, j’ai fait du graphisme pour produire des documents transmis aux participants, j’ai fait la couverture du What? Where? When?, une espèce de catalogue qui regroupe tous les événements qui ont lieu pendant le burn. J’ai fait la mise en page du Survival guide, en gros, le manuel du burn.

Pour Nowhere, par exemple, le Survival guide t’explique comment ça se passe, comment te préparer au mieux pour y aller, ce que tu dois mettre dans tes bagages, comment ça se passe sur place… C’est un document assez important.

Je me suis investie dans l’organisation de mon camp. Quand tu vas en burn, tu peux choisir d’y aller en free camp : tu amènes tes affaires, ta tente, ton eau, ta bouffe pour toute une semaine. Ou alors, tu peux rejoindre une organisation plus large, un camp.

C’est une mise en commun de ressources, en général avec un thème particulier. Ça peut aller de 10 personnes à une soixantaine. Tu as des structures communes, par exemple, un grand salon avec des toiles sur la charpente pour faire de l’ombre, des canapés, des dômes dans lesquels il y a une piste de danse ou des matelas pour chiller.

Dans l’organisation de mon camp, j’ai aidé à peindre un DJ booth, une immense plaque de contreplaqué avec une station DJ.

Le DJ both que Marie à contribué à peindre.

Je me suis investie dans l’organisation de Burning Man, en 2017 et 2018. Je suis arrivée en avance et j’ai fait la déco de l’aéroport avec des dessins et des fresques. Il y a un petit aéroport temporaire, enregistré officiellement.

— Laurent : Ça me semble dingue, je ne me serais pas attendu à trouver un aéroport à Burning man !

— Marie : Les burns, ça reste globalement un loisir de personnes aisées, à plus forte raison à Burning Man, où le billet est quand même assez cher.

Du coup, il y a des gens qui viennent en avion privé. J’avais discuté avec un retraité qui avait retapé un petit avion dans son garage et était venu avec. Il y a aussi des gens qui viennent en charter, par exemple, avec un mini avion de 10 places, dont le billet coûte probablement très cher. Ils sont accueillis dans un aéroport, une espèce de truc monté un peu de bric et de broc, avec de grands panneaux de bois…

Comme c’est moche, il fallait des gens pour le décorer, le rendre joli, en faisant figurer les 10 principes sur les plaques de bois, histoire que les gens sachent où ils mettent les pieds quand ils atterrissent.

En 2018, à Nowhere, j’ai fait partie de l’équipe de signalétique. Je suis venue pendant le build, la construction pré-événement qui commence un mois avant, et nous avons fait les panneaux.

Il n’y a rien sur place avant et rien sur place après. C’est une espèce de grande étendue, moitié sable, moitié poussière fine. Une équipe, le City planning, a la carte virtuelle des camps, des accès… et fait en sorte de monter le truc sur place. Il faut donc faire des panneaux pour indiquer les sorties de secours, les extincteurs, les camps… Tout ça, c’est le job de la signalétique : faire les panneaux et aller les planter pour que les gens ne se perdent pas.

Marie (à gauche) en plein travail sur la signalétique du Nowhere 2018

— Laurent : Ça semble vachement bien structuré ! On met souvent en avant le côté un peu « anarchique », dans le sens où chacun fait ce qu’il veut. En réalité, on ne débarque pas n’importe comment !

— Marie : Oui, il y a une organisation préalable, de toute façon.

Burning Man, rassemble entre 75 et 80 000 personnes. Plus c’est gros, mieux ça doit être organisé. Sinon, c’est le bordel, et ça va être très difficile de gérer ça pendant une semaine.

Nowhere, c’est 5 000 personnes, et c’est aussi très organisé, structuré, avec des leads, des sous-leads

Tout est fait pour faire en sorte que le truc voie le jour. Les postes sont attribués à des bénévoles, des gens qui se portent volontaires pour faire tel lead. Ils vont voir le lead de l’année précédente, qui leur explique comment faire. Tu prends le job et tu essayes de bien le faire.

C’est quand même un minimum organisé. On ne peut pas simplement arriver un mois avant, que tout le monde fasse un petit truc de son côté et que le truc « poppe » de terre comme ça.

— Laurent : Qu’est-ce qui t’a poussée à t’investir dans l’orga ? C’est le mode de fonctionnement, et tu t’es sentie un peu « obligée », ou tu avais envie de le faire ?

— Marie : Je me suis investie parce que j’avais envie de le faire.

La première année, tu arrives, tu te demandes ce que je fais là, comment ça se passe, pourquoi et comment un tel truc est arrivé à voir le jour…

Tu tombes dans le terrier du lapin ! J’ai mis le doigt dans l’engrenage, et ça m’a donné envie d’aller voir plus loin, d’essayer de m’investir davantage pour comprendre comment ça se fait, comment ça se défait.

J’étais contente, la première année, de faire juste des shifts. Ça permet d’être un peu investi dans l’organisation, sur place, mais sans aller voir comment ça se montait en amont.

Puis j’ai eu envie d’aller gratter un peu plus. Donc en 2018, j’ai fait la signalétique, et en 2019, j’étais co-lead signalétique à Nowhere. Avec mon co-lead, Béryl, nous décidions quels panneaux il fallait faire, où les planter, organisions l’équipe, gérions le temps et les matériaux… C’était vachement cool, ça m’a bien fatiguée !

Après, il y a eu les années COVID. En 2021, je ne me suis pas investie dans l’organisation, même si c’était sympa. Je suis passée de l’autre côté en participant à une équipe pour monter une œuvre d’art. J’avais envie d’aller voir un truc que je n’avais encore jamais vu.

Petit à petit, je remplis ma carte, je lève tout le brouillard de guerre : ça, je l’ai fait, c’était cool, ça, je l’ai fait, c’était chouette… 🙂

« Alors, c’était comment ? »

— Laurent : Une des particularités des burns, c’est que ce sont des événements qui se vivent, qui sont compliquées à décrire. Qu’est-ce que tu réponds quand tu reviens d’un burn et que tout le monde te demande : « Alors, c’était comment ? Qu’est-ce que tu as aimé ? »

— Marie : J’ai répondu en faisant une petite bande dessinée !

J’avais l’impression de répéter souvent la même chose aux gens qui s’étonnaient : « Ah bon, tu vas passer une semaine dans le désert ? Sous 40 °C ? En plus, tu as payé ton billet et tu vas travailler pour ce truc-là ? Mais est-ce que tu en profites vraiment ? Qu’est-ce que ça t’apporte ? »

C’est une expérience, une manière de vivre un événement, que je n’ai pas vécue ailleurs.

Déjà, je trouve que quand tu t’investis au préalable dans un événement, une fois que tu le vis, il n’a pas le même goût.

Avoir contribué à faire en sorte que ça arrive donne une énorme satisfaction. En 2018, quand je me baladais dans Nowhere et que je voyais des panneaux que j’avais faits, je trouvais ça trop cool. J’avais participé à faire en sorte que les gens puissent trouver les toilettes, c’est vachement important 🙂

Tout va bien, si jamais il y a un feu, les gens sauront sortir, ce sera grâce à moi !

C’est aussi une espèce de rouleau compresseur, de machine à laver : pendant une semaine entière, tu fais beaucoup de trucs nouveaux, c’est très varié.

Tu as de la musique, des ateliers sur absolument tout et n’importe quoi : tu peux faire du body painting, de la méditation, apprendre à faire des Bloody Mary… J’ai participé à une chasse au trésor que des gens avaient organisée dans l’endroit où l’événement se déroule, la playa… C’est un concentré de nouveautés que tu vis en une semaine.

Tu ressors de là fatigué, mais très dépaysé. Ça fait du bien, ça fait vraiment des vacances physiques et mentales. Tu as fait une multitude de trucs, tu as vu des gens inspirants, qui t’ont donné des conseils, ou juste qui font des choses dans leur quotidien. Ça me donne envie d’essayer de transformer un peu mon quotidien pour le faire davantage ressembler à quelque chose qui me plaît.

C’est un bon tremplin pour faire beaucoup de choses auxquelles tu n’aurais pas forcément pensé, ou pour lesquels tu n’avais peut-être pas l’énergie avant. À chaque fois, j’en reviens avec beaucoup de satisfaction, plein d’idées, et plein de gens sympas que j’ai rencontrés et que j’aurais vraiment grand plaisir à revoir. La communauté et les gens qui fréquentent les burns font aussi beaucoup !

— Laurent : J’encourage vraiment les auditeurs et les auditrices à aller regarder tes BD pour se faire une idée de ce que c’est de vivre un de ces événements.

Tu y dis notamment que ce qui rend le truc aussi génial, c’est que c’est ponctuel. Lorsque tu en ressors, tu n’as pas trop envie de revenir dans la vie réelle, tu aurais envie de rester dans cet état d’esprit. Mais, c’est seulement une, voire deux fois par an. Si c’était tout le temps, ça deviendrait la normalité, ça perdrait ce caractère exceptionnel que tu ressens quand tu y vas…

— Marie : Ça a une saveur justement parce que c’est temporaire. Tu fais aussi une multitude de trucs dans les burns parce que tu sais que ça ne va pas durer très longtemps. C’est un peu ta fenêtre de tir, donc tu prépares en amont pour pouvoir faire des choses cools. Tu fais tes trucs cools, et une fois que c’est fini, tu repars et tu ramènes les expériences pour essayer de les « processer» et de pouvoir les retransformer en autre chose que tu vas faire l’année suivante.

Effectivement, si tu vivais là-dedans toute l’année, comme à peu près tout, ça perdrait de son goût en nouveauté. Là, tu peux laisser passer un an, tu reviens, et c’est encore quelque chose de nouveau, parce que ce ne sont pas les mêmes personnes qui participent.

Il y a quelques constantes, mais tous les burns sont différents. Aucun ne ressemble à un autre, notamment parce que tu les abordes de façon différente. Si j’ai plutôt envie de faire la fête, de rencontrer des gens, je traînerais dans un certain endroit, je vais y rencontrer un certain type de gens. Si j’ai envie de vivre mon Nowhere en ne faisant, par exemple, que des ateliers, des choses que je n’ai jamais faites, j’irais dans un autre coin de l’événement…

De toute façon, tu ne pourras pas tout faire. C’est ce qui rend la chose un peu fatigante : il y a des trucs partout, vraiment tout le temps. Ça dépend des burns, mais il y a toujours un moment « pause » où il ne se passe pas grand-chose, où l’on arrête la musique pour que les gens puissent dormir. Sinon, toute la journée, sur toute la surface du burn, avec tous les camps, il se passe beaucoup de trucs. C’est pour ça qu’il y a un guide qui te dit ce qu’il se passe, à quel moment.

Tu ne fais jamais la même chose. Tu peux venir en burn avec des gens, repartir une semaine après, et ils n’auront pas du tout vécu la même chose que toi.

La créativité en burns

— Laurent : Je fais le lien avec la thématique du podcast, la créativité. D’un point de vue purement créatif, comment tu décrirais les burns ?

On a cette image, notamment du Burning Man, d’un endroit de créativité complètement débridée, où l’on peut faire absolument tout ce qu’on veut.

Est-ce que c’est ce que tu ressens aussi ?

— Marie : Il y a vraiment des gens qui font des trucs de fou, particulièrement à Burning Man. Un comité attribue des art grants. Tu déposes un projet d’art, et tu peux obtenir une subvention de la part de l’organisation, qui va te filer un petit pécule pour t’aider à réaliser ton œuvre d’art.

Le plus gros truc que j’ai vu à Burning Man, c’était une espèce d’immense roue de huit mètres de haut, je pense. Sur tout le pourtour de la roue, des squelettes étaient placés dans différentes positions. Quand la roue tournait très vite, dans une lumière stroboscopique, ça faisait comme une animation, tu avais l’impression que le squelette ramait. Ça fonctionnait avec des poulies actionnées par les participants, d’un bout à l’autre de la roue. Ce truc était absolument énorme, au milieu de la playa.

En burns, la créativité est très encouragée : faites des trucs, parce que sinon, il n’y en aura pas ! L’organisation ne se charge pas de booker telle et telle personne pour qu’elles viennent faire de l’art, mais encourage à proposer des trucs. Plus il y en a, plus on est contents.

Plus c’est interactif, mieux c’est ! Cette dimension est aussi présente : ne pas faire que des trucs jolis, mais avec lesquels les gens peuvent interagir, jouer, des endroits dans lesquels tu vas rentrer, des espèces de mini show qui vont « popper » d’un coin à l’autre de la playa… Par exemple, une œuvre artistique que tu vas toucher et qui va produire un son et une lumière différente, rassemblera plein de gens autour d’elle.

La réputation de créativité des burns n’est pas usurpée, il se passe vraiment plein de choses. C’est un peu le moment dans l’année où tu peux faire les projets dingues que tu ne pourrais pas trop présenter autre part. Tu les présentes là-bas et les gens sont super contents.

Installation artistique – Burning Man 2018

Sa définition de la créativité

— Laurent : Quelle serait ta définition de la créativité ?

— Marie : C’est hyper vaste, et je n’aurais pas une définition claire à te donner. J’essaie de rameuter des éléments de réponse dans ma tête…

Pour moi, la créativité va de pair avec le fait de sortir des sentiers battus, d’un chemin de pensée « par défaut » sur lequel tu vas réfléchir au même truc d’une certaine manière. C’est arrêter d’essayer de marcher dans cette direction pour essayer de faire un truc dans le même esprit, mais complètement à côté.

Ça comporte aussi une dimension de défi, de challenge, à relever de façon originale. Il s’agit de ne pas suivre son premier trait de pensée, mais d’essayer de creuser plus profondément pour transformer l’idée première et en sortir quelque chose qui n’a rien à voir. Proposer un nouveau point de vue, sortir du cadre.

La créativité va aussi de pair avec un sentiment de satisfaction : ça fait du bien d’essayer de réfléchir autrement, d’essayer de faire un autre truc, et de ne pas avoir trop mal réussi.

Satisfaction et frustration

— Laurent : Tu es la première à introduire cette notion de satisfaction. Tu penses à la satisfaction de voir l’œuvre réalisée ou juste d’avoir trouvé une idée ?

— Marie : D’avoir trouvé une idée et d’avoir réussi à l’exprimer, via le médium qui est le tien.

On m’a posé une question, j’ai fait l’effort d’essayer d’y répondre de façon différente, et je suis contente parce que j’ai trouvé un nouveau chemin.

— Laurent : Ça voudrait dire que si tu ne réussis pas à concrétiser ton idée, tu ressens de la frustration ?

— Marie : Si je n’arrive pas à la concrétiser, à la sortir de ma tête par un moyen que j’estime satisfaisant, je pense que j’en tirerais un peu de frustration.

Si ce n’est pas aussi beau que ce que tu as voulu faire… J’ai souvent ça, surtout en dessin. Tu imagines un super truc dans ta tête, tu le couches sur le papier, et là, tu te dis : « Ce n’est pas exactement comme ça que je visualisais le truc…»

Alors, tu recommences jusqu’à ce que tu arrives à un point auquel tu es satisfait.

— Laurent : Comment tu gères cette frustration ? Tu recommences, tu laisses, tu repars de zéro ? Qu’est-ce que tu en fais ?

— Marie : Je ne laisse jamais tomber, mais je laisse passer du temps. Si jamais je n’arrive vraiment pas à faire un truc… c’est comme tout, à certains moments, ça marche, parfois, ce n’est vraiment pas le jour.

Dans ce cas-là, je laisse tomber, je le mets de côté et j’y reviens plus tard avec une perspective un peu fraîche. Ça peut être le lendemain ou même une semaine plus tard. D’un coup, tu te réveilles et tu te dis : « Bien sûr, je vais faire ça, ça va être super ! » Et ça marche bien après 🙂

— Laurent : Tu ne restes jamais sur un truc qui te frustre ? Tu essaies toujours de trouver une solution pour te « défrustrer » ?

— Marie : Pour refermer le tiroir dans ma tête, j’ai besoin d’avoir la sensation d’avoir terminé un truc.

 Avec le temps qui passe, ce que tu mets derrière « terminer » évolue. Tu peux aller dans une direction différente de celle dans laquelle tu étais parti. Mais, pour fermer le tiroir, j’ai besoin de me dire que je suis allée jusqu’au bout de l’idée, que j’ai fini, que c’est bon, je peux passer à autre chose.

— Laurent : Quels sont les critères qui te permettent de considérer qu’une œuvre est terminée ont-ils évolué avec le temps ?

— Marie : Ça a évolué au contact des personnes avec lesquelles je bossais.

Moi, j’ai tendance à essayer de ne pas trop me compliquer la vie. Je ne suis pas ultra-perfectionniste. Quand j’essaie de trop polir quelque chose, au bout d’un moment j’ai l’impression de perdre mon temps, que c’est un truc sans fin.

Tu commences à repeindre un mur, tu mets une couche de peinture, tu constates que ce n’est pas exactement la même teinte… et tu finis par tout repeindre ! 🙂

J’ai bossé avec des personnes plus perfectionnistes que moi, ce qui me permet de sortir de cette zone du « C’est suffisamment bien comme ça, je n’ai pas besoin de le polir davantage. »

Bosser avec des gens qui me disent qu’on pourrait faire un peu plus comme ci, un peu plus comme ça, repasser un petit coup, ajouter quelques touches, ça m’aide à obtenir des résultats plus aboutis, dont je suis encore plus fière. C’est encore plus satisfaisant.

— Laurent : À t’écouter, j’ai l’impression que tes critères se sont un peu durcis…

— Marie : Un peu, parce que j’imagine que je sais mieux ce que j’arrive à faire, ce qui m’apporte de la satisfaction, j’essaie donc d’aller plus loin dans ces domaines. En revanche, mes critères se sont allégés pour les trucs que j’arrive moins bien à faire et qui m’apportent moins de satisfaction.

J’ai sélectionné et réinvesti de l’énergie dans les voies qui me plaisaient.

Sa créativité : un besoin primaire

— Laurent : Tu exerces un métier qu’on pourrait qualifier de créatif. Est-ce que la créativité est uniquement un moyen de subsistance, de payer les factures ? Ou bien constitue-t-elle un besoin plus viscéral ?

— Marie : C’est plutôt un besoin viscéral.

Déjà, parce que payer les factures avec de la BD, c’est quand même très compliqué 🙂 La BD n’est pas vraiment un métier alimentaire.

J’aime raconter des histoires, et plus le temps passe, plus j’ai besoin de le faire. J’ai des idées dans la tête, que j’aimerais essayer de traduire en histoires puis en dessin. C’est plus un besoin qui me pousse en avant.

J’ai un carnet dans lequel je balance toutes les idées. Je n’en ferai même pas 1/5, parce qu’il y en a trop. Si je voulais tout traduire en BD, ça demanderait beaucoup de temps à être concrétisé.

En général, mon drive, c’est plutôt :

J’ai envie de raconter ce truc-là. Et, plus le temps passe, plus j’ai envie de le raconter.

Je vais alors prendre le temps, commencer à jeter des personnages et un scénario sur une page de carnet, faire du chara design pour essayer de donner corps à ce que j’imagine dans ma tête.

— Laurent : Du chara design ?

— Marie : Du character design, c’est dessiner la tête qu’auront tes personnages, essayer de les rendre particuliers, mémorables, faire en sorte que leur caractère se retrouve dans le design. Tu leur donnes les fringues, tu dessines leur visage, les expressions…

Aux origines de sa créativité

— Laurent : Arriverais-tu à identifier d’où te vient cette créativité ? Est-ce quelque chose que tu as développé ou tu penses que tu es née avec ?

— Marie : Je ne sais jamais trop où me positionner entre inné et acquis.

Enfant, j’ai toujours adoré tout ce qui avait trait à l’imaginaire. Je lisais beaucoup, et je lis toujours énormément de romans, de BD… J’ai dessiné, comme à peu près tous les enfants, sauf que je ne me suis jamais arrêtée. Plus je lisais de BD qui me plaisaient, plus j’essayais de reproduire ce que j’y voyais, et plus je progressais.

J’écrivais beaucoup quand j’étais enfant et ado, puis, pendant un moment, j’ai laissé de côté le fait de raconter des histoires. Je me suis surtout tournée vers l’illustration et le graphisme. C’est revenu récemment, avec l’envie de faire de la BD.

J’ai toujours eu ça, mais plus je m’entraîne, plus ça vient facilement. Je vois la créativité et l’imagination comme des muscles : plus tu t’en sers, plus c’est facile de t’en servir.

Si la créativité, c’est sortir des sentiers battus, alors au départ, tu t’éloignes un peu, mais tu restes à proximité. Tu ignores dans quelle direction partir, tu as un peu peur de tomber et de te viander dans des orties. Puis, plus tu t’éloignes du sentier, plus c’est facile, plus tu développes des mécanismes te permettant de réfléchir à des problèmes de façon originale. Donc, tu te crées plein de nouveaux sentiers, que tu peux emprunter pour sortir du principal.

À aucun moment, tu ne reçois une météorite de créativité sur la tête, qui te rend créatif d’un coup ! Ça vient plutôt d’un entraînement, du fait de faire et de refaire.

— Laurent : Quand tu étais enfant, ton entourage était-il propice à la créativité ?

— Marie : Pas du tout, mais mes parents m’ont toujours encouragée.

La passion de ma sœur, enfant, c’était de faire du cheval. La mienne, à côté, elle ne coûtait pas très cher, parce que je disais à ma mère « achète-moi des livres et tout ira bien » 🙂

— Laurent : Ça peut vite coûter cher, des livres ! 🙂

— Marie : Oui, mais moins que du cheval ! 🙂

J’avais aussi la chance d’habiter au milieu du Vercors, en pleine montagne. Mes trucs préférés, c’était de prendre un bâton, d’aller courir dans la forêt, de me battre contre des monstres imaginaires. Je vivais des aventures absolument incroyables, hyper low cost 🙂

La voie de la raison vs le besoin de créer

— Marie : Je ne suis pas partie dans cette direction, dans mes études, parce que beaucoup de gens me disaient que les métiers artistiques, ça ne menait nulle part, qu’il fallait plutôt faire un truc qui te mettait un plancher solide sous les pieds… J’ai fait Sciences Po, et au bout d’un moment, j’ai réalisé que ça restait, que j’avais très envie de le faire.

Je devais essayer. J’étais aussi dans les bonnes circonstances, parce que j’avais rencontré les bonnes personnes avant. Ça a fonctionné et ça continue de fonctionner. C’est cool. J’ai de la chance.

— Laurent : Tu n’es pas la première à avoir dû mettre ta créativité de côté pour les études « sérieuses ». Ça revient assez souvent, chez les enfants hyper créatifs, qui avaient envie de se diriger vers des métiers dans lesquels ils pouvaient pleinement exprimer leur créativité…

J’ai l’impression que parmi les personnes que j’ai rencontrées pour l’instant, il y a deux cas. Il y a celles pour qui, comme toi, des rencontres vont permettre de se remettre en selle sur sa créativité. Il y en a d’autres, comme Robin, pour lesquelles c’est principalement un travail d’introspection, quelque chose de solitaire, qui leur fait prendre conscience de leur besoin de revenir à quelque chose de plus créatif.

C’est aussi quelque chose que tu as vécu, ou ce sont surtout les personnes que tu as rencontrées, l’état d’esprit dans lequel tu étais grâce à elles, qui t’ont fait revenir à quelque chose de plus créatif ?

— Marie : Un peu des deux : même à Sciences Po, je n’ai jamais arrêté le dessin ni les lectures de l’imaginaire. Simplement, je n’en faisais rien professionnellement. Même sur le plan personnel, je n’avais jamais pris le temps, à côté de mes études, pour essayer de faire une petite BD, juste pour moi, pour voir si j’y arrivais.

Ça a toujours été en arrière-plan, dans ma vie perso. Je n’ai jamais essayé de l’étouffer ni de faire autre chose. J’en avais besoin, ça m’aidait à me développer, ça m’offrait une pause dans un quotidien dans lequel je ne m’épanouissais pas forcément. Je me disais tout de même que peut-être, un jour, je réussirais à en faire quelque chose.

À Sciences Po, j’ai fait un Master de communication. À défaut de bosser en tant que personne créatrice, je pourrais au moins aller bosser dans les industries créatives, avec des personnes qui font des trucs qui m’intéressent. J’avais cette idée d’approcher au plus près du milieu dans lequel je voulais travailler. J’adore le cinéma d’animation, je suis allée bosser dans un studio. J’ai bossé un peu dans le jeu vidéo…

À un moment donné, c’est devenu trop dur d’avoir sous les yeux des gens qui faisaient ce que je voulais faire toute la journée. Moi, j’étais coincée au service communication, et ça me manquait. J’avais l’impression que je pourrais essayer de faire basculer ça dans le professionnel, donc j’ai commencé à gratter petit à petit.

Le point de bascule professionnelle

— Marie : Et c’est parce que j’ai rencontré des gens qui faisaient des trucs créatifs que j’ai réalisés qu’il était possible d’en vivre. Et surtout, ce sont des rencontres qui ont mené à des missions que j’ai pu décrocher et passer en full professionnel, en 2016.

Une amie de Sciences Po, partie bosser dans le monde de l’édition, m’a appelé. Elle savait que je dessinais, parce qu’elle m’avait bien vue faire pendant tout mon parcours à Sciences Po, et que je voulais faire un test. Leur illustrateur, pour une collection particulière, s’en allait, ils cherchaient à le remplacer. Je venais juste de créer mon statut en freelance, ça tombait pile-poil. J’ai fait un test, il a été accepté : j’avais décroché ma première mission d’illustration !

C’est comme si une partie du travail s’était effectuée en sous-main. « Marie fait du dessin » s’est transformé en une vocation professionnelle !

Le don, une pratique créative

— Laurent : Je te propose de revenir aux burns… Tu évoquais tout à l’heure l’un des grands principes de Burning Man : la notion de don, l’absence d’échanges monétaires.

En me renseignant, j’ai identifié un principe selon lequel chaque personne qui participe à l’événement vient avec quelque chose à donner, que ce soit matériel ou pas. Ça peut simplement être des câlins, par exemple.

Te souviens-tu des premiers dons que tu as faits et de ceux que tu as reçus ?

— Marie : Oui ! J’avais fabriqué des petits pin’s disant « C’est mon premier burn, vous avez rendu cet instant mémorable », avec un petit dessin mignon dessus. Je le donnais aux personnes avec lesquelles j’avais eu des interactions vraiment signifiantes tout au long de la semaine.

Parmi les cadeaux, j’ai reçu un massage du crâne complètement sorti de nulle part, c’était vachement cool. Beaucoup de gens viennent avec des petits bijoux, des pin’s sympas, des trucs qu’ils ont faits eux-mêmes. J’en ai eu pas mal : j’ai une ceinture remplie de pins !

Une amie était venue avec une mini trousse de choses dont tu pourrais avoir besoin et que tu as pu oublier : des protections hygiéniques, du sérum physiologique, des huiles essentielles qui sentaient bon… Elle les offrait aux gens qui paraissaient un peu perdus, ou d’avoir besoin d’un peu de réconfort.

Il y a des gens qui viennent avec des de quoi faire la cuisine : ils montent un petit stand au milieu de la Playa et font des pizzas… Puisque oui, ils avaient même apporté un four à pizza !

Tu as vraiment tout et n’importe quoi !

— Laurent : Ce système de dons incite à être créatif. En fonction de tes moyens, tu ne vas peut-être pas donner des choses coûteuses, mais trouver des petites choses sympas symboliquement, qui font qu’on se souviendra de toi aussi… Je trouve cette pratique intéressante, sur le plan de la créativité !

— Marie : Ce qui fait le plus plaisir aux gens, ce sont les cadeaux faits main, le crafting. Ça a vachement plus de valeur qu’un truc que tu aurais pu acheter sur Etsy ou ailleurs. Ça te fait vraiment un souvenir de la personne.

Comme tu le dis, ça peut prendre différentes formes : si tu ne sais pas fabriquer des choses de tes mains, tu offres des massages, de la bouffe que tu as préparée… Tu fais ce que tu veux, ce pour quoi tu es doué, ce qui te fait plaisir !

Créer dans (et pour) le désert

— Laurent : Une des particularités de Burning Man et de Nowhere, c’est qu’ils se déroulent en plein milieu du désert. Crème brûlée aussi, mais c’est plutôt un désert démographique que climatique 🙂

Tu dois prendre en compte la poussière, le climat… mais considères-tu aussi l’environnement du désert ? Dans quelle mesure l’intègres-tu dans ton processus créatif, dans ton travail sur la signalétique ou sur l’œuvre d’art que tu as proposé ?

— Marie : Dans le cas de l’œuvre d’art que j’ai réalisé avec un groupe d’amis pour Crème brûlée, que nous avons ensuite emmenée à Nowhere, nous avons dû prendre l’environnement en compte.

Nous avions créé une pyramide en bois peinte. C’est un vaisseau spatial, crashé sur le lieu du burn.

Au sol, c’est un carré de 2,50 m x 2,50 m. Les panneaux triangulaires se rejoignent au sommet. Quand tu rentres dans la pyramide, c’est un peu comme une mini escape room : il faut faire redémarrer le vaisseau spatial.

Tu peux ne pas jouer, ne pas interagir avec l’intérieur de la pyramide. Il y a un matelas dedans, de la musique, de la lumière noire avec des gravures blanches… ça fait déjà un joli décor !

Mais, si tu commences à tripoter les boutons sur les parois, tu comprends assez rapidement qu’il y a des jeux, des énigmes à résoudre. Une fois que tu les as toutes résolues, le vaisseau redémarre, il y a une petite musique de fin, et tout…

On l’a amenée à Crème brûlée, où la pyramide était simplement posée sur l’herbe. On retrouvait moins la dimension « pyramide alien, crashée quelque part », mais on n’allait pas creuser un trou dans l’herbe pour enterrer le truc !

Pour Nowhere, nous avons repensé la scénographie pour intégrer le décor dans la narration. Nous avons réellement creusé dans le sol. Ce n’était pas un trou très profond, mais nous avons pu y poser la pyramide, un peu penchée, pour faire comme si elle était vraiment tombée. Nous avons recouvert les côtés d’un maximum de poussière et de boue, pour faire comme si elle avait glissé et qu’elle s’était un peu enterrée. Nous avons monté une espèce de pergola, avec de gros montants de bois et une toile tendue au-dessus pour faire de l’ombre.

Nous avons peint des panneaux, et déposé une malle avec des casques de chantier, des gilets à poches, une fausse loupe, pour faire comme si c’était un site archéologique. On avait acheté des jouets de plage pour enfants : des petits râteaux, des pelles, des seaux en plastique 🙂

On voulait un côté « archéologue sérieux » et un côté complètement bête, que les gens pouvaient gratter avec un râteau en plastique autour de la pyramide, dans le sable… Ça, dans l’herbe, ce n’était pas faisable.

Error Signal à Nowhere

Cependant, nous n’avons pas suffisamment tenu compte de l’environnement au-delà de l’aspect scénographique.

À Crème brûlée, nous n’avions pas réussi à terminer tout le code. À Nowhere, cette partie était terminée, mais avec la chaleur, la poussière qui s’infiltre absolument partout, l’électronique faisait n’importe quoi 🙂

Les 40 °C ont dû faire couler la colle liquide qu’on avait utilisée pour fixer les boutons, qui de ce fait se déclenchaient tous seuls. C’est dommage, ça n’a pas marché !

— Laurent : Ça aurait pu être fait exprès : le vaisseau s’est crashé, tout dysfonctionne 🙂

— Marie : Oui, tu le réintègres comme tu peux dans ta narration, dans ce que l’on va raconter aux gens 🙂 Mais ça les rendait dingues, les gens : ils voyaient bien qu’on pouvait appuyer sur des boutons, mais qu’il n’y avait aucune logique !

Si tu veux vraiment être méchant, tu dis aux participants :

Vous n’êtes pas arrivés à résoudre l’énigme à l’intérieur ? Essayez encore un peu ! 🙂

— Laurent : Tu vas la reproposer en 2023, cette œuvre ? Ou tu laisses tomber ?

— Marie : Non, on va la remmener à Crème brûlée, et faire pour que l’électronique survive à Nowhere. Le focus, c’est qu’au moins ça fonctionne à Crème brûlée, ce sera déjà bien ! 🙂

— Laurent : Un autre grand principe des burns, c’est « ne laisser aucune trace ». Apparemment, c’est un peu décrié, pas mal de vidéos disent que, finalement, il reste pas mal de déchets.

Comment tu intègres ça, toi ? C’est quelque chose qui freine ta créativité, ou au contraire, respecter ce principe est un challenge à relever ?

— Marie : À Burning Man, ils brûlent beaucoup de trucs. L’étendue dans laquelle se passe l’événement, c’est le fond d’un lac asséché, avec beaucoup d’espace autour. Tu risques vachement moins de provoquer un incendie.

À Nowhere, on n’a pas forcément l’autorisation pour ça. Comme la végétation autour est hyper sèche, avec une forêt de petits arbres pas très loin, c’est dangereux.

Et puis, la débauche de kérosène pour tout cramer ce n’est pas forcément en phase avec le côté écolo.

Ça ajoute un petit challenge, de se demander comment amener et reprendre l’œuvre. Au niveau du transport, plus tu fais un gros truc, plus c’est galère à trimbaler. Si mon œuvre me plaît, je n’ai pas envie de la laisser sur place 🙂 Je préfère pouvoir la conserver et la monter autre part, plutôt que de faire un one shot, l’emmener et la laisser là, ou laisser des morceaux tout dégueux sur place.

— Laurent : Essayes-tu de faire vivre cette œuvre en dehors des burns, dans des expos, par exemple ?

— Marie : On n’a jamais eu l’occasion de la réintégrer dans d’autres trucs. On l’a montée pour des soirées chez nous.

La trimballer demande du temps, de l’argent et de la logistique. Pour le moment, elle dort dans notre garage, on ne s’en est pas servi autre part qu’en burn.

D’autres œuvres vues en burn voyagent un peu. C’est le cas de la gigantesque roue, dont je parlais tout à l’heure, Charron. Par exemple, cette année, elle était à Nantes, à côté des Machines de l’île. Je ne sais plus d’où vient le mec qui l’a faite, mais en tout cas, elle est arrivée jusqu’en France. Je n’ose même pas imaginer la logistique, parce que c’est vraiment un truc monumental.

Il y a quand même des gens qui essaient d’utiliser et de faire vivre leurs œuvres en dehors des burns. Ça permet de rendre visible le type d’œuvre d’art que tu peux y trouver.

L’influence des burns sur sa créativité

— Laurent : Tu évoquais tout à l’heure l’impact des burns sur ton bien-être et ton état d’esprit général. Ont-ils influencé, consciemment ou inconsciemment, ta pratique créative et ta créativité ?

— Marie : Oui, je pense que ça a eu un impact très conscient sur ma pratique créative.

Beaucoup de celles et ceux qui vont en burn exercent des professions artistiques ou ont des pratiques artistiques dans leur temps libre. Tu y rencontres plein de gens inspirants, qui font vraiment beaucoup de choses différentes : de la sculpture, de la peinture, du tag, de la musique… Ça t’inspire, tu te dis : « Pourquoi pas moi ? Moi aussi, je peux essayer de faire des trucs que j’aime ! »

J’ai rencontré une ou deux personnes qui font de la BD, avec lesquelles on a discuté de ça. Ça n’a pas changé ma manière de faire des trucs ni d’être créative, mais ça m’a donné l’impulsion pour m’imaginer en vivre, essayer d’insérer ça de façon plus prégnante dans mon quotidien.

Et puis, comme j’ai beaucoup aimé ce que j’ai vécu, que ça m’a vraiment impactée, j’ai décidé de faire de la BD pour en parler.

Les questions de la fin

— Laurent : On arrive tout doucement à la fin de l’épisode, et j’ai quelques petites questions pour terminer.

Ses projets artistiques pour 2023

— Laurent : Quels sont tes principaux projets artistiques pour 2023 ?

Marie

Je travaille sur une troisième BD, ne ressemblant pas à ce que j’ai fait avant. J’aimerais bien proposer une bande dessinée avec des magical girls. Adolescente, j’étais fan de Witch, une bande dessinée avec des magical girls, un peu à la française.

— Laurent : Qu’est-ce que tu appelles une magical girl ?

— Marie : Ce sont des jeunes filles ou femmes, adolescentes, avec des superpouvoirs. En général, elles se battent contre les forces de l’ombre, ou autre…

— Laurent : Comme Buffy, par exemple ?

— Marie : C’est un peu ça. En général, tu as un groupe de jeunes filles qui sont amies, et qui mènent littéralement une double vie. Elles vont au collège pendant la journée, et le soir, elles font des trucs dans l’ombre, elles vont combattre des démons…

Ces thématiques ont été centrales pendant mon adolescence. Ce sont des trucs que j’adorais lire, mais que je ne trouvais jamais suffisamment inclusifs à mon goût.

J’aimerais bien faire une BD inclusive avec des magical girls qui ne soient pas forcément blanches, pas forcément valides, qui soient un peu queers

— Laurent : Chouette 🙂

— Marie : Ce sera mon projet principal.

J’aimerais boucler d’autres trucs de BD sur lesquels j’ai commencé à bosser, mais que j’ai un peu laissés en stand-by parce que… la vie, entre autres 🙂

Ses conseils pour découvrir les burns

— Laurent : Quels conseils donnerais-tu à une personne qui aurait envie d’aller dans un burn, mais qui ignore comment, qui ne se sent pas créatif, pas artiste, qui a peur de ne pas être à sa place ?

— Marie : Tout le monde est bienvenu en burn ! Même si tu as l’impression que tu n’es pas créatif, ça ne veut pas dire que tu ne peux rien amener. Donc viens !

Si tu ne sais pas à quoi t’attendre, et même si tu sais un peu à quoi t’attendre, d’ailleurs, lis le Survival guide. Chaque burn a son Survival guide, son manuel rédigé par des gens qui ont l’habitude de s’y rendre.

C’est la boîte à outils du burn dans lequel tu veux aller. Il t’explique ce que tu dois mettre dans ta valise, le déroulement de l’événement.

Il indique aussi où se situent les endroits importants : la Croix Rouge, si tu te fais un petit bobo, le malfare, si tu vas mal, que tu as besoin d’un endroit tranquille pour te poser, avec des gens qui s’occupent de toi, mais également l’endroit où aller si tu as perdu un truc, si tu as besoin de glace pour ta glacière, les toilettes…

C’est rempli d’infos utiles et éprouvées sur la survie en burn, physiquement et émotionnellement, parce que sur ces deux plans, en général, c’est assez dense. Comment l’aborder au mieux, et toutes les questions de base que tu peux te poser y figurent.

C’est comme un gros brief, l’équivalent de read the fucking manual : quand des gens posent des questions, tu leur dis : « Va lire le Survival guide, tout est écrit dedans ! »

Il est accessible en version numérique, et il me semble qu’il l’est aussi en version papier pendant les burns.

Le second conseil, tout aussi important, c’est de participer. Si on ne participe pas, l’événement ne se fait pas, en réalité ! Ou il se fait un peu moins bien.

Même si tu n’es pas créatif, il y a toujours un truc que tu pourras faire. Si tu vas en burn et que tu connais peu de gens, que tu redoutes te retrouver tout seul, fais des shifts ! C’est un super moyen de rencontrer des gens !

Par exemple, quand tu fais « nomade », c’est-à-dire des patrouilles de six heures pour t’assurer que tout le monde va bien, tu es avec une personne, tu discutes. Donc, c’est comme ça que tu rencontres des gens. Ça permet aussi de voir comment c’est foutu, qu’est-ce qui se trouve où. En plus, quand les gens voient que tu es en shift, que tu donnes de ta personne et de ton temps, ils sont contents de te rencontrer, c’est une bonne autoroute sociale 🙂

— Laurent : J’imagine bien que ça puisse être un brise-glace assez évident. Je suppose que tu es identifié avec un t-shirt, un badge, ou quelque chose comme ça ?

— Marie : Oui, tu as une espèce de veste, l’équivalent d’un gilet jaune, sauf qu’il est bleu, avec « nomade » écrit dessus.

Son mot préféré de la langue française

— Laurent : Une de mes questions préférées lors de ces interviews, c’est : quel est ton mot préféré de la langue française ?

— Marie : J’aime beaucoup le mot « scintillement ».

Je ne sais pas si tu as déjà eu cette sensation, en écoutant un mot, qu’il a le son de ce qu’il signifie.

Quand j’entends « scintillement », j’imagine des petites étoiles qui crépitent, qui pétillent. J’aime beaucoup les mots comme ça. Je pense qu’il y a un terme scientifique pour les désigner…

Je n’ai pas cette sensation avec beaucoup de mots, mais avec celui-là, notamment.

— Laurent : C’est génial 🙂

J’adore cette question, parce qu’on est toujours surpris des réponses ! Je trouve que ça en dit beaucoup sur la personne.

C’est chouette, c’est un joli mot, tu as raison !

Effectivement, quand tu le dis, tu as immédiatement l’image, les sons, le côté un peu feu d’artifice, aussi !

Son coup de cœur créatif

— Laurent : Pour terminer, y a-t-il un créateur ou une créatrice, en dehors de ton domaine, que tu voudrais mettre en avant ?

— Marie : Une amie couturière m’a fait beaucoup de vêtements pour aller en burns. Son site, c’est Harmony création. Elle crée des habits de burn sur-mesures.

Elle m’a fait des leggings, des petits gilets, un kimono. Elle réalise aussi des jupes, des kilts… tout ce que tu veux, dans la couleur que tu veux, avec le tissu que tu veux. Elle est mon fournisseur officiel de fringues de burns 🙂

— Laurent : Tu refais ta garde-robe spécialement pour les burns ? : )

— Marie : Je porte toujours les mêmes vêtements pour aller en burn. Je mise sur le confort, donc à partir du moment où j’ai trouvé des habits confortables, peu importe qu’ils changent peu, qu’ils soient super beaux ou propres, je les garde.

La deuxième année où je suis allée en burn, je lui ai demandé de me faire deux leggings, deux gilets, et je ne porte que ça depuis quatre ans, à peu près 🙂

— Laurent : C’est suffisant 🙂

As-tu essayé d’exprimer ta créativité via ces vêtements, ou seul le côté pratique t’importait ?

— Marie : Moitié créativité, moitié pratique. J’ai choisi du tissu coloré, dans des tons que j’aime…

Il y a des gens qui viennent en burn avec des costumes de fou !

— Laurent : C’est pour ça que je te pose la question, c’est ce que j’avais vu.

— Marie : C’est impossible pour moi de passer 2 000 ans aux toilettes pour enlever tous mes habits, parce que mon costume est trop compliqué 🙂

Le confort prime : je veux pouvoir m’asseoir n’importe où, n’importe quand, par terre… donc je ne mise pas tellement sur la créativité par les fringues 🙂

— Laurent : Par les cheveux, un peu ? 🙂

— Marie : Un peu, je change de couleur…

Tout le monde a les cheveux bleus, en burn, ce n’est pas très original 🙂

Conclusion

— Laurent : Pour conclure, où peut-on te retrouver, si on veut suivre ton actualité et tes aventures ?

— Marie : On peut me retrouver sur mon site, Pumpkin comics, et sur les réseaux sociaux : Twitter, Facebook, mais surtout Instagram : @jesuisunelegume.

— Laurent : Pourquoi ce pseudo ? 🙂

— Marie : Quand j’étais au lycée, j’ai débarqué avec les cheveux orange fluo, et les gens m’ont appelée « Citrouille », pumpkin en anglais.

J’aimais bien la sonorité, et quand il a fallu que je me choisisse un pseudo d’artiste, j’ai pensé à m’appeler Pumpkin. Sauf que plein de gens s’appellent comme ça, je devais trouver autre chose. Je manquais d’inspiration, je suis passée en français et j’ai choisi « Je suis une légume ».

— Laurent : À toutes les personnes qui te poseront la question, tu peux envoyer cet extrait en disant : « écoute le fucking podcast ! »

— Marie : « J’en ai marre de vous expliquer » 🙂

— Laurent : Merci beaucoup, Marie, c’était chouette !

— Marie : Merci à toi !

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