09. Le breakdance comme moyen de se construire, avec Valentine Nagata-Ramos
Ceci est la transcription textuelle de l’épisode n° 9 du podcast « Réserve Créative » (anciennement Le Barboteur) disponible sur votre plateforme d’écoute préférée.
Épisode enregistré le 20/02/2023 et diffusé le 15/03/2023.
Introduction
– Laurent : Hello ! Bienvenue sur le Barboteur, le podcast qui explore et révèle la diversité créative. Aujourd’hui, je reçois Valentine Nagata-Ramos.
Valentine est ce que l’on appelle une b-girl, c’est-à-dire qu’elle pratique le breakdance. Elle a découvert cette danse à la fin des années 1990 et fut une des premières françaises à la pratiquer à un très haut niveau. Aujourd’hui, elle crée ses propres spectacles qu’elle diffuse dans le monde entier.
Ensemble, nous avons notamment parlé de sa vision du breakdance, de la place de la créativité dans cette danse, et de son passage de danseuse à chorégraphe.
Sur ce, je te souhaite une excellente écoute.
Les partenaires
Présentation de Valentine
– Laurent : Salut Valentine, bienvenue dans le podcast !
Je suis ravi de t’avoir parce que l’on va échanger sur un sujet que, personnellement, je connais assez peu, mais tu vas pouvoir m’éclairer : le breakdance.
Je te propose de rentrer tout de suite dans le vif du sujet avec quelques questions pour apprendre à te connaître.
La première c’est : qu’est-ce que tu réponds quand on te demande ce que tu fais dans la vie ?
– Valentine : En général, je réponds que je suis danseuse et chorégraphe.
– Laurent : Tout simplement ?
– Valentine : Oui.
– Laurent : Tu as l’avantage d’avoir un métier qui parle à tous ?!
– Valentine : Exactement. On arrive facilement à se faire une idée de la vie de danseuse ou de chorégraphe. Après, je précise ma spécialité, le milieu dans lequel j’ai grandi, différent du milieu académique.
– Laurent : On aura l’occasion de rentrer dans le détail par la suite.
Son parcours
Laurent : Est-ce que tu peux, en quelques mots, nous expliquer ton parcours ?
– Valentine : J’ai commencé la danse et notamment le breakdance, le breaking, fin 98, un peu par hasard.
Des amis m’avaient parlé de cette danse, je ne savais pas vraiment à quoi ça ressemblait. Lors d’un concert de rap de l’époque, Fonky Family à Grasse (je suis originaire du Sud-Est de la France), la première partie était assurée par des breakers.
J’étais loin, je ne voyais que des pieds, en fait : c’étaient des figures à l’envers ! Je me demandais ce qu’ils faisaient. Un des danseurs tournait sur la tête, je trouvais ça incroyable. Mon amie m’a dit :
C’est ça que je fais, c’est génial, c’est de la danse hip-hop, c’est du break.
Une semaine plus tard, le théâtre de Grasse organisait un stage de danse gratuit d’une semaine pour les jeunes, avec la compagnie Accrorap. La finalité était de représenter, avant leur spectacle, une petite partie de 20 minutes, montée par le chorégraphe, pour montrer ce que l’on avait appris.
Sa découverte de la grande culture hip-hop
– Valentine : J’ai commencé dans le vif du sujet de la chorégraphie, j’ai découvert tous ces danseurs que j’avais vus une semaine plus tôt sur la scène du concert, et l’univers du hip-hop.
Parce que le breaking fait partie de la culture hip-hop, qui comporte plein de spécialités différentes. Dans la partie danse, il y a donc le breaking, la danse hip-hop, qui comprend beaucoup de choses, dont de la danse debout. Le breaking, lui, est une danse proche du sol avec de nombreuses figures assez impressionnantes.
En tant que fille, je n’arrivais pas vraiment à me projeter dans ce style de danse. Je me voyais plutôt danser debout, faire des choses sur la musique, ça me paraissait aussi plus « facile », plus abordable.
Dans la culture hip-hop, il y a aussi le graff, tout ce qui est dessin, la musique, avec le DJ qui travaille le son sur des platines et le MC (Master of Ceremony), celui qui parle : ça peut être un rappeur, un présentateur, qui rythme avec la voix.
Au cours de ce stage, je me lie aussi d’amitié avec les autres danseurs et je finis par aller m’entraîner une ou deux fois par semaine. Je tombe amoureuse de cette culture, je m’y sens à l’aise, ça correspond à mon énergie. Je me suis sentie ultra-intégrée, même en tant que débutante. Je ne me suis pas sentie comme un boulet laissé de côté. J’ai trouvé cette culture très inclusive.
Montée à Paris pour la danse
– Valentine : De fil en aiguille, je vais à des événements de danse, des battles, je m’aperçois que c’est très grand, très riche, qu’il y en a partout en France et dans le monde. J’ai continué à m’entraîner beaucoup jusqu’à décider de monter à Paris.
Auprès de mes parents, j’ai défendu ce choix « pour les études ». Mais, en réalité, je montais pour la danse.
Je voulais m’entraîner à Châtelet-les-Halles. À l’époque, c’était l’endroit mythique, connu de tout le monde pour s’entraîner au chaud, le soir, gratuitement, sur un sol qui glissait bien. C’était aussi le point de rendez-vous de tous les danseurs, breakers et danseurs hip-hop de la région parisienne. Je me suis entraînée là-bas pratiquement tous les soirs pendant plus d’une année. On a commencé à m’identifier. J’étais nouvelle sur Paris, mais au fur et à mesure, on te voit très régulièrement à l’entraînement, dans des battles…
Premiers battles, premières victoires
– Valentine : L’année d’après, je suis partie pour Los Angeles, où j’ai gagné un battle mixte en un contre un. Puis, en Hollande, j’en ai gagné un autre en b-girl, chez les filles, donc. Il était très coté à l’époque, c’était un peu le Graal de gagner ça ! Je sens que mes entraînements portent leurs fruits et je gagne vraiment beaucoup de choses.
Quand danser est devenu son métier
– Valentine : Je rentre dans la compagnie Black Blanc Beur, j’intègre un crew de Meaux, Fantastik Armada.
Plein de choses positives se succèdent. J’acquiers une autre expérience dans ma danse, je deviens interprète, je deviens intermittente.
C’est vraiment différent du fait de s’entraîner pour faire des battles ou affronter d’autres personnes. Là, je suis sur scène pour incarner quelque chose, ça m’a beaucoup plu.
Depuis petite, j’ai toujours pratiqué différentes formes de danse assez librement, j’allais et venais. J’ai toujours aimé découvrir des choses artistiques. Je viens d’une famille de musiciens, notamment du côté de mon père où ça jouait du piano. J’ai toujours été attirée et touchée par la musique. J’allais voir des spectacles, j’ai été ouvreuse dans différents théâtres dans le Sud-Est, ça m’a permis d’acquérir un peu plus de culture générale sur le spectacle vivant.
Une fois intermittente, je deviens professionnelle dans la danse.
En 2011, je me suis décidée à monter ma propre compagnie pour pouvoir défendre davantage mes idées, les mettre sur scène. J’avais envie d’être plus créative, de m’exprimer librement.
Pourquoi le breakdance ?
– Laurent : Qu’est-ce qui fait que tu as accroché avec le break ? Qu’y as-tu trouvé que tu n’avais pas trouvé dans les autres danses ?
– Valentine : Déjà, la musique me parlait. 😄
Toute petite, vers 4 ou 5 ans, j’ai fait un peu de classique. Ma prof me paraissait très austère, il fallait bien se tenir, rentrer le ventre. J’aimais bien, mais ce qui me faisait rêver, en tant que petite fille, c’était plutôt le tutu, ce que ça représentait. Dans les faits, quand je pratiquais, je me sentais très oppressée. Je sentais bien qu’il ne fallait pas continuer là-dedans, et ma mère aussi. Je n’ai pas pratiqué bien longtemps, quelques mois.
En contemporain, c’est pareil, je n’ai pas accroché, déjà musicalement. J’aimais bien bouger juste comme je voulais. Là, il y avait beaucoup de codes, il fallait faire de grands gestes avec les bras, il fallait vraiment des bases… comme dans chaque danse, hein. Mais je ne me sentais pas connectée à ces mouvements.
Plus grande, ado, j’ai fait une année de jazz et j’ai bien aimé, mais je ne me sentais pas non plus transcendée dans les mouvements.
Après, j’ai touché aussi aux danses de salon, à la danse africaine, tout ça… je voulais apprendre, j’aimais bien danser et je voulais m’amuser.
Mais dans le breaking, au-delà des cours et du prof, j’ai senti que les autres danseurs autour de moi pouvaient m’aider à leur façon, ce n’était pas un cours de façon empirique. J’apprenais des choses, mais je pouvais comprendre. Si je ne parvenais pas à faire quelque chose parce que je n’étais pas assez souple, par exemple, on m’apprenait que je pouvais quand même me débrouiller et y arriver avec mon corps.
Quand je rentrais chez moi, je m’entraînais toute seule, j’apprenais même les figures à mon frère. Se mettre sur la tête, tenir en poirier, pour moi, c’était tellement inconcevable et fou, dans une vie normale. Réussir à le faire chez moi parce que je m’entraînais, je trouvais ça génial ! Je n’aurais jamais pensé arriver à faire un jour.
Tout ça m’a donné encore plus envie de progresser, d’apprendre, de chercher, de comprendre, sur cette danse et sur cette culture.
Sa définition de la créativité
– Laurent : Qu’est-ce que la créativité pour toi ? Quelle définition tu pourrais en donner ?
– Valentine : La créativité, je dirais que c’est la liberté d’être soi. Pour moi, tout le monde peut être créatif. On peut être créatif avec n’importe quoi, je trouve ça chouette. La société en général n’en a pas vraiment conscience.
Le cerveau, si on le laissait suivre son cours depuis tout petit, on arriverait à des choses vraiment superbes. La créativité, je dirais que c’est l’expression de la liberté.
– Laurent : C’est une belle définition, qu’on ne m’avait pas encore donnée dans le podcast ! Et c’est cohérent avec ce que tu viens de dire, par rapport à ce que tu aimes dans le breaking !
– Valentine : La créativité, c’est aussi quelque chose de naturel pour les humains, les hommes, les femmes. Si on a des enfants, c’est quelque chose qui se renouvelle, se transmet…
– Laurent : Tu peux préciser ce que tu entends par là ?
– Valentine : La création va aussi dans le sens de l’instinct. Le fait d’avoir un enfant, pour moi, c’est la création.
– Laurent : Tu parles de la création d’un être humain ?
– Valentine : Oui, mais pas seulement. La création, c’est ce qui sort de toi…
– Laurent : Que ce soit une idée ou un bébé ! 😅
– Valentine : Voilà, c’est ça. C’est quelque chose qui est censé représenter une part de toi, en tout cas.
– Laurent : Tu n’es pas la première maman que j’interviewe, mais la première à voir les choses comme ça ! 😂
Créativité et enfance
– Laurent : Plus jeune, est-ce que tu exprimais autrement ta créativité que par la danse ?
– Valentine : J’étais une petite fille très créative, à cent à l’heure. J’adorais inventer plein de jeux avec d’autres copains. J’arrivais toujours à me débrouiller, à m’amuser avec tout et n’importe quoi, à construire des choses, j’adorais ça.
J’adorais faire des spectacles, bien évidemment, pour les parents, dès qu’il avait des amis à la maison. Je devais sûrement prendre la tête de mes copains et copines, mais, en tout cas, on arrivait toujours à faire un spectacle de danse, de théâtre, de chant.
C’est vrai qu’il avait toujours le corps. J’aimais bien bouger le corps, même si ça chantait, ça jouait des rôles, c’était quand même ma base.
Aux origines, une éducation
– Laurent : Est-ce que tu parviens à identifier d’où te vient cette créativité ? Es-tu es née avec, ou l’as-tu développée avec le temps, parce que ton un environnement était favorable ?
– Valentine : En effet, l’environnement favorable joue. Mes parents aiment l’art et se sont toujours intéressés à de nombreux sujets. J’ai toujours appris plein de choses, que ce soit de la musique, du dessin… et j’apprends encore !
Dans ma famille et dans mon éducation, on m’a permis de partir dans cette création, on a laissé mon esprit partir, on m’a laissée m’amuser. Ça te permet de te construire en tant qu’individu.
Laisser l’enfant s’exprimer comme il en a envie, en dessinant, en bougeant, en faisant de la pâte à modeler, c’est le laisser être créatif. Il ira vers ce dont il a envie.
Transmettre, à son tour, la créativité
– Laurent : Est-ce quelque chose que tu essayes de reproduire avec ton enfant, aujourd’hui ?
– Valentine : Oui, bien sûr. Je suis partisane de laisser les enfants s’amuser, de ne pas leur dire : « Non, il faut faire comme ça ! »
Il y a des règles, et c’est normal. Mais dès qu’il joue, c’est chouette de le laisser ouvrir un livre, dessiner, écouter de la musique, faire un spectacle… quand il en a envie. En tout cas, on n’est pas là, en train de le juger… même s’il chante faux 🙂
Bien évidemment, je l’emmène à beaucoup de spectacles, donc c’est sûr que ça l’inspire.
Il faut laisser les enfants libres dans ce qu’ils construisent, dans leurs jeux, dans leur imaginaire. Si on les bloque trop, c’est difficile quand ils grandissent, ça empêche la création. Ils peuvent se retrouver un peu coincés, à vouloir rester dans les clous…
Contrainte financière et créativité
– Laurent : Si tu étais libre financièrement, si tu n’avais plus forcément besoin de travailler, est-ce que tu continuerais à danser et/ou à créer des chorégraphies ?
– Valentine : C’est une bonne question, en réalité, je peux déjà me la poser maintenant. Les choses sont de plus en plus compliquées, dans la culture, il y a des restrictions budgétaires… Si demain, je n’en vis plus, est-ce que je continuerais de danser ?
Je pense que oui, c’est tellement instinctif, ça me fait du bien. En ce moment, je ne trouve pas forcément le temps de m’entraîner pour moi, de m’amuser comme avant, parce que je suis plongée dans l’administratif, dans le montage de spectacles… Mais je pense que je ne quitterai pas la danse.
– Laurent : Tu arrêterais de monter des chorégraphies ? Ou tu continuerais juste comme ça, pour t’amuser ?
– Valentine : Non, parce que ça prend du temps. Et puis une fois qu’on a réussi à monter des chorégraphies à représenter sur scène, sans le budget pour pouvoir monter un spectacle, c’est triste 🙂
Dans ce cas, je préférerais vraiment me sentir libre de danser, de me chorégraphier moi dans mes danses.
– Laurent : La partie administrative dont tu parles, la recherche d’argent, penses-tu que ça nuise à ta créativité ? Ou au contraire, est-ce que ça pose un cadre et des contraintes ?
– Valentine : J’ai un côté challengeuse : j’aime arriver au bout, atteindre mon but. Ça me motive, je me dis : « Je vais y arriver. »
Et je suis un peu tête dure, donc j’y arrive. 😅
– Laurent : Mais ça n’influence pas forcément la façon dont tu vas créer tes chorégraphies ?
– Valentine : Oui et non. Si je sais que le budget est moindre, forcément, je penserai plus léger. Ça influe sur le décor, sur des choses comme ça, peut-être en mettant moins d’interprètes sur scène…
Ces contraintes permettent aussi de savoir être réactif, de parvenir à se débrouiller sans forcément beaucoup d’argent. Il faut pouvoir trouver une solution et rester dans la création.
Peut-être que la pièce sera moins réussie ou différente, que ça va être plus difficile… Le challenge me permet malgré tout d’être bien focus et de continuer.
Mais je pense qu’il y a des chorégraphes plus sensibles à ça, qui se sentent beaucoup plus oppressés par ce côté administratif.
– Laurent : Dans ta compagnie, tu gères les chorégraphies. La partie administrative, ce n’est pas quelque chose que tu peux déléguer, si ?
– Valentine : Si, si, il y a une personne qui travaille dessus, heureusement ! 😄
Avoir la tête seulement à ça, là, ça deviendrait vraiment compliqué. C’est aussi pour ça que j’engage cette personne, pour me libérer l’esprit de cette partie, pour pouvoir être beaucoup plus libre dans la créativité.
– Laurent : Est-ce que cette recherche de financement et le montage de dossiers t’obligent à rentrer une sorte de « moule » ? Ou tu peux quand même rester libre créativement parlant, faire un peu ce que tu aimes faire ?
– Valentine : Mon ressenti, c’est que tu n’es pas vraiment libre à 100 %. 🙂
En tant que créateur, on est quand même dépendant de ce qu’on va nous donner, du budget. Donc bien évidemment, on ne peut pas aller à 100 % là où on voudrait aller, mais ce n’est pas grave, on fait avec et ça peut marcher aussi.
L’importance de penser positif
– Laurent : Tu ne le vis pas comme un frein ?
– Valentine : En fait, tu peux voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. 😉
Si tu penses négatif, les choses vont mal se passer. Alors que si tu te dis : « Bon, j’ai déjà ça, c’est bien ! OK, allons-y ! » Continuons et avançons en pensant positif, pour que cette positivité se retrouve dans la pièce.
Si les choses sont toujours en tension, c’est compliqué, c’est lourd. Je n’aime pas vivre la création, monter une chorégraphie, penser à un spectacle en étant dans ce truc « noir ».
Il y a des créateurs qui adorent ça. Moi-même, je me pose cette question. Parfois, il faut être mal pour pouvoir sortir ce mal sur scène ou dans ses créations. Mais je n’aime pas trop ça, en fait, voir tout ce qui ne va pas et avancer comme ça, c’est comme si j’avais un boulet.
Ce qui nourrit sa créativité
– Laurent : Aujourd’hui, en ce moment, qu’est-ce qui nourrit ta créativité ?
– Valentine : Tellement de choses ! 😄
La vie nourrit ma créativité, notamment le fait d’être maman. Là, je veux faire une pièce jeune public, tout simplement parce que j’ai un enfant donc c’est génial, je peux réfléchir à une pièce chorégraphique pour les petits ! Le premier servi, ça sera forcément mon enfant, ça m’éclate 🙂
Tout ce qui m’entoure me nourrit. Ça peut être des voyages, des échanges avec des amis… C’est à partir de là que les idées commencent à se mettre en place. C’est comme si je faisais une synthèse de tout ce qui m’arrivait au moment présent. Il n’y a rien de spécifique.
Bien évidemment, j’adore aller au cinéma, j’adore faire des expos, tout ça, mais il n’y a pas que ça qui va m’inspirer.
– Laurent : Et à l’inverse, même si tu as commencé à répondre en parlant de la négativité, qu’est-ce qui freine ta créativité ?
– Valentine : La tristesse me freine. Quand je suis triste, je ne suis pas créative, j’ai besoin de vivre ma tristesse au calme, sans penser qu’il faut que je fasse quelque chose.
Quand quelque chose me mine, je ne suis pas apte à m’ouvrir, à pouvoir sortir quelque chose. Après avoir vécu un moment triste, vraiment plus tard, j’arrive à être créative, mais il faut que j’aie dépassé ça.
– Laurent : C’est intéressant, car certains, au contraire, se nourrissent de leur tristesse ou de leur malheur pour faire une œuvre créative.
– Valentine : Une fois que la tristesse est passée, que j’ai réfléchi, compris pourquoi, ce qu’il y avait à l’intérieur de moi, je vais pouvoir le translater sur scène. Le vécu m’a donné des sensations que je peux retranscrire sur scène. Donc, je comprends pourquoi les gens sont créatifs à cause d’un moment down.
Mais je n’aime pas devoir sortir quelque chose en n’étant pas bien. Je préfère attendre plus tard. J’aime bien être bien pour créer 🙂
– Laurent : En même temps, je pense que c’est le cas pour tout le monde 🙂
– Valentine : Oui, mais c’est vrai qu’il y a des gens qui se sentent peut-être plus vivants en étant tourmentés 🙂
– Laurent : C’est le fameux mythe de l’artiste maudit !
– Valentine : Et il y a des choses super belles hein qui sortent de ça 🙂
Sa vision du breakdance
– Laurent : Depuis le début, on a parlé à plusieurs reprises du terme breaking. Tu as commencé à expliquer que c’était plutôt la danse au sol… Est-ce que tu peux donner ta définition du breakdance, pas forcément d’un point de vue technique, mais plutôt ce que ça représente pour toi ?
La naissance du breakdance
– Valentine : C’est la première danse de la culture hip-hop. Au départ, elle est dansée lors des soirées, les block parties, aux États-Unis, à New York, et dans les quartiers défavorisés.
À l’époque, les DJ passaient des sons soul ou funk, qui comportent toujours un break musical avec des percussions, un moment beaucoup plus rythmé. Dans les soirées, c’est à ce moment-là que ça dansait le plus, que les gens s’enjaillaient le plus. Les premiers b-boys, ou break-boys, dansaient sur ces parties-là en descendant au sol.
Leur inspiration venait de plein de choses, de tout ce qu’ils voyaient à la télé : des arts martiaux, de la capoeira, des influences de plein de cultures différentes… Dans cette danse proche du sol, le breaking, tu peux être plus ou moins à l’envers, plus ou moins rapide, faire des figures impressionnantes, incroyables.
Le breakdance comme une thérapie
– Valentine : Avec le recul, je trouve ça rigolo d’être allée vers cette danse-là et pas vers la danse classique. Symboliquement, le sol représente la terre, la mer, nos racines, tandis que tout ce qui est en haut, c’est le ciel. Quand on est bébé, avant de marcher, on est à quatre pattes sur le sol, il y a quelque chose de très instinctif, très animal. C’est comme si je voulais retrouver mes propres instincts, mes racines, me rapprocher de ça, mieux me comprendre aussi. Le breaking a été comme une thérapie.
C’est aussi une danse très physique. Ça n’a pas été de tout repos pour mon corps. Après plus de 20 ans de pratique, maintenant, j’ai mal aux genoux… Mais c’est une danse qui te ramène à toi, qui te permet de bien te retrouver, de te comprendre et de te construire.
La première des danses hip-hop
– Laurent : Tu disais que le breaking est la première des danses du hip-hop. Il y en a d’autres ? Parce que pour moi, hip-hop = breakdance. Je ne savais pas qu’il y avait d’autres danses.
– Valentine : Le hip-hop top dance, la danse debout, est aussi né avec le mouvement et le courant musical. Il y a aussi le New Jack Swing, par exemple. Le rap des années 90 a engendré tout un courant de danse debout, très smooth, très soirée…
Le hip-hop est ultra riche, il y a autant de formes musicales que de mouvements, debout et au sol. Ça comprend le popping, le locking… même si ces danses existaient déjà avant la culture hip-hop, elles en font partie.
Mais si on parle strictement de hip-hop, à partir du moment où la musique est apparue, le breaking est vraiment la danse qui le représente le mieux, avec la danse debout venue ensuite.
Ce sont avant tout des danses sociales, festives, des danses de soirée.
Danser contre la violence
– Laurent : Le hip-hop s’est largement démocratisé aujourd’hui. Pourtant, au début, c’était underground, contestataire, et un moyen de faire la fête ?
– Valentine : Lors des block parties et pendant les soirées, le DJ voyait que le monde s’enjaillait quand il y avait des breaks, donc il remettait en continu les breaks avec deux vinyles.
Au fur et à mesure, les personnes de quartiers différents se sont aussi affrontées via la danse. Il y avait déjà tellement de violence, de misère. Quand on va faire la fête, c’est aussi pour oublier cette vie-là. Bien sûr, il y avait toujours des guerres de gangs. Mais le hip-hop, les block parties, c’était censé rassembler tout le monde, transformer cette énergie négative en quelque chose de plus positif, plus festif.
Qui sont les b-boys et les b-girls ?
– Laurent : Tu as utilisé aussi à plusieurs reprises les termes b-boy et b-girl, qui désignent les danseurs et les danseuses de break. Mais est-ce que c’est aussi un style de vie, une façon de penser ?
– Valentine : Oui, ça englobe tout, forcément ! Au-delà de la pratique du breaking, le style de vie d’un b-boy et d’une b-girl comprend le voyage, l’échange, la curiosité, l’ouverture.
Pour autant, il n’y a pas de style de vie typique, c’est vraiment propre à chacun. Il n’y a pas de ligne de conduite, si ce n’est être connecté à soi-même et être ouvert à tout, ne pas être sectaire. Pour moi, un b-boy ou une b-girl n’écoute pas forcément que du hip-hop ou des breakbeats, n’est pas coincé là-dedans. C’est aussi une personne qui peut écouter du jazz, tout simplement parce que le jazz est l’ancêtre du hip-hop. Il n’y a pas de limite dans ce que tu vas faire.
– Laurent : D’autant que le hip-hop est déjà une fusion de plein de choses…
– Valentine : Exactement, c’est inspiré de tellement de choses. Je parlais d’arts martiaux, de capoeira, il y a aussi une influence des danses russes.
Dans chaque pays, le hip-hop est différent. Le b-boy ou la breakeuse japonaise ne vivent pas les mêmes choses et ne réfléchissent pas le breaking comme nous, en France, ou même comme aux États-Unis. C’est ce qui est beau 🙂
Son travail de chorégraphe
Son univers musical
– Laurent : En regardant les teasers des spectacles que tu as créés, ce qui m’a frappé, c’est que tu n’utilises pas de musique hip-hop mais plutôt des musiques assez douces, que je qualifierais de musiques « d’ambiance », sans que ça soit négatif 🙂
Est-ce que c’est aussi une volonté de montrer que le breakdance s’adapte à tout type de musique ?
– Valentine : C’est vrai que je n’aime pas verrouiller les choses dans mes spectacles.
Dans les teasers, en effet, je choisis en général des musiques assez douces, qui installent une ambiance particulière, un univers.
– Laurent : La musique des teasers est différente de celle des spectacles ?
– Valentine : Pas forcément.
En général, j’aime bien les musiques rythmées, travailler avec des sons percussifs, des instruments traditionnels, par exemple japonais, les kotos… j’adore !
J’aime aussi beaucoup l’électro, la house, le drum and bass, la jungle. Parfois, j’utilise aussi ce genre d’influence. C’est assez éclectique.
Ça peut aussi être un beat hip-hop, mais je ne fais pas uniquement des spectacles avec une musique 100 % hip-hop.
Pour moi, le spectacle vivant est censé t’emmener dans un univers, dans un imaginaire, te faire rêver, pleurer, t’émerveiller. Si tu as envie de voir du break et d’entendre un breakbeat, va voir un battle, tu vas plus t’éclater ! Ce n’est pas ce que j’ai envie de faire sur scène, je ne vois pas trop l’intérêt de monter un spectacle qui ressemble à un battle. C’est trop cool de voir un battle… en battle 🙂
Son expérience en battle au service de ses chorégraphies
– Laurent : Tu t’es fait connaître par les battles, puis tu t’es dirigée vers la chorégraphie. Qu’est-ce qui t’a fait prendre ce virage ? Comment s’est passé la transition entre les deux ?
– Valentine : Le battle te permet d’acquérir une bonne technique. C’est chouette parce que tu deviens beaucoup plus pointu dans ce que tu peux proposer. C’est comme quand tu parles : plus tu as de vocabulaire, plus les phrases sortent facilement, mieux tu t’exprimes.
Les battles ont été très constructives pour moi, sur le plan de la technique et sur ce que je pouvais proposer en chorégraphie.
J’ai aussi commencé à mieux comprendre ma danse, mon corps. Ça m’a aidé pour demander aux interprètes que j’engage de prendre telle direction, de montrer tel mouvement, y compris au-delà de la technique, car les mouvements peuvent aussi véhiculer quelque chose de symbolique.
Son processus de création
– Laurent : Est-ce que tu composes ta chorégraphie en fonction de la musique, l’inverse, ou ça dépend ?
– Valentine : Ça dépend.
La musique m’influence souvent. Le corps et la technique dansée vont davantage rythmer certaines musiques. Les états de corps priment, je cale la musique par-dessus…
– Laurent : Tu fais ta chorégraphie puis tu choisis la musique qui correspond ? Pas l’inverse ?
– Valentine : C’est un peu des deux, en fait. Avant de créer, je fais des recherches musicales qui me mettent dans un univers, dans un mood qui correspond à ce que je veux mettre sur scène.
Je ne cale pas forcément une musique avec une chorégraphie. Je fais la chorégraphie, peut-être sur une musique, mais finalement, ça peut changer après.
– Laurent : Est-ce que ça peut être des musiques composées sur-mesure ?
– Valentine : Oui, et ça, j’adore 🙂 C’est trop bien d’avoir une musique qui correspond à ton univers et à tes idées.
– Laurent : Comment ça se passe ? Tu passes une commande avec une sorte de cahier des charges ou tu travailles directement avec le musicien ?
– Valentine : En général, c’est un échange avec le compositeur qui prend mes idées et les interprète à sa façon.
C’est aussi un travail de confiance. Quand ça marche bien entre le chorégraphe et le compositeur, en général, c’est qu’ils parlent un peu le même langage, se comprennent. Ça va vite, c’est trop chouette 🙂
J’adore ressentir l’interprétation du musicien et du compositeur. C’est comme si lui aussi me faisait rentrer dans son univers, même si je lui ai donné des indications.
Le challenge de la première « commande »
– Laurent : Quand tu crées tes chorégraphies, c’est pour des projets que tu veux monter, toi ? Il t’arrive d’avoir des commandes ? Comment ça se passe ?
– Valentine : Pour le moment, c’est toujours venu de moi.
Mais là, je vais bientôt travailler avec un monsieur du théâtre qui me demande de chorégraphier par rapport à un texte donné. C’est un super challenge ! Le texte est supra-inspirant, l’histoire très touchante. Ça va être une pièce de théâtre pour les jeunes, avec une danseuse et un comédien. J’ai hâte de commencer !
Cette première « commande » est plutôt une collaboration…
– Laurent : Le terme « commande » n’est peut-être pas exact, effectivement…
– Valentine : Il doit y avoir des théâtres qui commandent à des chorégraphes : « Tiens, tu me fais une pièce qui dure 1 heure, en ce laps de temps… ». Ça ne m’est jamais arrivé, je pense que je ne suis pas encore assez connue.
– Laurent : Quand même, tu passes à la télé. 😄
– Valentine : Oui. 😀
L’improvisation au cœur de la création
– Laurent : Pour terminer sur les chorégraphies, un truc qui m’interpelle toujours, moi qui ne suis absolument pas danseur, qui n’y connais rien du tout : comment tu décides du premier pas ? Comment tu commences ta chorégraphie ?
– Valentine : Justement, tu vois, quand je te parle de liberté… 🙂
J’adore laisser les interprètes freestyler sur une musique. Je leur donne quelques mots, quelques intentions, pour voir où ils vont. Très souvent, c’est ce qu’ils sont qui m’inspire, me donne des idées pour la suite.
Je construis sur la base de leur propre personne, leur propre technique, je réfléchis à ce que je peux faire sans les aliéner. Je n’ai pas envie d’un interprète qui ressemble à ce que je voudrais.
Ayant moi-même travaillé en tant qu’interprète, j’aimais bien quand on me laissait la liberté de proposer. Quand on m’imposait trop, je pense que ce n’est pas là que j’étais la meilleure. Je reproduis un peu ce truc-là, je trouve ça chouette que les interprètes puissent coopérer, se sentir à l’aise, être eux-mêmes et faire des propositions.
– Laurent : Et quand tu te mets en scène, toi, tu commences aussi par improviser ?
– Valentine : Ah oui, c’est de l’impro tout le temps ! Je laisse tourner une musique, je vois ce qui en sort, tout en ayant en tête le thème, des idées… Je laisse cet espace libre pour créer.
Je m’accorde aussi le temps. Je n’aime pas être dans le rush. J’aime essayer plein de choses, et après je fais le tri. Ce que j’élimine sera peut-être utilisable sur un autre spectacle, rien n’est perdu. Il faut simplement sortir puis voir ce qui colle avec les idées, le thème… et les interprètes !
Juger le breakdance
– Laurent : Tu m’as dit que tu allais être jury aux JO de 2024, c’est ça ?
– Valentine : Ah non, non, pas du tout ! 😅
– Laurent : Alors, j’ai mal compris ?
– Valentine : Je suis certifiée pour juger des battles breaking dans le cadre de la WDLSF, la World Dance Sport Federation. C’est lié aux JO : tous les danseurs qui gagnent ou sont bien placés sur les battles internationaux organisés par la WDSF peuvent être amenés ensuite, grâce aux points cumulés, à participer aux JO.
Je juge pas mal de ces battles-là, dans un cadre sportif, maintenant que le breaking est présent aux JO. Je juge aussi les autres battles, ceux qui ont toujours existé, hors du cadre sportif.
Je suis dans ces deux « réseaux », mais non, je ne suis pas jurée pour les JO. 😄
– Laurent : On ne sait jamais ! 😂
– Valentine : Bien évidemment, si on me le proposait, je pense que je ne dirais pas non ! 😆
Comment évaluer la créativité ?
– Laurent : Comment se juge un battle ? Quelle place occupe la créativité et comment l’évalues-tu, en tant que juge ?
– Valentine : Dans le cadre des événements sportifs, on juge avec un système de jugement comparatif.
En gros, c’est un « question / réponse », un danseur contre un autre danseur. Le premier fait un passage, l’autre danseur répond, et on juge qui a été le meilleur entre les deux.
Il y a trois parties : body, mind et soul.
Body, c’est la performance physique, technique, la gestion du corps.
Mind, c’est l’artistique, la créativité : est-ce que le danseur va chercher plus loin pour s’approprier les mouvements de base, est-ce qu’il propose quelque chose de personnel ?
Soul, c’est son âme et son interprétation : qui il est, comment il me montre à l’intérieur de lui, comment il prend la musique…
– Laurent : Ça, c’est intéressant. Ces trois critères permettent d’éviter que la personne qui sort les plus grosses figures gagne ? Ou des prestations un peu trop « scolaires » ?
– Valentine : Exactement.
Chaque juge a aussi sa sensibilité, on ne juge pas tous de la même façon. Par exemple, si un juge apprécie plus la technique, il mettra plus de points à la personne ultra forte techniquement, par rapport à la personne davantage sur la Soul, sa manière d’interpréter sur la musique. C’est vraiment propre à chacun, tout en essayant de rester plus objectif possible.
– Laurent : Combien y a-t-il de juges ?
– Valentine : En général, sur les gros battles WDSF, nous sommes 9.
Plus nous sommes nombreux, meilleur sera le jugement.
Sur les battles « normaux », hors du cadre sportif, c’est intéressant de garder toujours un peu ça en tête. Est-ce que la personne est créative ? C’est ce qu’on prend en compte dans le hip-hop : on ne veut pas que la personne soit une copie de quelqu’un d’autre. Je ne vois pas l’intérêt, ce n’est pas ce qui fait avancer la culture et la danse.
Quand on trouve des gens qui savent se démarquer tout en ayant une belle technique, qui maîtrisent leur corps sur la musique… alors c’est tout gagné.
La technique au service de la créativité
– Laurent : Tu as commencé à répondre à une question un peu provocatrice que j’avais prévu de te poser : est-ce que la danse, ce n’est que de la technique ?
– Valentine : La technique, c’est un vocabulaire, c’est comme l’alphabet. Il y a des choses comme ça qu’il faut connaître. On ne peut pas écrire sans connaître l’alphabet, sans avoir travaillé ses verbes, ses conjugaisons. On doit passer par la technique, quelle que soit la danse.
En revanche, pour pouvoir marquer, mettre un point d’affirmation sur ce que tu fais, tu vas chercher, tu vas créer en fonction de ce que tu as appris, te l’approprier et ressortir des choses qui te sont propres. C’est magnifique, c’est beau, il n’y a rien à dire, juste à apprécier. J’adore ça !
C’est dur de trouver cette parfaite osmose entre la technique, la recherche artistique, cette perfection dans ton corps, sur le son. C’est difficile, et ces moments-là ne se présentent pas aussi souvent qu’on pourrait le penser. Mais ça existe, et c’est trop bien quand ça arrive.
Les battles ne sont peut-être pas les moments les plus propices : tu sais que tu vas être jugé, que tu es en compétition, ton cerveau est en mode « Je dois faire mieux que l’autre ! ». Quand tu es libre de ça, affranchi de toutes ces pensées qui peuvent bloquer ton corps et ton esprit, c’est là que tu peux être le beau ou la plus belle des danseuses.
Tous danseurs ?!
– Laurent : Moi qui suis un très mauvais danseur, ça me semble à des années-lumière. 😁
– Valentine : Même si tu danses chez toi sur une musique que tu aimes, si tu arrives à te connecter avec la musique, que ton corps bouge, même très peu, c’est déjà danser. Il faut s’affranchir du regard de l’autre, vraiment lâcher prise… Donc moi, je ne pense pas que tu ne sais pas danser. 😉
– Laurent : Au même titre qu’on est tous créatifs, on est tous danseurs, mais pas au même niveau, c’est ça ? 😄
– Valentine : Voilà. 🙂
Les trois questions de la fin
– Laurent : On arrive tout doucement à la fin de la conversation. J’ai trois petites questions pour conclure.
Ses conseils à un·e aspirant·e chorégraphe
– Laurent : Quels conseils pourrais-tu donner à une personne qui aimerait se lancer dans la chorégraphie ?
– Valentine : Faire les choses avec le cœur et pas pour « ressembler à ». Si on fait avec le cœur, forcément, de belles choses vont sortir.
Si tu veux aller vers la chorégraphie, si tu as tes idées, c’est chouette ! Il faut juste se sentir connecté avec soi-même, je dirais.
– Laurent : Tu as déjà abordé cette notion de connexion à soi tout à l’heure.
– Valentine : En chorégraphie comme dans d’autres domaines, les belles choses se font avec de la sincérité. Si tu es sincère avec toi-même, ça va marcher.
– Laurent : Est-ce qu’il faut être un bon danseur pour être chorégraphe ?
– Valentine : Non, pas forcément. Tu n’es même pas obligé d’être danseur tout court pour être chorégraphe, si tu as étudié le mouvement, le corps…
– Laurent : Savoir danser, c’est plus simple pour montrer les gestes, mieux retranscrire tes idées ?
– Valentine : Exactement, danser aide dans la transmission et dans l’échange avec les danseurs.
Si je voulais travailler avec des danseurs classiques, comment je m’en sortirais ? C’est possible et ça serait rigolo. En tout cas, ça serait un gros challenge.
– Laurent : C’est sûr ! Pour le coup, on est vraiment sur deux types de danses complètement opposées !
– Valentine : Ah oui, je ne vais absolument pas leur demander de se mettre sur la tête ! 😂
– Laurent : Ou même d’improviser, tout simplement ?
– Valentine : Si, je pense qu’ils peuvent improviser, quand même. Je devrais juste trouver comment les amener à ça.
Depuis tout petits, ils ne sont pas du tout dans le freestyle, ils ont pris des cours… Ça apporterait sûrement des échanges intéressants et enrichissants, entre eux et une personne qui vient du hip-hop.
– Laurent : Peut-être l’idée d’un futur spectacle ?
– Valentine : À bon entendeur… 😉
Son mot préféré de la langue française
– Laurent : Il y a une question que j’aime beaucoup poser, car elle en dit souvent long sur la personne qui y répond : quel est ton mot préféré de la langue française ?
– Valentine : « Espoir » : c’est un mot positif, qui fait rêver, qui permet de se projeter en pensant bien, quel que soit le contexte.
– Laurent : Est-ce quelque chose que tu essaies d’insuffler dans tes chorégraphies ?
– Valentine : Je pense… Dans mes chorégraphies, je dirais qu’il y a toujours des questions, peut-être avec de l’espoir, des réponses ? Je ne suis pas sûre 🙂 On n’est pas très objectif sur nous-mêmes et sur nos travaux. Je n’ai pas envie de te dire de bêtises, je ne sais pas !
– Laurent : Ce n’est pas un marqueur, un message que tu veux forcément faire passer ?
– Valentine : Dans la création ? Bien évidemment ! Vu que dans mon esprit, tout est possible, on peut aller où on veut, penser avec de l’espoir…
Son coup de cœur créatif
– Laurent : Pour conclure, quel créateur ou créatrice aimerais-tu mettre en avant ?
– Valentine : J’ai découvert il y a peu un dessinateur belge que j’adore, Vincent Bal, complètement décalé 🙂
Il crée des ombres avec des objets de la vie « normale » : un peigne, des verres de cuisine, n’importe quoi… À partir de ces ombres, il dessine. C’est génial : s’il enlève l’objet, tu vois un dessin sans comprendre. Et quand il place l’objet à un endroit particulier, ça donne une situation.
Son travail est vraiment créatif, judicieux, rigolo ! J’aime bien cet humour et cette forme de créativité, c’est inspirant ! Je ne sais pas si c’est comme ça dans mes créas, mais je trouve ça génial ! Avec rien, juste parce qu’il sait dessiner, il fait un truc complètement propre à lui.
– Laurent : C’est déjà pas mal de savoir dessiner. 😄
– Valentine : Oui c’est vrai, mais ses dessins ne sont même pas très techniques, plutôt très simples. Il ne met pas 20 000 couleurs… Des fois, la couleur vient juste de l’ombre d’un verre teinté…
C’est très drôle, c’est super bon ! Tu iras voir ça, tu me diras si tu aimes bien.
Conclusion
– Laurent : Merci beaucoup ! Où peut-on te retrouver si on veut te contacter, voir ce que tu fais ?
– Valentine : Sur le site de la compagnie Uzumaki, il y a les actualités, les spectacles, ce que j’ai pu faire auparavant, les cours… mais aussi sur les réseaux : Instagram, Facebook et Viméo.
– Laurent : Valentine, merci beaucoup !
– Valentine : Merci à toi, c’était chouette.
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