Il suffit parfois de peu pour inspirer une grande création : une discussion avec un collège, une émission de radio, un podcast, ou encore une conversation téléphonique entre deux anciens amants.

C’est ce qui est arrivé à la chanteuse de musique folk Joan Baez en 1975, lorsqu’elle reçoit un appel de son ex-compagnon Bob Dylan.

Les deux stars de la chanson se connaissent depuis 1961. À l’époque, Dylan débute, alors que la carrière de Baez est déjà bien établie. Cette situation est idéale pour les deux artistes : Baez chante les chansons écrites par Dylan et le fait monter sur scène, lui « offrant » ses premiers fans.

Joan Baez et Bob Dylan lors d’une marche pour les droits civique en 1963 – Source : Wikimedia Commons.

Au fil du temps, leur partenarial professionnel évolue en relation amoureuse. Toutefois, l’ascension fulgurante de Dylan et des divergences d’opinions quant à leurs engagements politiques ont raison de leur couple.

Après leur séparation romantique et professionnelle en 1965, Baez écrit plusieurs chansons dédiées à Dylan, dont une qui est restée dans l’histoire : « Diamonds and rust » (qui signifie « des diamants et de la rouille »).

Cette chanson traduit les émotions en cascade que cet appel téléphonique impromptu de Dylan fait ressurgir chez Joan Baez. En effet, Baez a eu beaucoup de mal à se remettre de sa rupture et les appels occasionnels de Dylan font systématiquement revenir des émotions complexes.

Ce que je trouve intéressant avec cette anecdote, c’est qu’à l’origine cette chanson ne devait pas parler de Dylan. L’histoire ne dit pas de quoi devait initialement parler la chanson, mais ce simple appel a inspiré à Baez une nouvelle direction pour sa chanson.

Cette intuition s’est révélée payante car « Diamonds and rust » est un des plus grands tubes de la chanteuse et continue d’être repris des décennies plus tard.

À mes yeux, une des raisons du succès de « Diamonds and rust » (en plus d’être magnifiquement écrite), c’est que la chanson se base sur une expérience émotionnelle réelle. Joan Baez n’a pas imaginé les sentiments qu’elle aurait eus si Dylan l’appelait. Elle a couché sur le papier ce qu’elle a réellement ressenti.

En termes de créativité, cela fait toute la différence, car ces sentiments sont universels et intemporels.

Je te laisse apprécier cette sublime chanson :

Paroles originales

Well, I’ll be damned
Here comes your ghost again
But that’s not unusual
It’s just that the moon is full
And you happened to call

And here I sit
Hand on the telephone
Hearing a voice I’d known
A couple of light years ago
Heading straight for a fall

As I remember your eyes
Were bluer than robin’s eggs
My poetry was lousy, you said
Where are you calling from?
A booth in the Midwest

Ten years ago I bought you some cufflinks
You brought me something
We both know what memories can bring
They bring diamonds and rust

Well you burst on the scene
Already a legend
The unwashed phenomenon
The original vagabond
You strayed into my arms

And there you stayed
Temporarily lost at sea
The Madonna was yours for free
Yes, the girl on the half-shell
Could keep you unharmed

Now I see you standing with brown leaves
Falling all around and snow in your hair
Now you’re smiling out the window
Of that crummy hotel over Washington Square
Our breath comes out white clouds
Mingles and hangs in the air
Speaking strictly for me
We both could have died then and there

Now you’re telling me, you’re not nostalgic
Then give me another word for it
You were so good with words
And at keeping things vague
’Cause I need some of that vagueness now
It’s all come back too clearly
Yes, I loved you dearly
And if you’re offering me diamonds and rust
I’ve already paid

Traduction par mes soins*

Que je sois damnée
Revoilà ton fantôme
Mais ce n’est pas inhabituel
C’est juste que la lune est pleine ce soir
Et tu as décidé d’appeler

Et me voici assise
Une main posée sur le téléphone
J’entends cette voix qui m’était familière
ll y a une éternité de cela
Menant droit dans le mur

Si je me souviens bien tes yeux
Étaient plus bleus que des œufs de rouge-gorge
Tu disais que ma poésie était nulle
D’où est-ce que tu m’appelles ?
D’une cabine téléphonique du Midwest

Il y a dix ans de ça
Je t’avais acheté des boutons de manchette
Tu m’as ramené quelque chose
Nous savons tous les deux ce que les souvenirs apportent
Ils apportent des diamants et de la rouille

Tu as fait irruption sur scène
Déjà une légende
Le phénomène brut
L’authentique vagabond
Tu t’es égaré dans mes bras

Et tu es resté là
Temporairement perdu en mer
La Madone t’appartenait gratuitement
Oui, la fille sur la demi-coquille
Pourrait te garder indemne

Maintenant, je te vois debout avec des feuilles brunes
Tombant autour de toi et de la neige dans tes cheveux
Maintenant, tu souris par la fenêtre
De cet hôtel minable au-dessus de Washington Square
De notre souffle jaillissent des nuages blancs
S’entremêlant et flottant dans les airs
Parlant strictement pour moi
Nous aurions pu mourir sur le champ

Maintenant, tu prétends
Ne pas être nostalgique
Dans ce cas, donne-moi un mot pour ce que je ressens
Toi qui es si doué avec les mots
Et pour rester vague
Parce que j’ai besoin de ce flou maintenant
Tout revient trop clairement
C’est vrai que je t’ai aimé de tout mon cœur
Et si tu veux m’offrir des diamants et de la rouille
J’ai déjà payé

* Donc probablement imparfaite.
** Ce vers fait probablement référence à la Naissance de Vénus de Botticelli.

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